La folie de Marguerite
178 pages
Français

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La folie de Marguerite , livre ebook

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Description

A partir de Moderato cantabile Duras recycle Duras. Une écriture accidentée, SDF, en quête d'identité témoigne dans une répétition infernale d'un douloureux "remâchement de la mort" et d'une souffrance qui touche à l'universelle souffrance de la nature humaine. L'écriture creuse à la recherche de ce qui au plus profond de la relation à la folie de la mère reste à jamais impensé et repousse en même temps "cette actualité absorbante qu'elle est toujours".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2008
Nombre de lectures 44
EAN13 9782336259437
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sommaire
Espaces Théoriques Page de titre Page de Copyright La page blanche de Marguerite PREMIÈRE PARTIE - Le bernard-l’ermite
nous, Juifs Le retour des camps La mort peut se vivre L’Amant L’accident ici serait la vie L’état civil, fini T’es vraiment folle, alors L’horreur d’un pareil amour
DEUXIÈME PARTIE - Désespérée et hurlant sans bruit
Le désert Le dernier client de la nuit Elle ne sait plus les limites de la mer Obligée de tout imaginer Moderato Cantabile Un rêve sans sommeil autour Vomir Buchenwald, Gandersheim, Dachau
ÉPILOGUE - Madame Dieu Bibliographie
Espaces Théoriques
Collection dirigée par Michèle Bertrand
Partout où le réel est donné à penser, les sciences de l’homme et de la société affûtent inlassablement outils méthodologiques et modèles théoriques. Pas de savoir sans construction qui l’organise, pas de construction qui n’ait sans cesse à mettre à l’épreuve sa validité. La réflexion théorique est ainsi un moment nécessaire à chacun de ces savoirs. Mais par ailleurs, leur spécialisation croissante les rend de plus en plus étrangers les uns aux autres. Or certaines questions se situent au confluent de plusieurs d’entre eux. Ces questions ne sauraient être traitées par simple juxtaposition d’études relevant de champs théoriques distincts, mais par une articulation rigoureuse et argumentée, ce qui implique la pratique accomplie, chez un auteur, de deux ou plusieurs disciplines. La collection Espaces Théoriques a donc une orientation épistémologique. Elle propose des ouvrages qui renouvellent le champ d’un savoir en y mettant à l’épreuve des modèles validés dans d’autres disciplines, parfois éloignées, aussi bien dans le domaine des SHS, que dans celui de la biologie, des mathématiques, ou de la philosophie.
Déjà parus
Claude de TYCHEY (sous la dir.), La prévention des dépressions , 2004.
Pierre Loïc PACAUT , Un culte d’exhumation des morts à Madagascar : le Famadihana. Anthropologie psychanalytique , 2003.
Michèle PORTE (sous la direction de ) Les Traumas psychiques , 2003.
Michèle PORTE, De la cruauté collective et individuelle : singularité de l’approche freudienne , 2002.
Claude de TYCHEY, (sous la direction de) Peut-on prévenir la psychopathologie? 2001.
Françoise POUËCH, Effets des jeux langagiers de l’oral sur l’apprentissage de l’écrit , 2001.
Jean-Paul TERRENOIRE, (sous la direction de ) Sciences de l’Homme et de la Société : la responsabilité des scientifiques , 2001.
Sylvain BOUYER, Marie-Claude MIETKIETWICZ, B. SCHNEIDER, (eds), Histoire (s) de Grands-Parents , 2000.
La folie de Marguerite

Christian Jouvenot
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296058804
EAN : 9782296058804
La page blanche de Marguerite

« Cette histoire commune de ruine et de mort qui était celle de ma famille… est le lieu au seuil de quoi le silence commence. » Marguerite Duras
La folie est une affaire de famille. Elle circule entre les générations. Elle est un bien, se transmet comme un patrimoine, se partage. Elle est au sens propre, fortement, une entre-prise.
Nous n’entendons, nous ne voyons que les ratés de son commerce avec le monde, que les échecs de son épanouissement ordinaire, quand la famille ne réussit plus à contenir son désordre. Elle rend alors visible l’invisible, elle montre ce qui autrement reste caché. Quand elle vient jusqu’à nous c’est qu’elle déborde, qu’elle explose, outrepasse les limites, traverse les frontières. Elle sort de l’ombre, sort de sa condition de folie ordinaire et dérange. Chimère à la fois chèvre, tigre, oiseau, ses manifestations sont étranges. Elle fait peur. Excitation sans mesure, présence incohérente, inertie ou bien toute puissance sans remède, déliaison, invulnérabilité, c’est la rupture de ce qui jusque-là était l’ordre commun des choses. Le symbole pris pour la chose.
Au-delà de l’angoisse, de la souffrance, c’est une détresse jusqu’au désêtre. C’est un naufrage. Une âme cherche dans la désespérance un abri, désiré et redouté en même temps. Cette âme divisée, déchirée, à vif, voudrait se refaire. Seule. Il faudra colmater les brèches, sauver ce qui peut l’être. Au bord du chaos la lutte est de tous les instants. Il est question de survie.
Marguerite Duras héritière de folie ordinaire ne réussit pas longtemps à tenir l’équilibre, à faire taire sa folie, à l’étouffer en elle. C’est dans la période de la Deuxième Guerre mondiale qu’elle en fait pour nous l’aveu. Elle nous livre à partir de là sa vie durant un témoignage poignant, parce que véritablement personnel et de portée générale, le témoignage d’un désordre qui gît au fond de toute humanité. Dans et par l’écriture aussitôt elle cherche à connaître cette folie, à lui faire face. Elle va à sa rencontre, elle lui donne la parole. L’écriture devient un lien, un temps et un espace de rencontre, un lieu où se reflète la folie, le bouclier de Persée, un lieu où l’image réintroduit le tiers. En fréquentant la folie en ses reflets sans la perdre de vue, avec ses sautes d’humeur, ses mouvements d’exaltation et d’anéantissement, ses rythmes hachés ou répétés, lancinants, ses images séduisantes, insistantes, fragiles, ses fantômes, son texte en miettes, dans la jouissance et la peur, côtoyant le danger, l’écriture tente de contenir l’indicible, de capter l’impensable. Marguerite Duras se rend à cette évidence : c’est une folie qui vient de loin.

Déracinée, repiquée, arrachée, transplantée, toujours en exil, Marguerite Duras par nécessité et pour survivre, essentiellement seule, experte dans l’art de déjouer le malheur, a toujours su se jouer de la réalité. C’était ça ou plus de souffrance encore. Déjouer le malheur, dans le paradoxe, c’est d’abord faire avec lui, ne pas le quitter des yeux, le garder à sa merci, au bout du compte faire de lui un compagnon de route. Se jouer de la réalité c’est ruser, dissimuler toujours, se dissimuler, changer d’identité. Peut-être plaire surtout. Marguerite a grandi dans un excès de souffrance. Par la suite, elle n’a pas réussi à faire le deuil de cet excès dont elle garde, comme d’une brûlure de l’âme, les cicatrices à jamais.
Née à Gia Dinh, faubourg de Saigon, le 4 avril 1914, semée indochinoise puis transplantée à Hanoi pendant deux ans, jusqu’à l’âge de sept ans à Phnom Penh, au Platier à Pardaillan à huit ans, à nouveau à Phnom Penh puis Vinh Long à dix ans, à Sadec quatre ans plus tard, repiquée un peu, beaucoup, passionnément, à la folie à Prey Nop, pays du Barrage contre le Pacifique , repiquée comme un grain de riz dans les rizières de Cochinchine, décortiquée, blanchie, Donnadieu par son père né à Pardaillan par Duras dans le Lot-et-Garonne et Obscur par sa mère née Legrand à Fruges village du nord de la France, d’origine doublement rurale sinon paysanne et doublement catholique : Marguerite Donnadieu se perd dans Marguerite Duras.
Elle a poussé dans La Douleur . Elle s’est travestie jusqu’à se perdre de vue et au fil de sa vie jusqu’à s’abandonner à un désordre profond, celui-là même qui gît au fond de toute nature humaine. Elle est devenue universelle. Marguerite Donnadieu se perd dans Marguerite Duras comme les bras d’une rivière qui se jettent dans la mer. Marguerite Duras souffre, c’est le point essentiel. Elle ne connaît pas ses limites, comme la mer. Elle doit s’accrocher à ce qui peut la sauver. Elle n’est pas libre. Elle est plus dans la survie que dans la vie.
En raison d’abandons et de ruptures dans sa relation au monde, de trahisons affectives dès le début de son existence, d’un manque majeur de protection et d’une souffrance qui depuis toujours l’a prise en otage, le corps à vif elle doit toujours se refaire une peau, comme le Bernard-l’ermite trouver un abri : « se greffer comme ça sur n’importe quelle histoire. C’est peut-être ça, la vie : entrer dedans, se laisser porter par cette histoire, enfin, l’histoire des autres… » 1
Qu’elle soit abattue ou bien qu’elle soit agitée, elle n’est jamais en repos. Un instant arrêtée, le pied à peine posé, le risque est là de s’enliser ou d’être mordue par quelque serpent comme dans les marécages de la plaine de Prey Nop du Barrage contre le Pacifique . Aiguillonnée par « une peur centrale » elle est errante, plutôt vagabonde, mais aussi à l’opposé elle est d’un conformisme déroutant. Sous la pression de la nécessité elle invente, elle s’invente. Le courant de son narcissisme toujours en risque de rupture, son ide

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