Lou, une femme libre
66 pages
Français

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Lou, une femme libre , livre ebook

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Description

Trois mois de la vie de trois personnages. Rome : 1882. La bonne société se presse dans le salon de Malvida Von Meysenburg. Une jeune russe, Lou Von Salomé rencontre Paul Rée et son ami Nietzche. Fascination réciproque. Désormais, Lou n'a plus qu'une idée : fonder avec eux une "Trinité" vouée à la liberté de pensée, au mépris de toute convention. Très vite, les deux amis vont devenir le jouet de cette femme-enfant, muse et disciple, experte en dérobade, capable de s'émanciper des règles...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 260
EAN13 9782336258096
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296131538
EAN : 9782296131538
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Rappel biographique Personnages PREMIER TABLEAU Deuxième tableau Troisième tableau Quatrième tableau Cinquième tableau Scène finale : Lou seule
Lou, une femme libre

Michelle Bottaro
Rappel biographique
Lou Von Salomé est née en Russie en 1861 dans une famille germanophone. Elle est la dernière et unique fille d’une fratrie de cinq garçons. Le père, 53 ans, est général d’armée et conseiller secret du Tsar. Sa voie semble tracée.
Quels fantasmes la pousseront à fuir l’aristocratie de St Petersbourg?
Après la mort de son père en 1880, elle part à Zurich avec sa mère pour parfaire ses études et contracte la tuberculose. C’est lors de son séjour de convalescence à Rome en 1882 qu’elle rencontre Malvida von Meysenbug, intellectuelle féministe, amie de Paul Rée et de Friedrich Nietzsche. Ces derniers tombent sous le charme. Rée veut aussitôt l’épouser. Nietzsche impressionné par son charisme et son érudition met un terme à sa vie d’ermite et se sent mûr pour Zarathoustra …
R iche et marginale à plus d’un titre, la relation est cependant décriée à tort car chaste. Lou, si convoitée, est en fait fermée à tout rapport sexuel, ce n’est que bien plus tard, à l’âge de 36 ans qu’elle connaîtra sa première expérience auprès de Rilke, de 14 ans son cadet.
Avec Rée et Nietzsche, elle rêve de fonder une communauté intellectuelle, mais très vite la rivalité des deux hommes comme son propre désir d’indépendance font obstacle dans ce qui n’est pourtant pas un ménage à trois…
Lassée, Lou s’éloigne de Nietzsche, puis de Rée pour épouser un orientaliste Fred-Charles Andréas, de 16 ans son aîné. Elle portera désormais ce nom de souffre et d’encens : Lou Andréas Salomé. Ce mariage jamais consommé ne sera rompu qu’à la mort de Charles en 1930. Mais Lou n’a pas été la femme d’un seul homme : son ouverture aux idées novatrices, sa propension à voyager ont fait d’elle une égérie, une « collectionneuse de génies » dans le sens littéral du terme.
Poètes, musiciens, philosophes, dramaturges et théoriciens de renom : Rilke, Henry James, Tolstoï, Tourgueniev mais aussi Kafka, Rodin, Strindberg, Wagner, Ferenczi Eh bien sûr Freud qui décèle chez elle une « intuition naturelle à la psychanalyse », tous seront marqués par cette rencontre.
Elle s’éteint en 1937 à Göttingen en laissant une œuvre inclassable faite de nombreux essais, romans, nouvelles, autobiographies et correspondances diverses.
La pièce repose sur la relation entre cette jeune fille hors du commun et deux hommes, dont l’un, encore méconnu va bouleverser la philosophie contemporaine.
Je l’ai voulue comme un hommage à celle qui reste pour moi une figure emblématique de la femme moderne.
Personnages
- Lou von Salomé : 21 ans, naturelle, mince, apparence fragile mais déterminée.
- Paul Rée : 34 ans. Effacé, timide, allure peu assurée.
- Friedrich Nietzsche : 38 ans. Taille moyenne, avec ou sans lunettes selon les scènes, épaisse moustache. Un bon négligé, maintien très assuré malgré sa maladie et sa vue en déclin.
- Malvida Von Meysenbug: La cinquantaine fringante. Grande, racée, élégante, affiche le maintien et l’aisance d’une femme de pouvoir.
- Elisabeth Nietzsche : Sœur de l’écrivain, de 2 ans sa cadette. Semble plus âgée. Pourrait être jolie mais n’a aucune grâce. Tenue austère.
- Heinrich von Stein : La trentaine, séduisant, élégance appuyée, fils de famille.
- L’âge des personnages est celui qu’ils avaient lors de leur rencontre.
- Les différents lieux participent à la dramaturgie.
Hormis le salon de la propriété de Paul Rée à Stibbe, (Actes 1, 2 et 5) les deux autres lieux (à Tautemboug et à Leipzig) sont des meublés similaires à quelques détails près (tableau, lampes, coffre, bouquets, couvre-lits, livres, etc.) ce qui facilitera les changements de décor.
Ces lieux traduisent la propension aux voyages : l’errance bohème de Nietzsche, la curiosité de Lou, la quête de Rée…Il était nécessaire de les évoquer sans respecter toutefois leur fréquence à travers l’Europe, pour des raisons évidentes de contraintes théâtrales…
Un accompagnement musical de la pièce a été crée par Urs Brodmann, chef d’orchestre et compositeur à Nice.
PREMIER TABLEAU

Scène I : à Stibbe chez Paul Rée Lou, Malvida
Décor : Un salon fin XIXème un peu suranné : fauteuils, bouquets de pivoines, palmes en pots, portraits, une certaine pénombre. Il y règne ce désordre charmant propre aux maisons de vacances. Par la fenêtre, on aperçoit une fin d’après-midi et l’arbre d’un jardin. (Un panneau peint par exemple)
Dans un coin de la scène, sous le halo d’une lampe, Lou est assise, très droite, à une table où trône un samovar et écrit en buvant du thé. Elle est coiffée d’un chignon de mèches folles… D’elle se dégage une impression de modernité qui doit surprendre. Malvida Von Meysenbug entre. C’est une femme élégante, en tenue de voyage. Elle s’arrête sur le seuil.
Lou : (se retourne) Malvida !…Pour une surprise !
Malv : A voir ta tête, elle est mauvaise.
Lou : Tu aurais du me prévenir.
Malv : Sais-tu que de très vilains bruits courent sur ton compte ?
Lou : (riant) Et tu les écoutes ?
Malv : Ta famille aussi, et cela t’amuse on dirait.
Lou : Je m’en moque.
Malv : Bien… Je te vois, c’est l’essentiel. Puis-je me mettre à l’aise ? ( elle enlève son chapeau, ses gants, face au miroir) Quelle mine affreuse ! Ce train était d’un inconfort… ( Un temps, elles tombent dans les bras l’une de l’autre puis Malvida la détaille.) Montre-toi un peu…Tu es donc guérie…
Lou : Mais toi, quelle élégance !
Malv : (en tournant sur elle-même) Le dernier chic de Paris.
Lou : Une taille de guêpe.
Malv : A quel prix !…Mon corset est un véritable carcan.
Lou : A propos, les vilains bruits t’ont-ils appris la dernière ?… J’ai jeté le mien aux orties.
Malv : Non !?
Lou : Si ! Tant qu’on n’inculquera pas aux hommes le devoir de souffrir pour être beaux, je ne me plierai plus à ce rite barbare. (elle rit) Tiens une Française a même coupé le sien en deux pour en faire un corselet - gorge.
Malv : Mon dieu ! Avec les caleçons de bain, on avait déjà touché le fond…
Lou : Oh, d’ici qu’ils raccourcissent, on ne le touchera que dans un bon siècle. (rire, elle lui sert une tasse de thé)
Malv : Paul n’est pas ici ?
Lou : Il est à Berlin pour affaires.
Malv : (lui prenant les mains) Ma Lyola. Comme c’est bon d’être avec toi ! Si je te disais que Rome devient exécrable…
Lou : Miracle, c’est signe qu’elle est vivante. Moi, mis à part ton salon, je n’y ai vu que des ruines. (elle pouffe)
Malv : On y subit tous les cuistres que peut compter l’Europe. Imagine les plus grandes élites du vide qui viennent échanger leur vide dans le plus grand sérieux (rires.) … L’aristocratie s’encanaille, le demi-monde s’embourgeoise, chacun feignant d’accéder au monde de l’autre, chacun voulant se montrer à tout prix. (soupir) C’est l’ère du paraître. Surtout ne jamais dire qu’on s’ennuie quand on s’ennuie, ni qu’on s’amuse quand on s’amuse…Toujours affirmer le contraire de ce que l’on est, ce que l’on fait, ce que l’on pense… ( soupir) Que faire ?
Lou : Prendre du recul.
Malv : A quoi bon. (elle arrange sa coiffure, se regarde dans un miroir) Non mais, quelle tête affreuse !…Un voyage et je prends dix ans, moi… (elle va vers elle et l’enlace) Mais parle-moi de toi, ta vie ici.
Lou : Je flâne, j’écris…
Malv : (elle ouvre brusquement le sous-main et lit) « Très cher Paul… » C’est sérieux dis-moi ?
Lou : Nous avons des projets.
Malv : Et le notre ?
Lou : C’était un idéal de jeunesse.
Malv : Et tu es vieille ? A 21 ans ?
Lou : J’ai d’autres horizons.
Malv : Ouverts par moi. Ne l’oublie pas.
Lou : Une fois ouverts, les horizons sont à tout le monde. Paul est une aurore…Nietzsche un crépuscule.
Malv : (sèche) Fort bien.
Lou : L’un m’apaise, l’autre m’alarme.
Malv : (même ton) Bravo. Et toi ?
Lou : Moi

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