L Eau Noire
88 pages
Français

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Description

Fin des années 60, pendant la guerre du Vietnam, Dawn Otterio rencontre la mort dans l’eau noire d’un marécage.
Abreuvé du sacrifice de ses frères d’armes, un étrange esprit lui rend la vie, en échange d’un pacte cruel. Dorénavant, son existence ne sera plus que celle d’un possédé, en quête de sang, semant la mort derrière lui.
Jusqu’au jour où son chemin croise celui de Raphaël, un rockeur fascinant...
Entre Dawn, Raphaël et l’esprit vampire, les destins vont se croiser, tout autant que leurs désirs...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 octobre 2015
Nombre de lectures 19
EAN13 9782373420173
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'eau noire
Chloé Bourdon
Éditions du Petit Caveau - Collection sang d'âme
Avertissement
Salutations sanguinaires à tous ! Je suis Van Crypting, la mascotte des éditions du Petit Caveau. Si vous lisez cette histoire avec un Kindle, n'hésitez pas à activer les polices/fontes de l'éditeur (dans le menu des polices). Si vous rencontrez un problème, et que vous ne pouv ez pas le résoudre par vos propres moyens, n’hésitez pas à no us contacter par mail (numerique@editionsdupetitcaveau.com) ou sur l e forum en indiquant le modèle de votre appareil. Nous nous ch argerons de trouver la solution pour vous, d'autant plus si vou s êtes AB-, un cru si rare !
A ceux qui m’ont aidée à grandir :
Mes parents. Ma lumière : Alice. Mes grands-mères. Mon chirurgien orthopédiste.
Nothing of him that doth change But just suffer a sea change Into something rich and strange
Shakespeare The Tempest (Épitaphe gravée sur la stèle de Percy Shelley, au cimetière non catholique de Rome.)
Prologue
Quelquefois, ce sont de légères crampes musculaires, comme celles qu’on éprouve quand on a dormi dans une mauvaise po sition. Je me réveille en sursaut, la douleur n’est qu’un rêve. J e ne me rendors pas. Le vide m’avale en commençant par les pieds, et pui s, je me souviens que le vide, l’ombre, le néant, c’est moi. Les yeux rivés sur l’obscurité, j’attends qu’Il revienne, qu’Il me remplisse comme autrefois, celui qui m’a abandonné, qui a fait de mon corps une dépouill e, un papillon avorté dont les larves d’ichneumon ont dévoré la substance. Je crois entendre Sa voix résonner dans mon cerveau vieillissant, rugir Ses exigences, m’imposer Ses caprices de petit démon. Ce ne sont que des bribes, aussi fantomatiques que les douleurs dans mes jambes. Il m’arrive de sentir s’enfoncer dans ma peau des m illiers de dents minuscules, qui rongent ma chair jusqu’à l’os. Je sais qu’Il ne reviendra pas, qu’Il m’a rendu ce que je Lui réclamais. Je sa is que demain matin encore, je tenterai de me lever, et mes jambes fantômes se déroberont sous mon poids, et j’appellerai les infirmières, qui cacheront leur dégoût avec professionnalisme, en me hissant sur le lit et en rhabillant mes moignons. J’avale quatre médicaments différents, des antidépre sseurs inefficaces, puisque ma névrose est une chimère nourrie d’invisible, des antidouleurs dont il faut régulièrement augmenter l es doses, des antibiotiques, des anxiolytiques, de petites pilules au goût d’édulcorant, qui contrent la tachycardie provoquée par les anxio lytiques. Je suis un zombie pour quelques heures, affalé dans le fauteuil roulant que l’infirmière installe devant la fenêtre qui donne su r le parking de l’hôpital quand il fait beau, et devant la télé qua nd il pleut. Je compte les avions, le nombre de cigarettes fumées par le personnel de l’hôpital, le nombre de visiteurs interpellés par Madame Rodri guez, qui souffre de la maladie d’Alzheimer, le nombre de labradors, le nombre de maîtres qui détournent le regard quand leur chien p isse sur les pneus d’une voiture. Je fais des statistiques sans queue ni tête, pour ne pas devenir dingue ou plus abruti que nécessaire. Il m’arrive aussi d’être assez lucide pour penser a u passé sans craindre qu’il n’achève de me dévorer. Dans ces cas -là, je passe une mauvaise journée, je ressasse Son souvenir, même s’ il est mauvais, même si je me suis plaint de Lui à de nombreuses reprises, le suppliant de foutre le camp, de cesser de m’asservir. Je Lui ai tant hurlé de disparaître qu’Il rigolerait bien s’il savait à que l point je souhaite Son retour. Le soir, je me coucherai sans fatigue avant le soleil, je fixerai la lueur rouge du détecteur incendie jusqu’à souhaiter que les flammes dévorent l’hôpital et fassent hurler les sirènes, j e m’endormirai fugacement, je deviendrai marathonien, sprinter ou simple vagabond, le temps d’un rêve, et puis les petites dents revie ndront grignoter ma chair, nettoyer mes os, les ronger patiemment jusqu’à ce qu’il ne reste de mes jambes que du vide sous le fémur tranché net . Le jour reviendra, mais pas assez vite.
Sur l’écran du téléviseur, un gros navire n’en fini pas de sombrer dans une mer noire et huileuse. Un pélican englué t ente en vain d’étendre ses ailes, d’ouvrir son bec hermétiquement scellé, condamné à laisser pourrir sa dernière pêche. On regrette, o n condamne, on blâme, on tente stérilement de remonter le temps en énonçant de tardifs principes de précaution. Le bayou crève sou s la liquéfaction opaque de cadavres fossilisés. Je cherche la téléco mmande avec fébrilité, ne la trouve pas et m’énerve en chiffonna nt les draps raides, appelle l’infirmière d’une voix mauvaise. Elle entre dans ma chambre et change de chaîne en soupirant. Michel Drucker parle à son chien. Son chien le regarde d’un air mélancolique d’animal prê t à subir les pires humiliations en échange d’une saucisse. Je regarde l’infirmière de dos ; elle s’appelle Nadine. Elle a mon âge ou peu s’en f aut ; dans un an ou deux, elle prendra une retraite bien méritée pour s oigner son dos cassé. Nadine ressemble à une immense génoise échaf audée par un mauvais pâtissier de province. Je voudrais qu’elle me prête ses jambons pleins de cellulite, une journée seulement, le temps de courir jusqu’à la mer, m’assurer qu’elle est verte et très froide, pu is revenir. J’éprouverais un plaisir infini à faire trembloter cette graisse blanche, à la sentir solidement arrimée à mes os, j’aurais le sentiment de posséder le monde, de pouvoir franchir des fleuves d’un bond, gravir des montagnes en quelques enjambées. J’aurais des bottes de sept lieues en chair humaine. Il me disait que je n’estimais pas ma chance à sa juste valeur. Il avait raison, comme toujours ; je ricane. Je ricane souvent, depuis que je vis dans une chambre d’hôpital, ça colle à la peau de m on personnage, la vieille chose cynique, l’estropié qui n’attend plus rien des quelques mois que lui accordera la chimiothérapie. Ce n’est qu’une image que j’aimerais donner à mon entourage constitué de méde cins, d’infirmières, de femmes de ménage et d’un curé qui vient boire son café en gobelet dans ma chambre, tous les lundis. M on père disait que les gens comme moi finissent par crever seuls, sans famille, que quand ils sont devenus vieux, moches et pauvres, plus personne ne leur parle. Mon père disait et faisait un tas de conneries ; j’étais déjà seul, quand je vivais sous son toit. Je n’ai jamais eu l’envie ou le courage d’être riche. Je me suis toujours trouvé moche. Et la soli tude ne m’a parue insupportable que ce fameux jour où je L’ai perdu. Les douleurs fantômes reviennent, une sensation de gonflement dans le vide à la place de mes mollets, d’échauffement dans le vide à la place de mes tendons d’Achille. Je n’ai plus envie de rire. La tentation de me lever du fauteuil roulant est forte, mais je suis assez conscient pour distinguer le rêve de la réalité. Je reste affa lé devant la télé sans son, la bouche entrouverte, les paupières alourdies par la fièvre. Je sens l’odeur du mazout qui englue toute vie sur son passage, qui recouvre mon corps incapable de se mouvoir. Je pens e à l’automne soixante-dix-huit, à ce village agonisant, à la plage dévastée, aux traces de mes pieds nus sur le sable souillé. À Sa voix co mme un radar dans ma tête, au désespoir de Le croire indélogeable. À ma certitude imbécile d’être éternel et invincible, de détenir à jamais le pouvoir de
faire repousser mes membres comme une hydre ou un lézard. Assez. Le psy m’a conseillé d’écrire cette histoire qu’il interprète comme un symptôme de ma paranoïa grandissante. Il y a amélioration de mon état, pourtant, je ne su is plus schizophrène. Ma bêtise et mon ingratitude m’ont fa it cesser d’être deux (ou scindé, c’est selon). L’histoire se passe dans un petit village plein de moribonds tenaillés par les regrets, le manque et l’absence, au bord d’une plage déserte où subsistent les séquelles d’une catastrophe écologique.
Chapitre 1
Il y a longtemps, j’étais jeune, avec deux jambes e t seulement quelques minuscules graines de cancer dans la moelle. Cela n’avait pas été facile de me faire sortir de l a forêt. Il avait dû insister, jouer de la séduction et du chantage, sim uler des images idylliques dans mon esprit, de l’harmonie, des paro les réconfortantes qui viendraient de l’extérieur, de lèvres rouges et de langues chaudes. Il avait dû réveiller en moi des vieux souvenirs de confort matériel profondément enfouis sous des années de vagabondages précaires. J’avais quitté le vieux bunker qui me servait d’ant re, avec quelques bricoles en poche et un mauvais génie dans le crâne. Une bruine légère comme de la vapeur rendait mes vêtements humides et froids. Les arbres commençaient à perdre leurs feuilles et des ornières boueuses se formaient dans les champs éventrés, dans les fiss ures de l’asphalte sur la nationale mal entretenue qui me ramenait à l a civilisation. Cela sentait l’automne, un mélange de pourriture et de t erre glacée, un parfum de tombeau et de vieille grange où fermenten t des monceaux de pommes. Je marchais, comme toujours depuis cinq ans, pour c onjurer le sort et sentir une douleur bienfaisante dans chaque muscle de mes jambes. J’avais parcouru des milliers de kilomètres à pieds , depuis qu’Il s’était lové dans mon cerveau. Personne ne me croirait si je parlais du nombre de pays que j’ai traversés, du nombre de paires de chaussures que j’ai usées jusqu’à ce qu’elles tombent en lambeaux, du nombre de sols que j’ai foulés : sables, boues et roches de toutes couleurs, humus tropicaux ou cendres de volcans. Les particules géologiques d es cinq continents se sont mélangées, collées à mes semelles. Le goudr on dans mes poumons vient de San Francisco, l’arsenic dans mes cheveux, des rives du Gange. Et les ADN de tous les peuples de la terre circulent dans mes veines. À aucun prix je ne serais monté dans un de ces trac teurs qui rejetaient une fumée noire vers un ciel suffisamment gris. Je préférais laisser la pluie et la boue m’imbiber lentement, m’ acclimater à l’agglomération sinistre dans laquelle je venais de pénétrer : « Sainte Cécile ». Comment oublier le nom banal du village où je Le perdis ? — Tu désirais vraiment quitter la forêt pour rejoindre cet endroit ? me la faim meCe n’est pas l’endroit que je convoite. Sens-tu com tenaille, comme elle exige satisfaction ? Mon genou gauche émit un craquement désagréable. — Comme toujours, un fêtard qui cuve sa bière dans un fossé ou un péquenot isolé dans son champ feront l’affaire, répo ndis-je en frottant ma cuisse, un peu tendue. chosePas cette fois. Je ne me contenterai que de quelque d’exceptionnel. — On ne trouvera rien d’exceptionnel dans le coin. Qu’en sais-tu ? Des lotus parfumés naissent parfois des plus immondes marécages.
— Mouais. Je suppose que tu sais de quoi tu parles. ; je sensTrouve-nous un logement. Nous resterons sept jours qu’ils seront nécessaires à l’assouvissement de ma faim et de ma curiosité. Je poussai la porte mouchetée de sable de l’unique hôtel du village, qui servait aussi de bar tabac et de restaurant. À respirer l’odeur qui planait dans la salle, tous les plats semblaient composés d’oignons frits, de vieux mégots et de poils de chien. Je ne comptais pas me nourrir, de toute façon, du moins pas de ce genre de bouffe. — Hello ! fis-je, à l’intention des quatre vieux att ablés et du patron qui regardait Téléfoot sans se rendre compte que sa cigarette lui cramait la moustache. Tous se tournèrent vers moi et me dévisagèrent jusqu’à ce que cela devienne gênant, même pour quelqu’un qui a perdu to ute notion des usages sociaux. Au bout d’un moment qui me parut lo ng, un des vieillards grommela une phrase inintelligible, mélangea le jeu de cartes qu’il tenait à la main et le distribua. Les trois autres se désintéressèrent aussitôt de ma présence et entamèrent une partie de belote. Le patron écrasa sa cigarette et se campa devant moi, les mains sur les hanches. Il remonta son jeans qui dévoilait perversement la raie de ses fesses quand il se penchait et me détailla des pieds à la tête, tentant d’identifier l’espèce à laquelle j’appartenais. Sous la télévision, un écriteau jauni annonçait en lettres gothiques que l a maison ne faisait crédit qu’aux personnes de plus de quatre-vingts ans accompagnées de leurs parents. Avais-je l’allure de quelqu’un qui part sans payer après avoir dévasté sa chambre ? Définitivement non. J’étais plutôt de c es cas psychiatriques qui se suicident en se pendant au fa ux plafond inapte à supporter le poids d’un cadavre. L’hôtelier fronça les sourcils et gratta son front luisant (sans doute s’appliquait-il à calculer le rapport entre le coût occasionné par ce genre de désagrément et le bénéfice que lui rapporte rait ma présence dans son bouge). Il me fit penser à un de ces singes à l’expression étonnamment méprisante, qui vous dévisagent dans le s temples en ruine d’Asie du Sud-Est. — Vous avez une chambre libre ? demandai-je en surm ontant mon envie de quitter les lieux et de courir vers la forêt. — Avec ou sans douche ? Je dus prendre un peu trop de temps pour me décider. Le patron perdit son sang froid au moment où le PSG marqua un but et m’attribua d’office la chambre douze, avec une salle de bain sur le palier. — Tudju ! Qu’est-ce que c’est beau ! s’extasia-t-il en regardant l’exploit sportif au ralenti. Hein, Maurice, que c’est un beau but ! — Sûr, André ! fit le plus âgé des joueurs de cartes. Réveillé par les exclamations de son maître, un Yor kshire qui semblait sorti d’une friteuse déboula de la cuisine et vint me griffer la jambe en jappant et en pissant sur le carrelage. Je le repoussai d’un léger coup de pied et réveillai par mégarde sa libido qu’il alla assouvir
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