Dreamwater
266 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Du fin fond des abysses, une enfant a survécu à l'anéantissement de tout son peuple. Muselée et emprisonnée, elle attend son heure où son statut de "trophée" la propulsera vers un avenir inattendu.
Destinée à épouser un roi, cette redoutable sirène cannibale se croyait au-dessus de la chaîne alimentaire, mais elle va découvrir que son repas, plus fourbe qu'elle, ne se laissera pas si facilement manger. Pas plus que cet étrange albinos prêt à tout pour la garder sous sa coupe.


Méfiez-vous de l'eau qui dort et embarquez dans une aventure dévorante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2021
Nombre de lectures 78
EAN13 9782819102069
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

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DreamWater

 

 

 

 

 

Du même auteur aux Editions Sharon Kena

 

Pari tenu !

Mon humour fascinant 1 à 5

Espace personnel

Allégorie

Umbrella

Les Tegs 1 à 3

Les rifodés

Save and continue

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mell 2.2

 

 

 

 

DreamWater

 

 

 

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« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). « Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »

 

 

© 2017 Les Editions Sharon Kena

www.leseditionssharonkena.com

 

 

 

Merci à Ariel la petite sirène, au film Cannibal Holocaust, à Ken Kaneki de Tokyo Ghoul, au roi Liche de World of Warcraft, à Shakira, à Marcel le roi de la spatule et à Jar Jar Binks.

 

 

DreamWater

 

Le monde est une banane ; c’est quand on veut la manger qu’on se rend compte qu’elle est pourrie de l’intérieur.

 

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Suisei, Pays de L’eau de l’Ouest

 

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Niru Undi, Pays de L’eau de l’Est

 

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Sadaran Vatar, Pays de l’eau du Sud

 

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Ur Iparraldean, Pays de l’eau du Nord

 

Table des matières

DreamWater

Prologue

Partie 1

Chapitre 1 : La femme philosophale

Chapitre 2 : Ichem Manava

Chapitre 3 : Le sauvetage de Suisei

Chapitre 4 : Promise

Chapitre 5 : Tentative

Chapitre 6 : Les liens d’union

Chapitre 7 : Décision fatale

Chapitre 8 : Le recrutement

Chapitre 9 : Le prodige albinos

Partie 2

Chapitre 10 : Départ pour Niru Undi

Chapitre 11 : Les portes de L’Ouest

Chapitre 12 : Ton thé t'a-t-il ôté tatou ?

Chapitre 13 : Les déserts de Kesel

Chapitre 14 : Pierre qui roule…

Chapitre 15 : Au-delà de la rizière

Chapitre 16 : Liche liebe dich

Chapitre 17 : tomber sur un os

Chapitre 18 : Jingdi

Chapitre 19 : pâle comme la Lune, indéchiffrable comme le Ciel

Chapitre 20 : Les Bâtisseurs

Chapitre 21 : L’offrande diplomatique

Partie 3

Chapitre 22 : Corde au cou

Chapitre 23 : La chose des souterrains

Chapitre 24 : Le Pays de l’Eau de l’Est

Chapitre 25 : La bonne poire, la brute albinos et le truand usurpateur

Chapitre 26 : Xi Aquilae b

Chapitre 27 : La guerre de l’Eau

Chapitre 28 : La Caserne

Chapitre 29 : Harponnage

Chapitre 30 : Le valeureux Ondin

Chapitre 31 : Sabotage

Chapitre 32 : Pantoufle

Chapitre 33 : La libération de Sadaran Vatar

Partie 4

Chapitre 34 : Retour à Suisei

Chapitre 35 : stratégie

Chapitre 36 : Allo ?

Chapitre 37 : Les Éveilleurs

Chapitre 38 : Alliance diplomatique

Chapitre 39 : Larguez les amarres !

Chapitre 40 : Eau trouble

Chapitre 41 : Faune océanique

Chapitre 42 : Cauchemar vivant

Chapitre 43 : La cité sous-marine

Chapitre 44 : Remonte à ta surface

Partie 5

Chapitre 46 : L’occident

Chapitre 47 : en apesanteur

Chapitre 48 : L’eau des rêves

Chapitre 49 : Écho

Chapitre 50 : Le secret des Manava

Chapitre 51 : Petit raccourci

Chapitre 52 : Trouble

Bonus

 

Prologue

La sagesse n’apporte pas la paix. Elle existe pour être démantelée de façon insidieuse et pour qu’on accepte son implosion sans en voir l’horrible réalité qui nous saute à la figure. Le silence a toujours été plus oppressant que le vacarme. Peu de gens ont l’intelligence de se méfier des personnes calmes et discrètes. Les autres, négligents, ne méritent même pas de vivre. Si la colère et la violence offraient quelque chose au monde, cela se saurait. Certes, des règnes tyranniques, guidés par la terreur, ont vu le jour, mais ils ont tous fini par s’effondrer, aussi facilement qu’un château de cartes. Tout s’arrête, tôt ou tard.

Or, la sagesse est de parvenir à l’écraser en culpabilisant la population. Je l’ai appris à mes dépens, moi qui ai été élevée parmi les plus grands esprits de Kesel : les Éclairés du Philosopher-Arc, mon foyer. Entre ces murs plus sombres que le Ciel lors de la Grande Pluie de Pierres, j’ai vu mon corps grandir, ainsi que la peur que j’insuffle à mon entourage. Cet édifice n’est pas destiné à éduquer une orpheline de mon espèce ni même à servir de monastère ou de couvent. Il s’agit d’une institution collégiale aux couleurs d’une prison. Ma prison. La meilleure élève bénéficie de chaînes et de barreaux en dehors des heures de cours et de corvées. Les étudiants ont le bon sens de craindre mon mutisme et de trembler lorsque je daigne discourir. Car je ne parle pas en vain. Chacune de mes phrases est étroitement soupesée avant de sortir de ma bouche. Ce n’est pas par fourberie, j’ai dépassé ce stade il y a des lustres, mais seulement pour éviter toute douleur. Bien que j’admette que j’aie un certain talent pour manier les mots. Suis-je à blâmer de vouloir améliorer mon train de vie par l’usage de bassesses ? Les jeunes philosophes en devenir se trouvent ici, pour la plupart, afin d’intégrer un haut poste dans la société. Moi, je n’en ai pas eu le luxe, on me l’a imposé. Mes geôles sont un privilège que peu parviennent à payer à leur progéniture. Une punition pour me canaliser qui est devenue mon atout. Je n’ai pas la prétention de me plaindre de ma condition. On aurait pu m’enfermer dans un donjon, un souterrain sans lumière, voire tout simplement me tuer. Je suis encore en vie. Ce n’est que très récemment que j’ai compris que ce que je prenais pour un traitement de faveur ne servait qu’à assurer la sécurité de la population. Je suis ici depuis l’âge où je n’avais qu’une seule dent à la mâchoire, mais pas n’importe quelle incisive. Le genre de croc fait pour déchiqueter de la chair en une seule morsure. Le genre de molaire prévue pour réduire des os en bouillie. Des dents pour tuer. Pointues et aiguisées comme les lames qu’on ne me laisse plus manier pour raser le crâne des Éclairés. J’ai eu la stupidité de croire que j’étais née avec une grille au visage, jusqu’au jour où on l’a remplacée par une plus adaptée à ma taille, à mes trois ans. Les riches parents, qui envoient leurs têtes blondes au Philosopher-Arc, protestent régulièrement à mon sujet, prétendant que ma muselière effraie leurs chers bambins. Le Lumineux, le chef des Éclairés, leur répète une phrase qui coupe court à toute discussion : « Il vaut mieux une grille sur la figure d’une jeune fille, qu’un bras en moins sur votre enfant. ». Je suis mal placée pour le contredire. Les rares qui ont voulu me chicaner en glissant un index à travers les fines tiges en or pur se sont retrouvés contraints de glisser leur grosse chevalière familiale à un autre doigt. On ne provoque pas un fauve en lui remuant un steak sous le nez et on ne se lamente pas par la suite s’il n’en fait qu’une bouchée. Beaucoup pensent qu’il aurait été plus judicieux de m’éliminer. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que je ne suis qu’un trophée. Le vestige d’une civilisation passée, disparue, perdue à jamais. La dernière survivante du peuple Jingdi : les sirènes mangeuses d’hommes. Était-il raisonnable d’inculquer autant de savoir à un être redouté pour sa sournoiserie et sa sauvagerie ? J’estime que c’est un très mauvais calcul, pas malin pour un sou. Quelle ironie de voir ceux qui se sont évertués à décimer mon peuple désirer préserver son unique représentante ! Je ne suis, pourtant, ni avide de vengeance ni de justice, mais seulement de viande fraîche. Je me contente des cadavres plus froids que le sol de ma cellule qu’on me jette tous les matins, accompagnés de ma tasse de café quotidienne.

Je ne rechigne pas. Mais je retiens tout. Je n’oublie rien.

J’attends mon heure, celle où ils n’auront plus la sagesse de me craindre.

Et ce jour est enfin arrivé…

Partie 1

 

« L’eau est un indéterminé pourtant déterminable, un chaos sensible. » Novalis

 

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*Lignée Manava

Chapitre 1 : La femme philosophale

Mes matinées sont réglées comme du papier à musique, et celle d’aujourd’hui n’y dérogera pas, aussi particulière qu’elle puisse être. Je suis réveillée par Guyra, mal à l’aise, même après un an de corvée. Ce sont ses mauvais résultats qui lui ont valu cette punition. Le Philosopher-Arc forme de futurs sénateurs, des politiciens, des érudits, l’élite parlementaire. Il n’y a pas de place pour les tire-au-flanc de son espèce. Il s’est ainsi retrouvé assigné à cette tâche ingrate dont j’ai chassé l’humiliation de mon esprit depuis des Lunes. Guyra déverrouille la porte de ma chambre et traîne un gros sac noir jusqu’au milieu de la pièce. Il me tapote timidement le front pour que j’émerge de mon sommeil tandis qu’il continue ses allées et venues. Sur mon bureau, il dépose une tasse de café encore bouillant, une fourchette, un couteau, une scie circulaire et une pince coupante. Alors que je me redresse sur ma couchette, les yeux embrumés, il me défait des chaînes entravant mes poignets et mes chevilles.

– Bien dormi ? bredouille-t-il.

– Comme un cauchemar vivant.

Je me force à répéter ces mots, d’une part pour me rappeler ce que je suis, d’autre part pour ne pas oublier les raisons de mon emprisonnement. Je suis tellement habituée à ma condition qu’elle me parait parfois presque douce. Or, ici, ce n’est pas un havre de repos. Je ne suis pas une étudiante privilégiée qui bénéficie de cours à titre gratuit, on me les impose. Je suis un esprit qu’on modèle à la forme de mon écrin. Grossière erreur de débutant ! Ils auraient mieux fait de m’envoyer dans une ferme à plumer des poulets plutôt que mettre entre mes mains des livres sur l’art de réfléchir.

– Normal, pour une créature de rêve, réplique toujours Guyra. 

Sa remarque m’amuse à chaque fois. Je bondis sur mes pieds et pose ma main sur son épaule avec affection. Ce n’est pas un mauvais bougre, il a juste peur que je pique une crise un matin et que je me jette sur lui. Après tout, il me fournit les outils nécessaires pour le tailler en pièces. Mais il sait également que je ne suis pas idiote, je ne risquerais pas de me retrouver cloitrée dans le puits, privée de nourriture pendant une semaine. Cette menace me pend au nez depuis mon enfance, j’ai fait peu de pas de travers, la crainte du manque étant plus forte que mes pulsions.

– Appelez-moi quand vous aurez terminé !

Guyra s’empresse de sortir et de refermer derrière lui, il ne reviendra que dans deux heures, il connait mon timing. Je retire le sac enveloppant le cadavre d’un vieillard qui me fait grimacer de dégoût. Les personnes âgées ont la chair coriace, bourrée de nerfs, et les os poreux. Ce n’est pas de la première qualité qui plus est. L’homme est recouvert de pustules répugnantes. Je serai tentée de jeûner, exceptionnellement, mais une longue journée m’attend. Mon alimentation influe beaucoup sur ma santé et mon énergie, bien plus que pour un humain basique. Cependant, je comprends leur choix. La méfiance, encore une fois. Ils ne veulent pas que je sois au maximum de mes capacités, ils préfèrent m’affaiblir afin d’assurer leur sécurité. C’est de bonne guerre ! J’installe les ustensiles par terre et, méthodiquement, je m’apprête à prendre mon repas. J’aime que tout soit parfait avant de commencer à me repaître. Chaque morceau doit faire la même taille, en adéquation avec l’espace des tiges de ma grille. La fourchette trouve ici toute son utilité pour atteindre ma bouche. Je grignote passivement un globe oculaire pendant que mon bain froid coule. J’ai la chance d’avoir une baignoire, mais pas celle de pouvoir la remplir d’eau chaude. Qu’à cela ne tienne, ça ne m’a jamais dérangée. L’océan de mes ancêtres n’était pas à trente degrés que je sache. Je continue de me sustenter tout en me lavant. Néanmoins, je suis délicate, je m’affaire à ne laisser aucune goutte de sang se mêler à l’onde cristalline. Je serais plus rapide si on m’ôtait ma grille, je perds un temps monstre à débiter ma proie. Alors que si je me servais uniquement de mes dents pour déchiqueter mon petit-déjeuner, il me faudrait moins de dix minutes pour l’engloutir dans sa totalité.

L’eau part dans le siphon. Je chantonne tout en coiffant ma longue chevelure dorée. Ma grille est un obstacle à l’élégance. Heureusement, les Éclairés ont fait forger celle que je porte actuellement chez un bon joaillier. Faite d’or fin, la muselière englobe le bas de mon visage avec esthétisme. Elle tient par des filaments qui passent sous mon nez, puis par-dessus mes oreilles comme des lunettes de vue, avant d’être rattachée à une solide serrure derrière mon crâne. Les barreaux torsadés devant ma bouche sont constellés d’éclats de cristaux qu’on retrouve en bas des chaînettes qui forment un rideau supplémentaire. On m’entend de loin à cause de cela, car elles cliquètent entre elles. Cependant, c’est plus hygiénique que le voile en dentelle que les Éclairés y accrochaient auparavant. Le tissu se retrouvait constamment taché d’hémoglobine. Un cruel manque de sérieux ! Ce qui est douloureux avec cette grille, c’est le collier enserrant mon cou et mon menton. Il m’empêche d’ouvrir grand les mâchoires, il m’est donc difficile de m’exprimer. Mais il faut croire qu’on s’habitue à tout, même à la souffrance puisque je parle plus qu’à une période, bien que ça ne soit que du bout des lèvres. Je reste dans la vasque vide pour me peigner et me coiffer de plusieurs tresses que je rassemble en un chignon, tout en grignotant un fragment de cubitus. Je me garde la moitié du corps pour ce soir, lorsque je rentrerai. Il m’arrive souvent d’avoir des fringales nocturnes. Lorsque mes jambes sont enfin sèches, je me redresse pour enfiler la jolie toilette que les Éclairés ont prévue pour aujourd’hui. D’ordinaire, je ne porte que du noir, c’est moins salissant. L’étoffe de la robe écrue est légèrement satinée. Des reflets nacrés miroitent à la lueur du hublot de ma cellule. Cette source de lumière parait ridicule, pourtant, elle suffit à chasser la pénombre. L’aube se lève enfin lorsque Guyra frappe à la porte.

– Vous avez fini ? s’assure-t-il.

– Je ne sais pas, marmonné-je, anxieuse. Suis-je présentable ?

– Mon avis importe peu.

Tu parles d’une aide ! Je roule des yeux et le rejoins dans le couloir. Guyra porte maladroitement les outils que j’ai nettoyés. Cette chochotte ne supporte pas la vue du sang. Il n’y a pas à dire, il est bien mal loti d’être mon serviteur du matin. À partir de là, il ne se préoccupe plus de moi. Son travail est terminé, il peut se charger d’une autre tâche. Quant à moi, je me rends à la cour intérieure pour effectuer les miennes. Ce jardin est ma fierté et mon « système d’harmonie ». Afin de maîtriser ma colère, les Éclairés m’ont autorisé divers passe-temps, jusqu’à trouver celui qui me plonge dans une torpeur apaisante. Le point entre la quiétude parfaite et la sérénité de l’esprit. Il paraissait logique que ce fameux point se situe dans une activité extérieure, moi qui ne suis jamais sortie des bâtiments du Philosopher-Arc. Non pas que je m’en plaigne, bien au contraire, je préfère largement rester calfeutrée dans mon petit paradis de fleurs et de bassins à poissons. Les échos que j’entends sur la situation hors de ces murs me coupent toute envie de liberté. Hélas, aujourd’hui, je dois sortir. Je m’y prépare depuis des semaines, malgré tout, je ne me sens absolument pas prête à affronter le monde. Le Philosopher-Arc me rassure. Le Lumineux m’attend, sans doute, dans ses appartements, mais je ne peux me résoudre à arriver en avance. Je tiens à effacer l’angoisse qui m’a torturée toute la nuit et qui persiste au creux de mon estomac. Je n’aurais pas dû manger les viscères de ce vieux, je ne suis pas certaine de bien les digérer. J’aurais dû laisser mon stress retomber et ne vider mon assiette qu’au moment de mon retour. Je soupire tout en arrosant des Mirari Lore, des petites fleurs vertes aux feuilles bleues qui poussent en buisson. Elles ont d’incroyables vertus antiseptiques. Je jette des granulés aux carpes. Au final, ce qui parvient à me calmer, c’est d’effleurer les écailles argentées de la plus grosse que j’ai surnommée Patate. Je me résigne à quitter le jardin et affronter le destin qu’on m’a choisi.

Le Lumineux n’a jamais été très matinal. Je lui ai bien suggéré d’entamer les cours plus tard s’il n’arrivait pas à émerger de son sommeil, mais il n’en fait qu’à sa tête. Grand mal lui fasse ! Une fois de plus, sa figure toute chiffonnée est terne et ses cernes ourlent son regard fatigué. Encore un an ou deux, et je pourrai le manger. Ça ne sera qu’un juste retour des choses. J’attends ce moment avec impatience, celui où, moi, je serai toujours en vie, et eux se baladeront en amas mâchonnés dans mes intestins. Je ne m’en cache même pas, j’émets ce désir toutes les pleines Lunes, lorsque les élèves doivent confesser leur côté sombre. Je passe la dernière généralement, car il me faut bien deux à trois heures pour tout relater. Si les étudiants me croient désormais inoffensive, les Éclairés demeurent sur leurs gardes. Et ils auraient tort d’agir autrement. Néanmoins, ce matin, je ne ferais pas de mal à une mouche, je n’en mène pas large. Le Lumineux, touillant mollement son café, le remarque.

– Allons, gamine, tu te ronges les sangs pour rien !

– Je ne suis pas auto-cannibale, le raillé-je.

– Ton humour laisse toujours autant à désirer.

– Va te faire voir, vieux débris !

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