Anti-kitsch
98 pages
Français

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Anti-kitsch , livre ebook

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Description

La vision du monde de Kundera s'articule autour de la notion du rire, le rire de cette ironie sceptique, le "rire du diable" (Kundera). C'est à travers l'examen d'un concept omniprésent dans l'oeuvre kundérienne, le kitsch, que peuvent être approchées les subtilités de cette ironie, dans la mesure où le kitsch, est précisément, l'antithèse du rire. Rien n'est plus drôle qu'un "monde qui a perdu le sens de l'humour". C'est ce que nous apprennent les romans de Kundera.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 septembre 2016
Nombre de lectures 5
EAN13 9782140017810
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Quelle drôle d’époque !
Quelle drôle d’époque !
Collection dirigée par Alain Brossat et Jean-Louis Déotte

Comment répondre d’une actualité constamment mouvante, comment y déchiffrer des marques d’époque, ou des signes annonciateurs ?
Comment le travail de la pensée, étayé par nos savoirs en partage et l’expérimentation des concepts, peut-il nous soutenir dans nos activités de diagnosticiens du contemporain ?
Avec cette collection d’essais brefs, vifs, se destinant à poser, explorer une question liée à notre actualité plutôt qu’à proposer des réponses ou des recettes, nous tentons d’ engager la philosophie et les sciences sociales dans une activité d’interpellation du présent. Nous nous demandons de quoi (de qui…) sommes-nous vraiment contemporains, et qu’est-ce qu’être contemporain – dans notre relation au plus proche, mais aussi au plus lointain.
Et en quoi cette question rapproche-t-elle les puissances de la pensée des possibilités de la vie active ?
Déjà parus
Collectif, Je suis Charlie, Ainsi suit-il…, 2015.
Constantin IRODOUTOU, Des utopies sadiennes , 2015.
Ali KEBIR, Sortir de la démocratie , 2015.
Joachim Daniel DUPUIS, George A. Romero et les Zombies, Autopsie d’un mort-vivant , 2014.
Rosa María RODRIGUEZ MAGDA, La condition transmoderne , 2014.
Alain NAZE, Jacques Demy. L’enfance retrouvée , 2014.
Alain BROSSAT, Les serviteurs sont fatigués (les maîtres aussi) , 2013.
Titre
Cédric C AGNAT







Anti-kitsch

Une brève introduction à l’œuvre de Milan Kundera
Copyright






























© L’HARMATTAN, 2016
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
www.harmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-77017-8
Abréviations


Abréviations (par ordre de citation) :

LR = Le rideau

CLC = Hermann Broch, Création littéraire et connaissance

UR = Une rencontre

LI = L’ignorance

ILE = L’insoutenable légèreté de l’être

AR = L’art du roman

TT = Les testaments trahis

LRO = Le livre du rire et de l’oubli

LP = La plaisanterie

IMM = L’immortalité

JSM = Jacques et son maître

VAA = La valse aux adieux

ID = L’identité

LVA = La vie est ailleurs

LL = La lenteur
Préambule
Il sera question, dans les pages qui suivent, des textes d’un auteur d’essais et de romans, à l’exclusion de toute considération d’ordre biographique qui ne serait pas directement utile à leur compréhension. Le présent ouvrage s’attachera à la conviction selon laquelle l’histoire personnelle de cet auteur, bien que riche en péripéties, ne saurait apporter aucun élément décisif à l’intelligence de sa production littéraire, hormis lorsqu’il y fait lui-même allusion, ou en rapporte une anecdote dans le cadre soit d’une analyse, soit d’un récit.
Longtemps, en effet, le statut de réfugié politique de Kundera a fait obstacle à une lecture de son œuvre émancipée de la critique antitotalitaire et droit-de-l’hommiste. Les soi-disant « nouveaux philosophes », en se l’appropriant, ont complètement occulté la spécificité de sa vision du monde et l’ont réduite à une banale condamnation des régimes soviétiques. Mais Kundera n’est pas Soljenitsyne. La posture du résistant au mal totalitaire, si elle peut s’avérer légitime, confère toutefois à celui qui l’adopte une sorte d’aura héroïque radicalement étrangère à Kundera comme à ses personnages. L’écriture « polyphonique » que l’on trouve dans ses romans a toujours pour fonction de placer en regard des exactions du système communiste les perfidies ou les mesquineries de ceux-là mêmes qui en sont victimes – dans un éclat de rire.
Il n’est peut-être pas exagéré de dire que toute la vision du monde de Kundera s’articule autour de la notion du rire. Non pas le rire faussement impertinent et auto-satisfait qui s’étale de nos jours sur toutes les ondes, mais le rire de cette ironie sceptique, le « rire du diable », comme le nomme Kundera, celui qui met à vif, douloureusement, nos ridicules, et révèle les illusions gratifiantes que nous entretenons sur nos identités ou nos valeurs.
C’est pourquoi le rire de Milan Kundera est acerbe mais aussi libérateur : il est ce spasme dans lequel s’opère une prise de conscience, où émerge une lucidité sans concession quant à l’aspect dérisoire même des plus douloureuses tragédies humaines. Guy Scarpetta, dans L’âge d’or du roman , écrit : « Kundera est l’un des rares, aujourd’hui, à oser “regarder le mal en face” sans la moindre complaisance. » Je ne sais ce qu’entend précisément Guy Scarpetta par « le mal », mais il est clair que la complaisance n’est pas la vertu première des romans de Milan Kundera. Le genre tragique « regarde le mal en face », mais offre en même temps cette consolation de la grandeur et de la noblesse dont fait montre celui qui est broyé par son destin. L’ironie Kundérienne nous prive d’une telle consolation. L’homme reste petit, même dans le malheur. Tout ce qui est humain se trouve passé au crible d’une ironie dévastatrice.
C’est, à mon sens, à travers l’examen d’un concept omniprésent dans l’œuvre kundérienne, le kitsch , que peuvent être approchées les subtilités de cette ironie, dans la mesure où le kitsch est, précisément, l’antithèse du rire. Or, rien n’est plus drôle qu’un « monde qui a perdu le sens de l’humour 1 ». C’est ce que nous apprennent les romans de Kundera.
1 L’expression est employée par Philip Roth au cours d’un entretien avec Milan Kundera, dans Parlons travail , Gallimard, 2004.
Le kitsch : origines d’un concept
C’est en Allemagne et en Europe centrale que le terme « kitsch » a acquis, par l’intermédiaire d’auteurs aussi imposants que Robert Musil ou Hermann Broch, une importance décisive dans le vocabulaire de la théorie de l’art. Le terme a longtemps fait défaut en France : dans les années soixante et soixante-dix, il est encore traduit, dans les essais d’Arendt et de Broch, par « art de pacotille », ce qui est loin de refléter la détestation dont il est l’objet dans son pays d’origine, « où il représente le mal esthétique suprême 2 ». Pour Musil, rapporte Kundera, il est le « pain sur lequel on aurait versé du parfum » ; et Kundera n’a pas de mots assez sévères pour le caractériser : « déchet sirupeux du grand siècle romantique », « voile rose jeté sur le réel », « exhibition impudique du cœur sans cesse ému 3 »…
Hermann Broch, dont Kundera est un fervent lecteur, et à l’œuvre duquel sont consacrées de nombreuses pages de ses essais de théorie littéraire, a eu une influence incontestable sur la conception du kitsch qui oriente les conduites, les propos et les pensées d’une vaste série de personnages peuplant les romans kundériens. Le littérateur autrichien fait partie de ces quelques représentants de la modernité artistique, aux côtés de Musil, Kafka et Hemingway, de Stravinsky, Janacek et Schönberg, auxquels Kundera revient sans cesse dans le but de cerner sa propre esthétique, à travers un ensemble d’analogies et de parentés presque affectives. Or, parmi ces figures emblématiques, Broch est sans doute le seul à avoir explicitement consacré une partie substantielle de sa réflexion au problème du kitsch. Dans un recueil d’essais théoriques intitulé Création littéraire et connaissance , une étude tout entière, « Quelques remarques à propos du kitsch », s’attèle à la définition et à la généalogie de cette notion, qui apparaît en maint autres endroits de l’ouvrage. Si ce dernier est principalement constitué de recherches vouées à l’esthétique générale et à la critique littéraire, l’étude sur le kitsch, quant à elle, s&#

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