Destins en flammes
152 pages
Français
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Description

Fraîchement nommé à la direction de l’école du village, Kerry débarque à Nguenda. Le citadin remarque vite que les traditions ancestrales sont encore profondément ancrées dans cette campagne reculée : Dikoutou, le chef, y règne en seul maître et juge. Il défend à quiconque de s’approcher de Dimengui, sa jeune et jolie femme, sous peine de sévères représailles. Kerry, perplexe, observe. Mais à peine leurs regards se sont-ils croisés que les deux jeunes gens tombent désespérément amoureux l’un de l’autre... Parviendront-ils à résister à la tentation, ou se laisseront-ils submergés par la passion, faisant fi du danger, et de toute raison ?


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 janvier 2014
Nombre de lectures 2 268
EAN13 9782354854294
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

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À ma maman chérie qui m’a quitté si brutalement au moment où, paralysé sur un lit d’hôpital, je m’engageais dans l’écriture de ce roman.

À Mme Marcelline Moukagni, ma bien-aimée et admirable épouse, qui m’a apporté un soutien inestimable pour la matérialisation de ce projet. Qu’elle trouve dans ces quelques mots la manifestation profonde de toute ma gratitude.

À Auguste Mapangou, mon cher frère et compagnon de la première heure, qui m’a toujours aidé à lutter et à persévérer.

À mes enfants Mike Davy Bouka, Sonia Boussougou épouse Mbadinga, Yanis Davy Moussavou Moukagni, Margareth Cheronne Eyang Zeng et mon neveu Ariel-Eloi Iwangou Iwangou pour leurs précieux encouragements.

À Nguenda, la rentrée des classes débutait sous de mauvais auspices. En effet, l’école du village n’était pas encore pourvue d’un chef d’établissement. Celui qui était en poste l’année précédente avait bénéficié d’une mutation et n’avait pas été remplacé, au grand dam des villageois qui ne furent pas consultés au moment de ce choix. Ils avaient pourtant apprécié le comportement et le rendement de ce responsable au point de l’adopter. Malgré la présence effective de quelques enseignants à l’entame de cette nouvelle année scolaire, rien ne pouvait démarrer en l’absence de leur chef d’orchestre. Cette situation n’était pas pour plaire au plus grand nombre, à juste titre. D’habitude, cette question cruciale était toujours réglée au moins deux semaines à l’avance. Ce manquement constaté suscitait de vives inquiétudes chez les habitants du village. Ils ne comprenaient pas les raisons de cette négligence inadmissible de la part des autorités et craignaient une année blanche pour leurs progénitures. À ce sujet, beaucoup d’hypothèses avaient été émises. Certains y voyaient les prémices de la fermeture pure et simple de l’établissement du fait du faible taux de scolarisation. En effet, Nguenda avait subi de plein fouet un exode rural massif, consécutif à l’absence d’activités génératrices de revenus pour la plupart de ses habitants. Beaucoup de familles avaient quitté la localité, entraînant ainsi une forte baisse du nombre d’enfants en âge d’aller à l’école. D’autres suspectaient une éventuelle sanction infligée à ce village réputé frondeur par les autorités régionales. À ce sujet, on n’aurait su nier que la bourgade excellait dans les comportements frisant la rébellion.

Il était connu de tous que, à chaque fois qu’une décision prise par l’administration ne rencontrait pas leur assentiment, les habitants utilisaient la manière forte pour se faire entendre. Afin de discuter des problèmes de l’école, une grande réunion fut organisée chez Dikoutou, le chef du village. C’était un homme qui, sous son apparence débonnaire, cachait un caractère dur et impitoyable. Intelligent et maîtrisant parfaitement les rouages de sa fonction, il était avide de pouvoir et usait de tous les moyens à sa disposition pour le conserver. Comme il savait se faire respecter et compte tenu de l’importance du sujet à débattre, tout le monde avait effectué le déplacement pour répondre à son appel.

Pour beaucoup, il n’était pas de bon aloi que leur école fût sans responsable à sa tête alors que l’année scolaire avait déjà débuté. Nguenda n’avait jamais connu pareille déconvenue. Tous les parents d’élèves étaient là, cherchant à comprendre ce qui se tramait contre l’établissement, objet de leur fierté et unique symbole de la modernité dans le village. Sur les visages crispés, on pouvait lire l’anxiété qui gagnait ces pères et mères de famille dont la seule préoccupation était de voir leurs enfants retrouver le plus rapidement le chemin de l’école. Ils étaient conscients du risque pour leur progéniture, et de l’ampleur de l’enjeu. L’heure était donc grave et la tension grande dans la foule amassée dans la cour du chef Dikoutou. Pour rassurer les uns et les autres, pour détendre l’atmosphère délétère qui commençait à peser sur la réunion, le chef prit la parole et ordonna :

— Silence, les amis ! Silence, s’il vous plaît !

Un calme de cimetière enveloppa la foule. Tout le monde avait le regard tourné vers le chef Dikoutou. Il poursuivit :

— Les hommes, est-ce que vous êtes là ?

— Oui, nous sommes là, répondirent-ils en chœur, en donnant de la voix.

— OK ! J’ai grand plaisir de vous entendre répondre ainsi. Cela veut dire que vous vous êtes mobilisés pour la circonstance. Voyons maintenant la réaction des femmes. Les femmes, êtes-vous là aussi ? demanda le chef.

— Oui, nous sommes là, répliquèrent-elles avec entrain et un peu plus de tonus que d’habitude.

— Merci à vous aussi de votre mobilisation ! ajouta le président de séance.

Des salves d’applaudissements retentirent au milieu de l’assistance. C’était la preuve que les uns et les autres avaient pris ce problème à bras-le-corps. La façon dont ils avaient réagi à ses sollicitations dénotait leur volonté commune de trouver une issue favorable à cette affaire.

Et le chef Dikoutou d’enchaîner :

— Bien ! Je vous remercie tous d’avoir répondu nombreux à mon appel. Je vous ai conviés à cette réunion pour débattre d’un problème qui nous concerne tous et qui n’est d’ailleurs plus un secret pour personne. Notre école n’est toujours pas ouverte parce que son nouveau directeur n’a pas encore été affecté. Dans tout le pays, la rentrée des classes est effective et nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant ce qui se joue contre nos enfants. Alors, nous sommes là pour en débattre et dégager une dynamique unitaire pour sortir de cette situation délicate. Je vous donne la parole et que chacun s’exprime en toute liberté. Je vous écoute !

De bruyants murmures s’élevèrent de l’assemblée. Chacun avait certainement sa petite idée derrière la tête. Mais, au bout d’une quinzaine de minutes, personne encore n’avait eu le courage de prendre la parole et de s’exprimer promptement. Et le chef de renchérir :

— Qu’est-ce qui se passe ? Il n’y a personne pour parler ?

Et là, ce fut un silence de mort. On pouvait entendre une mouche voler. Après un moment de flottement et d’hésitation, une main se leva enfin. Sans perdre de temps, le chef Dikoutou lui donna son accord pour intervenir.

— Merci, chef ! Je crois que vous avez constaté que l’inquiétude est grande chez chacun d’entre nous, car le problème qui nous réunit ici est en rapport direct avec l’avenir de notre école et donc de nos enfants qui prendront notre relève. L’absence de nouveau directeur à la tête de cet établissement est une provocation de plus de la part de l’administration. Nous ne pouvons pas tolérer que, dans le reste du pays, les enfants soient déjà dans les salles de classe alors qu’ici, les nôtres attendent toujours. C’est inadmissible. Nous n’avons pas le droit de laisser persister cette injustice. Cela dit, je pense, pour ma part, qu’il ne faut pas tergiverser. Il faut réagir vite et vigoureusement. Dès demain, je propose que nous marchions tous sur la ville pour une démonstration de force, afin que les autorités sachent que nous sommes en colère !

De grands cris d’approbation retentirent au milieu de la foule, engendrant un tumulte qui pouvait s’entendre à des kilomètres à la ronde. Le ton était donné. Par ses acclamations, l’assemblée manifestait son ralliement à cette option pour le moins radicale. Mais, fait exceptionnel, le chef Dikoutou n’était pas du même avis. Contre toute attente, il opta pour une attitude d’apaisement. Il décida de contenir et d’étouffer les velléités jusqu’au-boutistes de ses concitoyens plutôt que de les encourager à engager un énième bras de fer avec les pouvoirs publics dont les conséquences étaient imprévisibles. Déjà réputé pour ses tendances contestataires, il fallait absolument éviter à Nguenda de s’engouffrer dans une voie qui n’était pas la bonne et qui pouvait produire des effets contraires aux attentes de la communauté villageoise. En fin connaisseur de ses administrés, le chef Dikoutou reprit la parole pour recentrer le débat :

— Silence, je vous en prie ! Silence ! Je comprends que vous soyez inquiets pour nos enfants. Croyez-moi, je partage les mêmes sentiments que vous. Vos plaintes sont légitimes, mais la sagesse nous recommande aujourd’hui de ne pas perdre notre sang-froid dans ce genre de situation. C’est pourquoi, il faut agir avec mesure et éviter l’affront systématique avec l’administration. Soyons pragmatiques et donnons-nous le temps de voir un peu plus clair dans cette affaire avant d’envisager quoi que ce soit !

Cette fois-ci, la désapprobation fut totale dans l’assistance d’où s’échappèrent des sifflements et des hurlements. Sans le savoir, le chef Dikoutou avait réveillé les vieux démons de la contestation. Il eut un mal fou à venir à bout de ce tohu-bohu indescriptible.

Force était de constater que sa proposition n’avait pas obtenu l’adhésion du plus grand nombre. Néanmoins, seul contre tous, il était déterminé à convaincre l’auditoire de la justesse de ses propos. Quand le calme revint, il continua :

— Chers amis, je voulais simplement vous faire remarquer que l’administration qui gère ces problèmes-là ne peut pas nous oublier. Elle a dû certainement s’y prendre en retard. Rappelez-vous que, jusqu’à présent, notre école n’a jamais été en butte à ce problème. D’ailleurs, c’est la première fois que cela nous arrive, n’est-ce pas ?

— Oui ! répondirent les villageois à l’unanimité.

— Voilà ! Attendons donc et accordons-leur encore quelques jours. Si rien n’est fait, alors nous agirons. Êtes-vous d’accord, oui ou non ?

Avant de répondre à la proposition du chef, l’assistance sollicita une pause pour harmoniser les points de vue, ce qui lui fut accordé. Après quelques minutes de conciliabules, les villageois désignèrent l’un d’entre eux pour dévoiler la substance de leur réponse commune. Il prit la parole et dit :

— Chef, nous tous ici tenons d’abord à saluer ton esprit de sagesse et de réalisme. Notre village est souvent pointé du doigt car jugé, à tort, rebelle par notre administration régionale. Cette fois-ci, nous n’allons pas leur donner l’occasion de nous vilipender davantage. Donc, nous adhérons tous à ta démarche. Nous acceptons d’attendre encore et osons croire que les choses rentreront très rapidement dans l’ordre.

Aussitôt, des cris et des salves d’applaudissements se firent entendre pour saluer cette décision unanime ainsi actée.

Le chef Dikoutou avait su trouver les mots justes pour toucher les cœurs et fédérer toutes les sensibilités derrière lui, ce qui était une bonne chose. Pour conclure, il dit :

— Merci, les amis, d’avoir compris la nécessité d’adopter la proposition que je viens de vous faire. Nous sommes aujourd’hui vendredi. Si dans une semaine le nouveau directeur n’est pas en poste, je ferai personnellement le déplacement en ville, dans un premier temps pour présenter notre revendication à ces bureaucrates qui nous dictent leurs lois à distance sans se soucier de nos préoccupations légitimes. Ensuite, au cas où nous ne serions pas satisfaits, une action commune sera envisagée et nous marcherons tous ensemble jusqu’en ville pour faire valoir nos droits et nous faire entendre. Soyons donc mobilisés et prêts pour l’action !

— Nous sommes prêts, répondit la foule, électrisée par l’intervention du chef.

Le bonhomme se délectait d’avoir réussi à mobiliser tout le village sans difficulté. C’était la preuve patente que son autorité ne souffrait d’aucune contestation et qu’il était le seul maître à bord du bateau Nguenda.

Comme à son habitude, le chef du village offrit une collation à ses convives avant de s’en séparer. Sa cour grouillait encore de monde et la discussion se poursuivait dans une relative cacophonie qui confirmait l’intérêt suscité par le sujet du jour. Dans des débats tenus en aparté, les uns et les autres exprimaient, à n’en plus finir, leurs points de vue sur la question. Soudain, le vrombissement d’un moteur se fit entendre au loin, depuis le sommet de la colline dominant Nguenda.

C’était l’arrivée du bus qui assurait la desserte de la localité. Il dévalait la pente à une vitesse vertigineuse, laissant derrière lui un épais nuage de poussière. Il effectuait sa dernière rotation de la semaine, comme tous les vendredis ; la prochaine était prévue pour le mardi suivant. En dehors de ces deux jours-là, point de véhicule pour entrer à Nguenda ou en sortir. La bourgade était coupée du reste du monde car la route d’accès était dans un tel état qu’il fallait faire preuve de courage, voire de témérité pour s’y aventurer régulièrement. Beaucoup de transporteurs avaient tenté l’amère expérience, sans succès. Ils avaient été contraints à l’abandon de leur activité sur cet axe devant la forte dégradation de la voie. Le bus en question restait le seul à pouvoir braver cette grande difficulté pour désenclaver la zone, mais au prix de son délabrement. Au fur et à mesure que le bolide se rapprochait du terminus, on pouvait percevoir le tintamarre assourdissant de sa ferraille dont la déliquescence incontestable trahissait l’usure. L’on imaginait toutes les peines que devait endurer le chauffeur pour faire fonctionner un tel engin, bon pour la casse a priori. Mais, il n’en était rien. Résistant à l’épreuve du temps et de la mauvaise route, ce bus avait encore de longs jours devant lui. Son moteur démarrait toujours au quart de tour même si, de temps en temps, de la fumée s’en échappait. Brinquebalant, il arriva finalement à destination à l’heure prévue et stationna sans anicroche. À chacune de ses rotations, une ambiance bon enfant était toujours au rendez-vous à la gare. Aussi, de nombreux badauds envahirent les lieux et se précipitèrent autour du véhicule, certains pour accueillir parents et amis de retour de la ville, d’autres pour assouvir simplement leur insatiable curiosité.

C’était souvent le moment idéal pour se retrouver, échanger et surtout partager. L’arrivée de ce bus constituait le seul trait d’union entre la localité et le reste du pays. Pendant ces instants d’intense communion, on pouvait aussi bien glaner des informations toutes fraîches concernant la marche du pays que découvrir les nouvelles tendances qui étaient en vogue en ville. Sans tarder, les passagers descendirent à tour de rôle. Alors qu’on célébrait les retrouvailles par des embrassades par-ci et des salutations de bienvenue par-là, l’un des arrivants se mit à l’écart. Il donnait l’impression de venir pour la première fois. Personne ne faisait attention à lui. Après avoir récupéré son bagage, le jeune homme aborda un garçon qui était à ses côtés et lui dit :

— Bonjour, comment t’appelles-tu ?

— Bonjour monsieur ! lui répondit respectueusement l’enfant. Je m’appelle Dithu.

— Dithu ? Mais tu as un joli nom ! Je me présente : je suis le nouveau directeur de votre école et je viens tout juste d’arriver. Où puis-je rencontrer le chef du village ?

Le garçon fut très surpris. Il ne réalisait pas la présence subite de quelqu’un dont l’arrivée était jugée improbable par l’ensemble de la population réunie chez le chef. Pis encore, sa jeunesse apparente n’était pas pour convaincre franchement son interlocuteur. En effet, tous les responsables affectés avant lui étaient d’un âge avancé. S’agissait-il d’un usurpateur ? Pour en être sûr, le gamin insista :

— Excusez-moi, monsieur ! Vous avez dit que vous êtes qui, s’il vous plaît ?

— Je suis le nouveau directeur, confirma le jeune étranger, à la limite de la contrariété. Dis-moi plutôt où je peux trouver le chef du village !

La coutume voulait que tout étranger, dès son arrivée, se présente à l’autorité locale pour une première prise de contact et pour solliciter une assistance ou un quelconque soutien en cas de besoin. Le garçon avait pigé la démarche et ne se fit pas prier davantage. Il était content d’avoir le privilège de recevoir en premier le nouveau directeur de son école. Il lui indiqua du doigt la direction à suivre :

— Vous voyez, là-bas, c’est le domicile du chef du village. Il s’appelle Dikoutou. Tout à l’heure, il était en réunion avec les villageois que vous apercevez encore dans sa cour. Ils débattaient de votre absence. Vous tombez à pic, votre arrivée est vraiment salutaire. Traversez la route et vous y êtes.

— Merci, mon petit ! lui rétorqua l’étranger. Merci encore de ta gentillesse.

Sa mallette en main, il mit son bagage en bandoulière et se fraya un passage au milieu de la foule encore nombreuse aux abords de la gare. Comme le lui avait conseillé son jeune guide, il traversa la rue pour se retrouver en un clin d’œil dans la propriété du chef. Aussitôt, le persistant chahut fit place au silence. Qui était ce jeune homme qui approchait, sans crainte ni gêne devant une assistance aussi fournie ? se demandait-on. Le chef Dikoutou était debout à la terrasse qui surplombait la cour. Du haut de celle-ci, il avait perçu les mouvements du jeune intrus. Le notable était entouré de ses deux fidèles lieutenants. À sa gauche, il y avait Koumboula, son homme de main, son bras armé préposé aux basses œuvres. Le chef Dikoutou n’hésitait pas à le mettre à contribution pour neutraliser par tous les moyens ceux qui tentaient de lui faire ombrage ou de le concurrencer. À sa droite, on pouvait distinguer l’inépuisable Mougnoungui, son agent de renseignement. Il avait pour mission de débusquer tous les complots ourdis dans le village contre l’autorité établie ; de ce fait, il était l’œil et l’oreille du chef. Ce trio infernal exerçait une emprise d’une ampleur insoupçonnée sur la population. Le chef Dikoutou en savait quelque chose ; il en tirait grand profit pour asseoir sa mainmise sur Nguenda. Il ordonna qu’on ouvrît un passage pour laisser l’inconnu venir à lui. Sans hésiter, celui-ci s’avança. Tous les regards étaient braqués sur lui. Il s’arrêta net, face au chef. Il déposa son sac à ses pieds et dit :

— Bonjour à tous !

— Bonjour ! répliqua en chœur l’assistance.

— Je voudrais parler au chef du village, poursuivit le jeune homme.

Pour signifier son autorité, le chef Dikoutou répondit de manière imposante :

— Me voici ! Qu’y a-t-il et que me veux-tu, jeune homme ?

— Je suis le nouveau directeur de votre école et je viens d’arriver, comme vous pouvez le constater.

La foule poussa une grande clameur de joie et de soulagement. Sans retenue, elle manifesta sa liesse pendant un moment :

— Silence ! reprit le chef Dikoutou. Comme tu le vois, mon petit, ton arrivée nous procure une grande satisfaction, parce que nous étions inquiets de ton absence qui commençait à nous peser sur le moral. Dieu soit loué ! Tu es enfin parmi nous. Nous te souhaitons donc une chaleureuse bienvenue à Nguenda. Dès à présent, tu es des nôtres. Considère-toi comme à la maison.

— Merci, chef ! répliqua le nouvel administrateur. Je tâcherai de ne pas l’oublier.

Sur ce, le chef ajouta :

— Approche-toi, mon fils, et viens partager un verre avec nous !

S’adressant à l’assistance, il poursuivit :

— Et vous, mes chers amis, approchez-vous aussi ! Que chacun de vous vienne saluer notre jeune directeur. Nous lui devons bien cela.

Et tous vinrent s’acquitter de ce devoir, dans un contentement général. L’affaire qui allait envenimer une fois de plus les relations entre l’administration et les habitants de Nguenda trouva son épilogue. Aussi passa-t-on l’éponge sur le retard accumulé, tout étant désormais rentré dans l’ordre. Chacun regagna son domicile avec la ferme assurance de voir les enfants reprendre définitivement le chemin de l’école dès le lundi matin.

Le nouveau directeur s’appelait Kerry. Il devait avoir un peu plus de vingt ans et c’était son premier poste d’affectation. Il sortait tout juste de l’école des instituteurs et attendait ce moment avec impatience pour pouvoir mettre en pratique ce qu’il avait appris pendant sa formation afin de contribuer à l’éducation de ses jeunes compatriotes.

Volontaire, il était décidé à donner le meilleur de lui-même pour que cette première expérience sur le terrain soit une...

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