L Expérience du roman
198 pages
Français

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L'Expérience du roman , livre ebook

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Description

A l'heure où la critique du storytelling bat son plein, il n'est pas inutile de revenir sur l'impact des représentations de l'acte de raconter telles qu'elles peuvent apparaître au sein de la fiction. Qu'elles soient manifestes comme dans le film de Welles Une histoire immortelle, ou bien discrètes comme dans la nouvelle de Melville Bartleby, ou dans Le Bruit et la fureur relu au travers de cet autre roman de Faulkner qu'est Absalon, Absalon !, les multiples modalités de la mise en abyme déterminent toujours notre lecture.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 35
EAN13 9782296808508
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’expérience du roman
Jean Regazzi


L’expérience du roman
Lecture et mise en abyme
chez Melville, Faulkner et Welles
Du même auteur


Le Roman dans le cinéma d’Alain Resnais : Retour à Providence , L’Harmattan, Esthétiques, 2010.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54927-2
EAN : 9782296549272

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
REMERCIEMENTS
Peter Crames et Jean-Louis Leutrat.
Jacques Aumont, Christa Blümlinger, Pierre Boutillier et Jean-Louis Déotte.
Anne Dunand-Tartara pour sa relecture attentive du manuscrit.
La Cinémathèque Française, Bibliothèque du Film, Iconothèque et Espace chercheurs.
Le Musée Gaumont et Jeanne Moreau,
pour le photogramme du film de Welles reproduit en couverture.
Pour Jean-Louis Leutrat
La lecture en abyme
Mise en abyme, récit spéculaire : deux métaphores majeures pour désigner une infinité de cas de figure où des éléments internes à la fiction la reflètent en tant que telle, renvoient à ses conditions d’élaboration et de réception, à son auteur comme à ses lecteurs, représentés à des degrés divers par les personnages, l’action, le sujet {1} …
On parle de « film dans le film », de « pièce dans la pièce », « roman dans le roman »… Sans qu’il faille pour autant oublier les formes hybrides, qui ne sont pas moins fréquentes pour être plus rarement énoncées : « le roman dans le film », « le tableau dans le livre »… Car telle est l’efficace rhétorique de la répétition, la loi d’une formule x’ dans x , quand le lien d’inclusion n’implique pas le moins du monde l’homogénéité de l’ensemble et de la partie, celle-ci pouvant constituer un reflet très indirect du premier.
Autant d’habitudes langagières négligeant, voire occultant, une infinité de possibles, et qui contribuent sans doute aussi à la persistance des deux principales idées reçues à ce sujet. Car désigner le système protéiforme de la mise en abyme, du récit en miroir, en recourant à des expressions figées et générales comme « film dans le film » ou « livre dans le livre » tend à entériner que :
1) l’autoréférence refermerait fatalement l’œuvre sur elle-même, la couperait de cette réalité dont elle était pourtant censée traiter ;
2) et que la destruction de la transparence narrative entraînerait avec elle la rupture de toute illusion réaliste, neutraliserait jusqu’au moindre effet de réel qui eût permis au lecteur de s’identifier et, partant, à la mimèsis de fonctionner à plein régime.
Les trois études qui composent le présent essai visent à prendre le contrepied de ces deux ensembles solidaires de préjugés, afin de démontrer conjointement que :
1) d’une part, le miroir de la mise en abyme s’ouvre mieux que toute autre fenêtre sur le monde, en cela qu’il renvoie sans cesse la fiction à son appartenance à la réalité, en tant que production, en tant qu’objet de ce travail bien réel où convergent tous les faisceaux du spéculaire, tous les enjeux de l’acte de récit au sein de la société ;
2) et d’autre part, que seule cette mise à nu des tenants et aboutissants du texte qui est le propre du système réflexif permet une réelle expérience de lecture comprise comme un travail à part entière.
Pour ce qui est du premier ensemble, nombre de chercheurs tels que Joëlle Gleize sont déjà parvenus à cette conclusion que « la tension que les théoriciens modernes ont soulignée (…) entre représentation et autoreprésentation, entre réalisme et réflexivité » ne se vérifie pas forcément, que la « représentation des livres dans une fiction » ne vient pas nécessairement, loin s’en faut, « troubler la visée référentielle en invitant le texte à se réfléchir lui-même », et lui seul, ajouterais-je {2} .
Quant au second ensemble et l’idée du travail de lecture qui le sous-tend, citons entre mille un texte d’Edith Wharton dont la publication posthume est à peu près contemporaine de l’essai de Benjamin L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. Dans la préface à un recueil de nouvelles datant des années 1910, la romancière américaine déplorait l’avènement d’« un univers plein de vacarme et dépourvu de continuité » à cause de « la TSF » et du « cinéma », pour mieux en venir à l’idée que « la lecture doit être un acte de création au même titre que l’écriture {3} ». Aujourd’hui, à l’ère de l’immédiateté d’Internet et d’un cinéma largement inféodé au visuel, il paraît plus que jamais urgent de rappeler que la lecture sera un travail ou ne sera plus. Car le rapprochement des propos de Wharton et des thèses de Benjamin peut effectivement prendre tout son sens sur un plan qui concerne de manière spécifique le rôle que joue la mise en abyme dans la lecture. Parmi les conséquences de la reproductibilité technique que Benjamin énumère, celle qu’un média tel que le Web a permis de réaliser au-delà de toute expectative est bien l’effacement de « la distinction entre auteur et public », dont le philosophe écrivait qu’il était « en voie de perdre son caractère fondamental {4} ». Car, des simples blogs et autres forums jusqu’aux éditions en ligne qui prolifèrent, en passant par tous les sites individuels ou collectifs d’un réseau planétaire instantané, quelle autre époque que la nôtre a donné davantage à tout lecteur la possibilité « à chaque instant (de) devenir quelqu’un qui écrit », d’avoir « un accès au statut d’auteur », du moins virtuel {5} ? Laissons à d’autres le soin de conspuer une telle dérive, en poursuivant notamment l’analyse d’un Huxley sur les conséquences aberrantes de la « multiplication indéfinie des écrits et des images » – analyse dont, bien évidemment, Benjamin ne peut qu’écrire qu’elle n’est « manifestement pas progressiste », après en avoir cité de longs extraits dans une note de bas de page {6} . Car, même si aujourd’hui « la consommation de "matière à lire et à voir" a » infiniment plus « dépassé la production naturelle d’écrivains et de dessinateurs doués » qu’elle n’avait commencé de le faire à l’époque de Huxley, et même si la loi non moins naturelle que ce dernier invoque de l’extrême rareté du « talent artistique » demeure une constante statistique, l’écrivain ne manquait pas pour autant de nuancer son raisonnement dans un sens plus historiquement progressiste, en évoquant tous ces « talents en puissance qui, jadis, eussent été morts-nés » et qui sont désormais « à même de se réaliser » « grâce à l’instruction universelle {7} ». C’est pourquoi, sans non plus verser dans l’optimisme béat d’un meilleur des mondes de citoyens-auteurs, il est possible d’envisager la mise en abyme non plus comme un procédé parmi d’autres mais bien comme le lien ontologique unissant l’écriture et la lecture, l’auteur et son double. Si, en d’autres termes, le travail de lecture est bien un acte de création au diapason de celui effectué par l’auteur, alors il ne peut qu’y avoir mise en abyme, toute œuvre comporte cette dimension spéculaire, laquelle s’avère ainsi à la fois l’objet réel de la lecture et son instrument le plus efficace.
D’où le choix des œuvres étudiées ici, qui, si l’on excepte le film de Welles Une histoire immortelle , ne proposent pas de mise en abyme au sens strict. Certes, comme nous le verrons, le dispositif narratif de Absalon, Absalon ! relève de manière assez évidente du récit spéculaire. Mais, tout comme pour Bartleby le scribe ou même cet autre roman de Faulkner qu’est Le Bruit et la fureur , le recours au réflexif comme moyen de lecture et non comme procédé à repérer au préalable permet de démontrer qu’il n’est d’œuvre à part entière qu’en abyme, que tout livre, tout film doit n

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