Les figures de l ironie dans "A la recherche du temps perdu"
126 pages
Français

Les figures de l'ironie dans "A la recherche du temps perdu" , livre ebook

-

126 pages
Français

Description

Les linguistes modernes se sont efforcés de réviser et de compléter la définition traditionnelle de l'ironie. Le but de cet essai est d'illustrer, à partir des nombreux exemples que fournit Proust dans "A la recherche du temps perdu", ces différentes définitions et de montrer la variété des formes que peut prendre l'ironie. Les exemples cités permettront au lecteur de découvrir que contrairement à une opinion répandue, l'œuvre de Proust, loin d'être ennuyeuse, peut lui procurer bien des occasions de s'amuser.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2004
Nombre de lectures 267
EAN13 9782296349537
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Figures de l'ironie
dans
A La Recherche du Temps perdu
de Marcel ProustApproches littéraires
Collection dirigée par Maguy Albet
Y. PENG, La Nation chez Alexandre Dumas, 2003.
Valéria VANGUELOV, MEMORABILIA, Récit des origines
de l'œuvre de Michel Fardoulis-Lagrange, 2003.
Murielle Lucie CLEMENT, Houellebecq, sperme et sang, 2003.Philippe Niogret
Les Figures de l'ironie
dans
A La Recherche du Temps perdu
de Marcel Proust
L'HARMATTAN@ L'Harmattan 2004
5-7, rue de l'Êcole- Polytechnique
75005 Paris - France
L'Harmattan, ltalia s.r.1.
Via Bava 37
10124 Torino
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
ISBN: 2-7475-5870-3
EAN : 9782747558709
Les références dans A La &cherchedu Temps Perdu sont celles
de l'édition, en quatre volumes, de La Pléiade, (Gallimard,
1987), publiée sous la direction dejean-Yves Tadié.INTRODUCTION
L'objet de cet essai est d'étudier les figures de l'ironie dans A
La Recherche du Temps Perdu.
Pourquoi l'ironie?
Les théories linguistiques sur l'ironie, qui n'avaient guère
varié depuis l'époque romaine, ont été profondément
renouvelées au cours des trente dernières années, en particulier
depuis l'article de Sperber et Wilson publié en 19781.
Notre but est d'illustrer ces différentes théories à partir
d'exemples tirés de l'œuvre de Proust, de tenter de les concilier
ou de les compléter à l'aide de ces exemples.
Pourquoi Proust?
D'abord parce que, malgré les très nombreuses études qui
ont paru et qui continuent à paraître chaque année sur Proust,
aucune n'est consacrée spécifiquement à ce sujet. La seule que
nous ayons recensée est une thèse de William Henry2, soutenue
à l'université de Columbia en 1955. Cette thèse comporte
beaucoup d'observations intéressantes dont nous avons tiré
profit. Mais d'une part, elle s'intéresse surtout aux sources de
l'ironie de Proust et ne fait qu'une part minime à ses formes
stylistiques, qui sont l'objet de notre étude; d'autre part, du fait
de son ancienneté, elle ne prend pas en compte l'évolution des
théories linguistiques sur l'ironie au cours des trente dernières
années.
La deuxième raison pour choisir Proust est qu'il est un des
plus grands praticiens de la langue française et qu'il a souvent
1
Sperber et Wilson, "Les ironies comme mentions", ReVIlePoétique n036,
Seuil, Paris 1978, pp.399 à 412
2
William Henry Jr MILLER, Proust's irony, Columbia University, University
microfilms, 313 North First Street, Ann Arbor, Michiganinsisté sur toutes les formes du langage indirect. Toute La
Recherchepeut être lue comme la découverte progressive par le
jeune Marcel que la meilleure manière de communiquer sa
pensée n'est pas toujours l'expression directe, mais qu'elle prend
d'autant plus de force qu'elle oblige le récepteur à la déchiffrer3.
Il était donc probable, et c'est ce que nous avons essayé de
vérifier, que La Recherchefût un corpus privilégié pour étudier
toutes les formes de langage indirect et en particulier de l'ironie,
qui en est la forme extrême.
Nous n'avons pas voulu partir d'une définition préétablie de
l'ironie. Une telle méthode aboutit inévitablement à éliminer
tous les énoncés qui ne peuvent se déduire de cette définition. Il
nous est apparu préférable de recourir à une méthode inductive,
consistant à analyser tous les faits de langage perçus comme
ironiques et à rechercher une définition qui en rende compte,
tout en évitant cependant de céder à l'usage courant qui
consiste à qualifier d'ironique tout propos moqueur - Proust
luimême n'y échappe pas toujours - et à voir de l'ironie partout.
Nous commencerons donc par tenter de définir l'ironie en
passant en revue les principales définitions qui en ont été
données. Nous analyserons ensuite les formes stylistiques
propres par lesquelles l'ironie s'exprime: figures d'inversion
(l'antiphrase), d'opposition (l'oxymore), d'atténuation (la litote),
d'amplification (l'hyperbole) ou de transposition (la métaphore).
Nous serons ensuite amenés à vérifier la théorie de Sperber et
Wilson selon laquelle les énoncés ironiques doivent être
interprétés comme des mentions. Nous prolongerons enfm
cette réflexion en montrant que l'ironie d'un narrateur peut se
cacher derrière de simples citations supposées objectives,
c'està-dire que nous étudierons l'ironie dans le discours rapporté.
3
"moi qui, pendant tant d'années, n'avais cherché la vie et la pensée réelles
des gens que dans l'énoncé direct qu'ils m'en fournissaient volontairement,
par leur faute j'en étais arrivé à ne plus attacher, au contraire, d'importance
qu'aux témoignages qui ne sont pas une expression rationnelle et analytique
de la vérité" (111,596)
6CHAPITRE PREMIER
A LA RECHERCHE D'UNE
DÉFINITION DE L'IRONIE
I. Différents sens du mot ironie
"L'ironie est indéfmissable" a dit Jankélévitch; ce qui ne l'a
pas empêché de chercher à la définir. Il serait plus exact de dire
que le mot ironie recouvre plusieurs sens différents. Faisons
donc un tour d'horizon rapide des différents sens de ce mot:
a) L'ironie socratique
"ElpwvEla" en grec signifie "action d'interroger en feignant
l'ignorance". C'était le procédé utilisé par Socrate pour
confondre les sophistes; l'ironie socratique était un moyen de
remettre en question les vérités établies. D'emblée l'ironie
apparaît donc comme un outil de destruction de toutes les
certitudes. Il s'agit d'un procédé pédagogique, l'accession à la
connaissance supposant au préalable de renoncer aux erreurs
passées.
Si cette attitude est poussée jusqu'à ses conséquences
extrêmes, elle peut aboutir au scepticisme généralisé, que l'on a
parfois qualifié d'ironie cosmique ou tragique. C'est celle que
l'on rencontre dans les tragédies grecques, lorsque l'existence
humaine y est présentée comme insignifiante: l'homme est le
jouet des dieux ou d'un destin malveillant qui semble se
complaire à le mettre à l'épreuve, à déjouer toutes ses tentatives
pour atteindre le bonheur auquel il aspire.
7b) L'ironie, figure de rhétorique
Les rhéteurs latins ont retenu, de l'ironie socratique, la
notion de feinte, de déguisement de la pensée. Ils ont traduit le
plus souvent "ElpwVEla" par "dissimulatio". Pour eux, l'ironie
est une figure consistant à dire le contraire de ce que l'on pense
pour se moquer. Cette définition sera reprise par la plupart des
linguistes; c'est celle que l'on retrouve chez Fontanier et dans le
Littré. Elle se maintient encore de nos jours, le Robert
défmissant l'ironie comme une "manière de railler, de se
moquer (de quelqu'un ou de quelque chose) en disant le
contraire de ce qu'on veut faire entendre." Nous reviendrons
plus loin sur cette définition qui, sous sa simplicité apparente,
n'est pas sans poser quelques problèmes.
c) L'ironie de distanciation
D'une manière générale, on parle d'ironie toutes les fois
qu'apparaît une instance qui met en doute ou nie ce que fait ou
dit une autre personne.
L'émetteur peut également retourner cette forme d'ironie
contre lui-même; l'ironie consiste alors à ne pas se prendre au
sérieux, à mettre en doute ou à nier aussitôt ce que l'on vient de
dire ; elle suppose un dédoublement entre l'instance qui parle
ou agit et celle qui juge; c'est l'attitude de Swann se moquant de
lui-même. C'est aussi fréquemment l'attitude du narrateur de La
Recherchequand il se moque du jeune Marcel (et donc de
luimême quand il était jeune).
d) L'ironie dans la Littérature
Cette instance peut être un personnage à qui l'auteur
délègue ce rôle. Ainsi, dans les comédies grecques, ce petit
personnage appelé "ElpwV" qui ne cesse de questionner cet
autre personnage appelé "aÀa{wv", qui est un fanfaron enfenné
dans ses certitudes.
On le ret

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