Et son ombre sera légère
118 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Faustine travaille dans une entreprise de pompes funèbres à Paris. Damien gère une boutique de souvenirs à Nîmes. Tout les sépare. Jamais ils n’auraient dû se rencontrer, encore moins se perdre de vue.


Ces deux êtres oubliés par l’amour vont-ils pouvoir se retrouver malgré l’ombre des blessures du passé et le poids de leurs secrets ?


Voici une jolie romance contemporaine, attachante et troublante. La plume délicate de Marie Lerouge crée des personnages hauts en couleur que l’on aime suivre dans les allées du cimetière du Père Lachaise comme dans les chaudes rues nîmoises.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 mai 2016
Nombre de lectures 37
EAN13 9782371690509
Langue Français

Extrait

Illustration de couverture : PointImages, www.shutterstock.com ; Thibault BENETT.
Directrice de collection : Sandrine LARBRE Correction : Isabelle DONNÉ
ISBN : 978-2-37169-050-9 Dépôt légal internet : mai 2016

IL ETAIT UN EBOOK Lieu-dit le Martinon 24610 Minzac

« Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par l’article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorise, aux termes de l’article L. 122-5, que les copies ou les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, d’une part, et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration.
Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetière. J’aime son feuillage éploré ; La pâleur m’en est douce et chère, Et son ombre sera légère À la terre où je dormirai !
(Alfred de Musset, Lucie-Elégie )




C’est la seule chose que nous apprend la mort : qu'il est urgent d'aimer.

(Eric-Emmanuel Schmitt, L’évangile selon Pilate )
Aux guides-conférenciers du Père-Lachaise et d’ailleurs.
Aux vagabonds des rues de Paris et d’ailleurs.
PREMI ÈRE PARTIE
Le supermarché de la mort

Quand on lui demande ce qu’elle fait dans la vie, Faustine Le Bihan répond : « Hôtesse d’accueil » sur un ton qui n’admet aucune réplique. Pieux mensonge ou petit arrangement avec la réalité si on préfère. Comment avouer à un inconnu que son guichet d’accueil ne se tient pas dans le hall d’une tour de bureaux ou d’une quelconque administration, mais derrière la vitrine d’une agence de pompes funèbres ? Son titre officiel est inscrit sur sa fiche de paie : « Conseillère funéraire ».
Voilà presque cinq ans que Faustine Le Bihan travaille chez Ducreux & Fils avec pour horizon quotidien le mur d’enceinte du cimetière du Père-Lachaise. Heureuse au départ d’avoir décroché cet emploi, à peine débarquée à Paris de sa Bretagne natale. Inutile de préciser que les candidats ne se bousculaient pas au portillon. Depuis lors, son salaire stagne à peine au-dessus du minimum légal. Elle ne s’en plaint pas. Le métier a ses bons côtés, il ne faut pas croire. Ses patrons l’apprécient et elle s’entend bien avec Muriel Delerme, la comptable dont on peut supposer qu’elle est sa meilleure amie, puisqu’elle n’en a pas d’autres.
De son bureau placé bien en vue depuis la rue, il lui arrive de se faire l’effet d’une prostituée en exposition dans une maison close du quartier chaud d’Amsterdam. Tout client potentiel en passe de franchir le seuil doit être encouragé d’un sourire. Pas trop éclatant tout de même le sourire. « Gardez l’air naturel mon enfant, aimable et compatissant à la fois », répète à l’envi le père Ducreux. Un pied à l’intérieur et c’est gagné. Parfois, lorsque les patrons sont absents, Muriel improvise une phrase d’accueil à l’intention d’un couple âgé fictif : « Bienvenue dans le supermarché de la mort m’sieu dame. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? Inhumation ? Crémation ? Comme vous le constatez, la maison offre un grand choix d’articles : cercueils tout confort, pierres tombales à customiser, urnes empilables, accessoires de déco… Il y en a pour tous les goûts, toutes les bourses. Non, pas de fleurs fraîches, mais vous savez, les fleuristes, ça ne manque pas dans le quartier…» À la fin, Faustine s’esclaffe pour faire plaisir à sa collègue.
Le hall d’exposition – 500 m2 sur deux étages – est ouvert du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 17h.Tant pis pour ceux qui bossent toute la semaine. Mais comme dit Gérard Ducreux, le gérant : « Nos clients sont surtout des retraités, ils ont le temps. » Faustine s’en fiche. Ça lui serait égal de travailler le samedi. Le week-end, elle s’ennuie de toute façon.
Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par Octave Ducreux (1851-1936), le fondateur de la maison. Ou plutôt par son buste en marbre blanc posé sur une colonne cannelée en marbre noir. Allure martiale, raie au milieu et moustache en guidon de vélo. Si la conseillère est déjà en main, le visiteur peut prendre place sur un siège – modèle Ikea des années 60 récemment réédité – du « salon d’attente ». Sur la table devant lui, il trouvera, pour tuer le temps utilement, outre quelques vieux Gala et une pile de magazines Notre temps , des brochures publicitaires pour les tombeaux de la gamme Appalaches et pour les urnes empilables des collections Chronos et Imperial, ainsi que des plaquettes vantant les mérites des contrats de prévoyance obsèques (« Pour mieux préparer votre départ »), sans oublier un catalogue de plaques tombales à thèmes (« N’hésitez pas à vous renseigner, tout est possible »). S’il a besoin d’un remontant ou d’un rafraichissement, un distributeur de boissons chaudes ainsi qu’une fontaine à eau sont mis gracieusement à sa disposition. Gérard a pensé à tout.
Le matin, Faustine arrive systématiquement la première. C’est elle qui lève le rideau de fer, débloque le système d’alarme et illumine la boutique. Puis elle fait le tour du propriétaire pour vérifier que tout est en place et s’installe à sa table. À l’heure de sa pause-déjeuner, quand le temps le permet, elle traverse le boulevard de Ménilmontant pour rejoindre le cimetière. Non pas qu’elle cultive des tendances nécrophiles, elle aime simplement s’y poser pour un pique-nique furtif – elle sait qu’elle ne devrait pas, les nécropoles ne sont pas des jardins publics, mais le Père-Lachaise est le seul espace vert du quartier. S’il lui reste du temps, elle se promène dans les allées comme une touriste ordinaire. Ses pas la mènent alors presque toujours vers ses tombes préférées : Musset sous son saule malingre, Chopin dont l’allégorie de la Musique en pleurs lui serre le cœur, et toutes celles plus ou moins délaissées et rongées de mousse de ces illustres inconnus d’une époque romantique qui prisait les statues d’anges pâmés et de pleureuses inconsolables.
Au fil de ses pérégrinations, la conseillère ne peut s’empêcher, déformation professionnelle oblige, de redresser un vase renversé ou une couronne de guingois. Après tout, il ne lui est pas interdit de découvrir ce que deviennent les produits qu’elle vend : tous ces pots d’azalées en plastique, ces assortiments de roses en faïence (à partir de 57 euros la rose jaune), ces plaques de marbre gravées d’anges ou de colombes dorés ( en souvenir de mon époux regretté, de notre camarade, de ma bien aimée …), ces bibelots en porcelaine blanche ornés de paysages ou de poèmes tristes à pleurer : « Rappelle-toi, quand sous la froide terre, Mon cœur brisé pour toujours dormira… 1 »
La journée de travail de Faustine Le Bihan se termine normalement à l’heure de fermeture, mais ça ne la dérange pas de s’attarder si le patron l’exige ou si elle n’en a pas fini avec un client. Jamais elle ne se permettrait d’expédier un dossier au prétexte de ses horaires. De la même façon, elle est plutôt heureuse de reprendre le collier le lundi matin. Hors du bureau, sa vie est si terne qu’on pourrait avancer qu’elle n’en a pas.
Après avoir quitté la boutique, Faustine se hâte de prendre le métro puis le RER qui la ramène dans sa lointaine banlieue où elle partage un studio avec son chat.
Bleu des mers du sud

C’est un lundi de juin. Une de ces matinées radieuses comme Paris en offre parfois en cette saison. Ciel vraiment bleu pour une fois, air léger. Dans le métro et sur le trottoir, les gens ont l’air plus gai, plus aimable en tout cas. La météo annonce que le beau temps devrait se maintenir pendant toute la semaine. Ça sent les vacances. Même Faustine, qui n’en prend jamais, est sensible à l’atmosphère plus insouciante que d’habitude.
Elle est seule dans le magasin et vient d’allumer son ordinateur. Une plage paradisiaque bordée de cocotiers et semée de paillotes à perte de vue s’a

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