Le champ littéraire africain
285 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le champ littéraire africain , livre ebook

-

285 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Cette étude entend esquisser une histoire sociale de ce qu'il est convenu d'appeler maintenant "le champ littéraire africain". A rebours de l'historiographie classique, cette histoire analyse les conditions dans lesquelles la littérature africaine a pu se constituer, depuis, au moins, les années 1930 jusqu'à aujourd'hui, en un monde social autonome, dont les auteurs et leurs textes bénéficient d'un statut institutionnel à part entière dans le vaste marché des biens symboliques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 182
EAN13 9782296185654
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Le travail de mille générations construira ma Côte d’Ivoire/ Elle paraîtra devant les nations dans tout l’éclat de sa gloire/ telle est mon unique destinée/ puisque vaillants et fiers mes aïeux sont morts pour la défendre/ Et Moi je vivrai pour l’aimer (Texte fondateur, auteur inconnu)
REMERCIEMENTS
Plus qu’une histoire, ce livre est le produit d’un trajet et d’une expérience dont les acteurs méritent notre profonde gratitude. Nous pensons d’abord aux professeurs émérites Kotchy Barthélemy et Bernard Mouralis : Le premier, pour avoir su, avec la rigueur du maître et la patience du père conduire nos premiers pas de jeune chercheur. Le second, pour sa présence et sa disponibilité de tous les instants, mais surtout pour avoir accepté de peaufiner notre démarche scientifique et notre personnalité intellectuelle.

Qu’il nous soit permis de saluer également ceux qui, par la précieuse symbolique de l’amitié ont su créer, par leurs concours, leurs soutiens et leur présence, les conditions de possibilité de cette publication. D’abord l’homme du sentier, Parfait Diandué. Les Samaritains du temps de la tempête, Martin Mbia, Olivier Magnan et Simplice Kassi. Ensuite, les jeunes frères que j’aurais voulu avoir, Franck-Stéphane Harding et Jean-Ernest N’guessan, pour leur fidélité. Egalement la belle amie Sara Tagliacozzo toujours courageuse sur ce chemin tortueux des humanités. Merci à mon ami Serges Yavo pour la révision qu’il a aimablement accepté d’appliquer à ce texte.
PRÉFACE
Les critiques et les chercheurs qui se sont intéressés à la production littéraire dans les langues européennes de l’Afrique subsaharienne se sont attachés à juste titre, pendant longtemps du moins, à tracer les contours d’une histoire dont ils ont souligné les généalogies, les évolutions, les ruptures, lisibles à la fois dans les textes eux-mêmes et dans les conditions sociales, politiques, culturelles, linguistiques de leur énonciation. Mais, au fur et à mesure que se développaient et se diversifiaient la production littéraire et les travaux cri- tiques qui lui étaient consacrés, un phénomène, quelque peu paradoxal, s’est manifesté avec de plus en plus d’évidence : la littérature africaine n’était pas seulement un objet existant dans une dimension historique ; elle était aussi, sinon plus, un objet qui existait dans une dimension spatiale et qu’il fallait appréhender à travers la relation que l’écrivain, en tant que sujet de la littérature, entretenait avec les autres écrivains d’Afrique, d’Europe, du monde.

C’est dans cette perspective qu’il faut situer le présent livre de David N’Goran, Le champ littéraire africain. Essai pour une théorie. Celui-ci s’inscrit dans un courant critique qui commence à se manifester au début des années 1980 et propose une approche des littératures africaines à partir de la prise en compte de la notion de « champ littéraire », empruntée à Pierre Bourdieu. Plusieurs travaux illustrent déjà cette orientation nouvelle et, pour ne citer que ces seuls exemples, je mentionnerai deux ouvrages collectifs qui, chacun à sa façon, ont proposé une exploration de cette notion : Romuald Fonkoua, Pierre Halen et Katharina Städtler, éd., Les champs littéraires africains (Paris, Karthala, 2001) et Prosper Deh, éd., La littérature africaine : à la croisée des chemins (Yaoundé, CLE, 2001).

L’étude de David N’Goran innove par rapport à ces travaux sur un certain nombre de points en proposant une réflexion plus systématique, appuyée sur une documentation très étendue qui fait appel à de nombreuses œuvres littéraires, critiques, historiques et sociologiques. À cet égard, on appréciera en particulier le souci de mettre en perspective les analyses de Bourdieu par rapport à celles qui relèvent de l’histoire, un domaine avec lequel le sociologue a entretenu, on le sait, un rapport passionné et passionnel.

La démarche suivie par l’auteur s’organise en deux moments : dans un premier temps, il examine l’« invention », par les écrivains africains, du monde littéraire de l’Afrique francophone ; puis, dans un deuxième temps, il analyse les tensions dont ce champ littéraire est le théâtre, en insistant particulièrement sur l’enjeu que représente, dans la lutte qui oppose les plus jeunes à leurs aînés, l’appropriation du « patrimoine oral traditionnel » et sur le profit symbolique que les uns et les autres attendent de cette appropriation.

En adoptant cette perspective, David N’Goran se trouve ainsi conduit à retracer d’abord, non pas l’histoire de la littérature, mais celle de la constitution du champ littéraire africain depuis les années 1920 jusqu’à nos jours. Il souligne les contraintes qui, pendant toute une période, rendent son autonomie difficile et qui tiennent à la volonté des écrivains d’être présents dans le champ littéraire et politique français, tout au long de la période coloniale, et au rôle politique et social que beaucoup d’entre eux entendaient jouer au lendemain des indépendances, conformément à une conception « engagée » de la littérature. Cette situation prendra fin à partir du moment où va s’opérer ce que l’auteur appelle le « mythicide et le parricide » et qu’il définit comme un« renversement du discours littéraire par le fait d’une modification de la matière textuelle, ainsi que des stratégies pour sa reconnaissance ». Processus qui est la conséquence d’une double nécessité. D’une part, un recentrement de l’activité littéraire dans l’espace africain : « la littérature africaine issue d’une parturition occidentale est allée par "révoltes" successives : elle fut d’abord dans sa première phase d’autonomisation "un champ afro-francophone" sous domination coloniale. Elle se posa ensuite comme "un champ africain" définissant lui-même ses modes de fonctionnement. " D’autre part, prise de conscience du fait que l’écrivain, à moins de se renier, ne peut trouver une consécration de la part de pouvoirs politiques souvent discrédités : « les illusions et désillusions nées des indépendances ont profité au ’champ littéraire’ dans la perspective de son autonomisation. »

Toute cette réflexion est conduite avec un souci fort net d’évaluer les concepts empruntés à Pierre Bourdieu et de voir dans quelle mesure ceux-ci sont susceptibles de rendre compte du cas africain. L’auteur souligne ainsi les coïncidences et les divergences avec le champ français. Parmi celles-ci, il montre, par exemple, en quoi la posture de la « bohème », manifestée par de nombreux écrivains et artistes du XIXe siècle français dans leur volonté de s’opposer aux valeurs « bourgeoises », n’a pas véritablement son équivalent en Afrique et il écrit à ce sujet : « Les écrivains africains ne renient pas moins la logique économique de l’économisme. Ils imposent une économie littéraire conforme au champ littéraire. Leur procédé consistera pour l’essentiel non pas à résister à l’"économie économique" en optant pour "la bohème", mais plutôt à contourner la misère sociale qui impose cette résistance à travers l’exercice de professions parallèles et dont l’avantage […] est de leur permettre de s’affranchir des idéologies politiques ou des impératifs économiques imposés par les instances de consécration d’alors. »

La deuxième partie de cette étude peut être considérée comme une illustration des propriétés définies précédemment et elle repose sur l’étude d’un corpus poétique réduit, constitué par les œuvres de Senghor et Césaire, d’une part, de Bernard Zadi Zaourou et de Frédéric Pacéré Titinga, d’autre part. Le choix de la poésie est intéressant dans la mesure où nous avons affaire à un genre qui peut sembler a priori plus déconnecté du monde social que le roman ou le théâtre. Mais les tensions relevées n’en seront que plus significatives.

Parmi celles-ci, on retiendra, par exemple, l’affrontement qui oppose les plus jeunes à leurs aînés à propos de l’appropriation de l’oral, lisible en parti- culier à travers l’usage que les uns et les autres font de la référence aux

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents