Aragon, cet amour infini des mots
197 pages
Français

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Aragon, cet amour infini des mots , livre ebook

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Description

Récit en forme de poème, Aragon, cet amour infini des mots est une évocation de la parole aragonienne, une méditation-parcours qui suit l'itinéraire d'une des figures majeures des lettres du XXème siècle. Hamid Fouladvind, qui fut un ami d'Aragon, illustre dans la présente approche les correspondances ou les affinités qui le lient à la pensée de l'auteur et, du même coup, révèle la nature profonde d'une âme rebelle, irréductible à tout jugement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 51
EAN13 9782296227309
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0096€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait


DanielCohen éditeur

Profils d’un classique,unecollection dirigée par DanielCohen

Profils d’un classiqueapour vocation d’offrir aulecteurfrançais,
par voie de l’essai oude l’œuvre pluspersonnelle,un éclairage
nouveau surdes auteursnationauxouétrangers àqui lamaturité
littéraire etla renommée nationaleconfèrentlestatutde
«classique ».S’il est vrai qu’ellevise plus spécifiquementdes auteurs
e
contemporains, etentout casnés auXXsiècle, elle pourrait
e
s’ouvrirégalement àdes auteursplus anciens, nés auXIXsiècle
notamment, maisdontl’œuvres’estdéroulée,à cheval entre les
deux siècles,soitpar sonretentissement,soitpar sa cristallisation.

ClaudeVigéesinauguré la collectionavecMélancolie solaire.
L’ont suiviRaymondEspinoseavecdes textes surAlbertCossery
etBorisVian,GeorgesZiegelmeyer surleCoréenJoJong-Nae,
et,cerisesurle gâteau,AndréGide, dontlespoésies,tiréesdes
Cahiers d’AndréWalter, illustréesparChristianGardair, ont
conféréàla collectionunetouche prestigieuse.Pourladernière
saison de2009,sontprévusletexte deDidierMansuy surMarcel
Jouhandeau,HamidFouladvindsur sonamiLouisAragon età
nouveauClaudeVigéeavecunsomptueuxL’extase etl’errance.
D’autres titres sonten préparation pour2010.

ISBN :978-2-296-08726-2
©Orizons,Paris,2009

Aragon,
cetamourinfini desmots

Dumêmeauteur

Elégieà Romano,Préface d’Aragon,E.F.R.
Editeursfrançais réunis,1980.
Carnetde routeavecun photo-poème d’Aragon
EditionsduRocher,1993.
Aragon/anti-portrait,Album de dessinset textesinédits
EditionsMaisonneuve etArchimbaud,1997.
BonheurFantôme,préface d'AlainJouffroy, illustré parArroyo
EditionsCercle d'Or,1993.

Hamid Fouladvind

Aragon,
cetamourinfini desmots

2009

«Je ne puist’apporter
Que les refletsdesétoiles
Etlesparfumsdespierres
Les souvenirsdetes souvenirs
Ce quetu saisetce quetunesaispas
… etcette musique qui n’apasde nom ».

PhilippeSoupault
(Odeàl’amitié)

Louis MarieAlfredChristineAragon, filsdeJeanAragon et
BlancheMoulin –ayantpourparrainLouisAubertetConstance
deVillerslafaye ouMarieToucascomme marraine – estné en
secretle3octobre1897dans un immeuble de larue deVillars, non
loin de l’esplanade desInvalides, dansleseptièmearrondissement
1
deParis.

1.Registre desbaptêmesde laparoisse deNeuilly-sur-Seine, daté le3novembre1897,
signéLouisAubert(aliasLouis.Andrieux) etConstance deVillerslafaye improbable
comtesse de fiction ? (pourMarieToucas,aliasBlancheMoulin) épouse
deJeanAragon.Vrai-fauxdocumentquitente de fairecroire que l’enfantAragon estnéà Madrid
le1er septembre1897.

Lesecretd’une naissance

ouis, il m’arrive det’oublierlesjoursdeciel grisquand les
L
avenues sont videset silencieuses,comme hier, le long de la
Seine, entraversantle fleuveàdemi embrumé oulà-bas, de l’autre
côté dupontdesArts, derrière lesmurs transisde lagare d’Orsay,
aubeaumilieude larue duBac, dansle quartieroù tuhabitais.
J’entends unevoixau timbrecassé.Je n’ai pasbesoin de
fermerles yeux, je mesouviens trèsexactementdetonvisage, de
l’écritureserrée des rides surlapeau.
Ton œilbleu s’allumetelun projecteur surlascène oùle
temps,soudain,s’estarrêté.
PourtantParisa changé d’âme etdecouleur.Ses réverbèresne
scintillentpluslesoir.Laville n’estplusqu’un musée.Lesmiroirs
etles vitrinesne débordentque de
futilesmirages,refletsincertains,bribesde phrasesauhasard desmotsetdes rues.
Oncroiraitentendrevirevolterleson ouleséchosdesparoles
sousles voûtesdesarchesetdesmonuments.Parfoisje perçoisle
nasillementd’un phonographe quitourne dansmatête.Lespavés
de pierre ontpresquetousdisparu.On diraitqu’àprésentlarue
deVarenne n’estplusqu’un longcourantd’air.
Louis…Louis,semblechuchoterlapluie.De minuscules
gouttelettesd’eauglissent surle fil invisible du souvenir.
Une imagesurgit,c’étaitilyalongtemps, le3octobre1897…
J’entends résonnerlebruit secdes sabotsd’unattelage.Venude
l’avenue deVillarspourdéboucherprèsdesInvalides,un fiacre –
ou uncabrioletd’antan – passeàviveallure danslarue deVarenne.
Àl’intérieurde lavoiture, lasilhouette del’homme-aux-gants-gris

1

2

HAMIDFOULADVIND

estdissimulée danslapénombre.Jecroisdistinguerenunbref
éclair samain gantée poséesurlerebord de laportière.

Danslapénombrebleue lesfenêtres s’allument, lesbecsde gaz
brillentauloin.Leciel estplacésouslesigneascendantde la
Balance.
«Il étaitdanscettevoiture ferméeàdeuxchevaux, qui m’a
croisésansque je ne laremarque, maisilyavaitdes rideaux verts
sombre derrière les vitres,une main lesasoulevés, j’aicru
recon1
naître lesgantsgrisperle deceparrain… »

Plusd’un demi-siècle plus tard l’enfantnaturel devenuadulte
évoquece père mystérieuxqui luiavaitdonné illégitimementla
vie:

« …Mon père estmarié, il faut vousdire,avecunvieille dame
que je neconnaispas.Alorsil n’habite pasavecnous…J’appelle
publiquementmon père montuteur, etmamanMarthe:il est
convenuque pourlesautresjesuis un enfantadoptif
deGrandmère.Mamères’appelaitBlanche etelle estmorte,son mari est
2
parti pourl’Espagne oul’Amérique duSud ».

Qui étaitdonc ce monsieur si importantdont toute lafamille
ménage obstinémentl’anonymat?...LouisAndrieux,
personnalité envue, député etdoyen de l’AssembléeNationale, préfet
de police etprocureurde la République,anticlérical notoire qui
expulsales religieusesde leurcouventetdirigealarépression des
communards.
Ce grand personnage de lavie politiquecombattra Napoléon
III,seranomméambassadeurà Madrid en1882et resteradéputé
jusqu’en1924.
Laphotographie d’un père factice estaccrochéeaumurde la

1.LeMentirvrai,Gallimard,1980.
2.LeMentir vrai.

ARAGON,CET AMOUR INFINI DES MOTS

13

chambre d’enfantetl'oncroit y reconnaître le portraitd'un monsieur
enredingotecroisée,bordée d'un largeruban desoieavecunetête
quise dresse,altière et rigide,commesouslesciseauxduncoiffeur.
Sescheveuxnoirsparsemésdeblancferment untoupetàdroite et
uneraieàlanaissancetandisqu'unebarbe partagée en deuxlui donne
l'aird'un mannequin oud'une gravure de mode.

Puiscefauxpère devient surl’insistance duparrain levrai:
« …Cette fois, onamisaumur une grande imageun peupassée,
jaunie, de monvrai père,commes’ilyavait toujoursété.Plusjeune
que je ne l’avaisconnu, lamoustachebatailleuse,uneseule main
gantée, l’autretenantle gant surla canne, en pied.N’empêche que
je dis toujoursMartheàmaman, devantle monde…Maman, pour
nous,c’est un nomsecret, lesportesfermées».Longtempslamère
passerapourêtre lasœurde l’enfant.
Jet’imagine en garçonnet,vêtuouplutôt sanglé dans unetenue
de duel, prenantdescoursd’escrime quet’imposait tonparrain:
«J’aimebien lecatéchisme, laseulechosec’estqu’avantde
commencermoncatéchisme,touslesjeudisetdimanchesmatins
depuisl’âge desixans, je merendaisàtraversleBoisducôté de la
3
placeVictorHugoàlasalle d’armesde mon père ».
Lavoixdumaîtrescande:«battez,contre-de-quatre,battez!
Contre-de-sixte !...Un deux, deux un ! »

Jeretrouveune detesphotographiesd’enfance.J’interroge, en
silence,ceregard mélancolique quise perd dansladérive des
songes.
Ton origine estinconnue, dis-tu,ton passése perd dansle
gouffre du temps…Je nechercherai pasàréinventer ton enfance,
niàexpliquercettesolitude et ta colère.
Pour toi lescommencements sesituentaucœurdesmots, dans
le manque etl’absence où tu teréfugies.Tonberceauestlalangue
et tugrandisdansl’apprentissage etlapratique d’une passion
3.LeMentir-vrai,Gallimard,1980.

14

HAMIDFOULADVIND

inavouable que l’on nesauraitassouvirque danslesecretle plus
absolu:
«J’aicherché, j’enconviens,comme d’autresdansl’opium,
dansde petiteshistoiresque j’inventais, l’illusion d’une puissance
4
infiniesurle monde ».
Tu te metsàécrir

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