Le jeune homme à la canne
69 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le jeune homme à la canne , livre ebook

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69 pages
Français

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Description

La pièce se passe dans la loge d'un théâtre. Sophie doit jouer le rôle de Marthe dans une adaptation scénique du Diable au corps. En proie aux angoisses qui précèdent une "première", l'actrice reçoit la visite d'une femme étrange prénommée Alice. Elle dit être l'inspiratrice du roman. Cette rencontre, qui en entraînera d'autres, toutes aussi insolites, permettra à l'actrice d'investir le personnage.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2009
Nombre de lectures 186
EAN13 9782296675261
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
Préface
 
 
Quelle jouissance que de se baigner dans la marmite théâtrale avec des propos aussi radicaux que ceux proférés par l'héroïne dès les premières pages. Propos salvateurs, savoureux. Comme le sujet qui surprendra plus d'un lecteur et autant de spectateurs... Cet échange entre l'actrice, le personnage du roman et l'inspiratrice est saisissant. Un choix triangulaire, traité sans affectation, qui permet de nous tenir en haleine sans défaillir.
Lorsque le romanesque s'empare du réel, celui-ci crie « au voleur ». Le débat qui se crée ainsi fortuitement dans lequel le réel combat l'imaginaire avec ses arguments et l'imaginaire lui répond avec tout autant de preuves irréfutables est passionnant. Et l'on vient à se demander qui de la réalité ou de la fiction est la plus réelle.
Si tous les interprètes pouvaient avoir de telles rencontres dans leur existence fictive, ils feraient faire un grand bond à l'art dramatique ; c'est aussi vrai pour chacun d'entre nous dans la vie : le débat entre soi, sa conscience et l'idée que l'on donne aux autres de soi.
Les personnages de théâtre vivent dans la mémoire des spectateurs, bien que fragiles et mystérieux, avec plus de force et d'acuité que nos vivants disparus de notre monde.
Et c'est bien une magnifique vertu du théâtre que de donner corps et réalité à des personnages de fiction et de faire revenir les morts d'entre les morts.
Nous offrant ainsi... l'éternité !
 
Paul TABET
Président d’honneur de « Beaumarchais »
 
À Jacques ZABOR
Acteur et poète qui fît trop tôt son ultime salut
 
 
Personnages :
 
SOPHIE : Comédienne qui doit interpréter Marthe
 
MARTHE : Personnage du roman adapté pour le théâtre
 
ALICE : Inspiratrice du personnage du roman
 
RADIGUET : Auteur de « Le Diable au corps »
 
Et les voix de PATRICE : Le metteur en scène
Et de JULIE : L’assistante
 
Une loge de théâtre encombrée de costumes, d’éléments de décors, d’accessoires.
Dans un coin, une table à maquillage, un divan de velours rouge fatigué, un paravent.
 
On entend une musique mélancolique.
 
La poignée de la porte tourne doucement. Alice, une femme d’une cinquantaine d’années, vêtue d’un imperméable et coiffée d’un chapeau de pluie, à la mode des années 50, se glisse dans la pièce comme une ombre.
 
Elle s’approche de la table à maquillage, jette un œil sur les photos, les esquisses de costumes, puis s’arrête sur un livre, qu’elle saisit en tremblant.
 
PATRICE (OFF) - Reviens ! Sophie ! Sophie, j’ai besoin de toi sur le plateau ! Ce n’est pas la première fois ! Fais gaffe à la rupture de contrat… Souviens-toi… Refus de répéter égale faute professionnelle !
 
Alice s’efface dans l’ombre.
La porte s’ouvre brutalement sur Sophie habillée d’une robe d’été d’une autre époque.
Elle est jolie, blonde, elle a 35 -38 ans.
 
SOPHIE - C’est toi ma faute professionnelle !
 
Elle claque la porte, jette son manuscrit sur la table à maquillage et se laisse tomber sur le canapé.
 
Temps.
 
Je n’aurais jamais dû accepter.
J’aurais dû dire non, tout de suite.
Je le savais. Ce roman est inadaptable au théâtre, inadaptable tout court. Quel besoin, d’ailleurs, d’aller exhumer cette histoire d’un autre âge ? Déterrer un auteur oublié pour le porter à la scène… Et pourquoi aller chercher un roman ? Alors que des milliers de manuscrits de vraies pièces de théâtre écrites par de vrais auteurs bien vivants, pourrissent dans les caves des comités de lecture !
J’en ai marre de ces collages de bouts de littérature mal ficelés ! Je veux jouer un vrai auteur de théâtre, avec de vrais personnages authentiquement en trompe l’œil, et pas tous ces ersatz autofictionnels, que Patrice affectionne tant !
 
On frappe à la porte.
 
SOPHIE - Fous-moi la paix !
 
Nouveaux coups plus violents.
 
JULIE (OFF) - C’est moi… Julie, je peux entrer ?
 
SOPHIE - Non. Je veux être seule.
 
JULIE (OFF) - Patrice a besoin de toi sur le plateau…
 
SOPHIE - Il n’avait qu’à y penser avant de m’utiliser comme une potiche pour mettre en valeur sa mise en scène !
 
JULIE (OFF) - Qu’est-ce que je lui dis ?
 
SOPHIE - Que j’ai besoin de travailler mon personnage… Sans musique, sans lumière et sans lui !
On entend les pas s’éloigner.
 
SOPHIE - C’est de ma faute…
La première fois que je l’ai vu, je savais qu’il allait m’emmener dans une galère.
J’aurais dû fuir à toutes jambes
Me fier à mon instinct
Mais non, toujours cette manie de vouloir raisonner pour se persuader que le cerveau est plus noble que le cœur, et pour finir, tomber dans le piège comme une débutante.
Il était tellement sûr de lui ce jeune prodige de la mise en scène, tellement brillant ! Comment résister à sa flatteuse insistance ? Quelle conne ! J’ai même été la première à lui parler de cet autre prodige mort à vingt ans… J’ai aiguisé son appétit en pointant une possible ressemblance entre lui et le petit génie. Il n’en fallait pas plus, pour qu’il s’empare de l’idée à la seconde. Il a voulu tout faire, de l’adaptation à la conception des décors en passant par la mise en scène… Si je n’avais pas été vigilante, je crois qu’il aurait aussi joué mon rôle ! C’était peut-être la solution. Marthe en travelo, nouvelle version, nouveau scandale, enfin une vraie bonne raison de monter ce texte !
Il y a peut-être quelque chose à creuser de ce côté-là, un petit côté ambigu chez Marthe, qui la pousse vers ce très jeune homme, à peine pubère… À moins que ce ne soit un désir d’inceste imaginé, imaginaire… Un certain goût pour la pédophilie. Existe-t-il des femmes pédophiles ? Qu’est-ce que je raconte ? Marthe n’est qu’une jeune femme qui met un éphèbe dans son lit, pendant que son mari est à la guerre. Banal. Et que faire avec tout ça aujourd’hui, dans un pays en paix où les gamins se déniaisent devant des vidéos pornos ? Merde ! Merde ! Merde ! Je patauge lamentablement et ce ne sont pas les indications du dramatique dramaturge de Patrice qui vont m’aider à sortir du bourbier.
 
Elle feuillette son manuscrit, puis le balance.
 
Il faut tout reprendre à la source.
 
Elle va chercher le livre, s’installe confortablement dans le canapé, commence à lire et… s’évade les yeux mi-clos.
Alice se détache de l’ombre et observe Sophie en silence, puis elle murmure presque pour elle-même.
 
ALICE - Vous ne me ressemblez pas du tout.
 
SOPHIE - Qui a parlé ?
 
Elle se redresse brusquement et fixe Alice.
 
Qui êtes - vous ? Comment êtes-vous entrée ?
 
ALICE - C’est important ?
 
SOPHIE - Je ne vous ai pas entendu frapper.
 
ALICE - Je n’ai pas frappé.
 
SOPHIE - Vous êtes la nouvelle habilleuse ?
 
ALICE - Non.
 
SOPHIE - J’ai demandé qu’on ne me dérange sous aucun prétexte.
 
ALICE - Il me fallait plus qu’un prétexte pour franchir toute la distance qui nous sépare.
 
SOPHIE - QUI ÊTES-VOUS ?
 
ALICE - Je m’appelle Alice.
 
SOPHIE - Alice ? Comme…
 
ALICE - Exactement.
 
SOPHIE - Hasard.
 
ALICE - Peut-être pas. Ce qui m’amène est suffisamment important pour que vous m’accordiez un peu de votre temps.
 
SOPHIE - Désolée, à trois jours d’

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