Naître à cinquante ans
304 pages
Français

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Naître à cinquante ans , livre ebook

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Description

Elle ne sait pas qui elle est. Elle n'a jamais eu vingt ans, ni trente, ni quarante. Elle n'a pas d'âge. Elle arrive tout juste au monde. Elle vit dans un sac de peau avec une personne qui lui est totalement inconnue. Mais qui est donc Lady Kimberley ? Qui se cache derrière ce nom d'emprunt ? Encouragée par un collègue médecin, une jeune infirmière joue les détectives privés pour lever le mystère autour de cette quinquagénaire, bien étrange pensionnaire de l'hôpital. Obsédée par la vie et la mort, persuadée d'avoir un fils quelque part... Folle à lier ? Alzheimer ? Amnésique ? Autour d'une véritable énigme vivante, Maurice Vinot bâtit avec minutie un puzzle fascinant au pays de la mémoire. Alliant le mystique au psychologique, de l'enquête à l'hypnose, de l'Australie au cœur de l'Inde, il signe une quête identitaire surprenante, parfois déroutante, toujours passionnante.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2014
Nombre de lectures 23
EAN13 9782342028928
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0032€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait












Naître à cinquante ans



Du même auteur



Aimer en doulce France,
Éditions Publibook, Roman, 2009 Maurice Vinot










Naître à cinquante ans






















Publibook Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook :




http://www.publibook.com




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IDDN.FR.010.0114417.000.R.P.2009.030.40000




Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2014




Naissance de Merilee



— Frenchie ? Vite !

Je me précipite… Chambre huit.
Dawn, de sa torche, balaie un lit et me désigne un tas
informe sur le parquet, un cadavre mal ligoté dans les plis
de son suaire, un Christ chu au pied de sa croix.
Nous tirons un paravent derrière nous et allumons une
lampe. La scène change : une vieille tombée de son lit, la
tête la première. Le tronc a suivi et les fesses et une jambe.
L’autre est restée suspendue au drap. Le tableau offre
quelque ressemblance avec une mise bas où l’animal
nouveau-né encore rattaché à la vulve maternelle étouffe dans
son placenta. Une flaque s’étale sous l’aïeule laquelle,
tordue, distendue, les yeux clos, respire à peine.
Nous la délivrons.
La voici bientôt sur un lit propre, pareille à un gisant
sur son tombeau. La paupière cache une prunelle de lapin
mort.

— Qui est-ce ?
— Un col du fémur. Classique.

Dawn emporte le linge sale. Des deux autres lits un seul
est occupé ; il en monte une respiration régulière. Je
regagne le bureau des infirmières où ma collègue me rejoint.
Elle me transmet les consignes, pressée de retrouver
gosses et mari :

— Rien de particulier, m’assuret-elle.
9 Ma garde de nuit commence…
J’achève ma première ronde dans la chambre huit.
Dawn a attaché la vieille dame. Je me penche sur son
visage ; un masque mortuaire. Je saisis une main froide.
Non, elle n’est pas morte… Passera-t-elle la nuit ?

Je songe à la mort de ma grand-mère, là-bas, en France,
à l’hôpital de Granville, dans des conditions semblables,
avec une prothèse de hanche toute neuve.

— Je veux rentrer chez moi, ne cessait-elle de répéter à
ses enfants.

Et, eux de répliquer invariablement :

— Soigne-toi d’abord. Mange pour récupérer des
forces. Mange pour réapprendre à marcher ! Sois
raisonnable ! Aide-nous un peu.
— Je n’ai pas faim.
— La nourriture te déplaît-elle ?
— Rien ne passe…
— Nous t’apporterons ce que tu veux. Que désires-tu ?

Long effort de ma grand-mère pour imaginer ce qu’elle
aurait pu désirer alors que rien ne la tentait.

— Rien, soupirait-elle, d’un ton d’enfant fautif.

Je me représente les mines diversement découragées de
mes parents, oncles et tantes, leur énervement, leur conseil
de guerre…
Ils s’étaient souvenus de ses plats préférés et, rois
mages de Normandie, lui avaient apporté leurs offrandes :
sanglier au vin, lotte à l’américaine, mousse glacée aux
fraises.
Elle n’osait les décevoir. C’était une courageuse vieille
10 dame que ma grand-mère ; elle s’efforçait honnêtement
mais sanglier, mousse, lotte, même en minuscules
quantités, lui empâtaient la bouche tandis que deux larmes
échappées au contrôle de sa volonté coulaient sur les joues
que j’aimais tant.

— Elle se butte, murmurait tante Agathe avec sa bonne
foi de Bécassine.

Les autres essayaient gentiment de remettre un peu
d’ordre dans son cerveau, âgé, donc forcément désaxé !

— Tu as été opérée mais tu n’es pas malade. Nous
t’assurons que tu ne l’es pas ! Nous crois-tu capables de te
mentir ? Non ? Alors qu’est-ce qui t’empêche de manger ?
Nous te ramènerons chez toi, chez nous, à ton choix, dès
que tu tiendras sur tes jambes. Promis ! Allez, Mamie, une
bouchée ? Rien qu’une ? Pour la Petite qui est en
Australie ?

— Je veux rentrer chez moi.

La vieillesse, quel naufrage ! se disaient-ils. Les bras
leur en tombaient du corps.

Et ma grand-mère qui comptait quatre enfants et onze
petits-enfants est morte seule à l’hôpital, une nuit comme
celle-ci, en pleurant sa maison qu’on lui refusait.

— Elle est morte d’une fracture du fémur, se répéta la
famille, sincèrement navrée qu’elle soit morte… en bonne
santé, en quelque sorte. D’une fracture du fémur !
Concevez-vous cela ? Avec la constitution qu’elle avait, elle
aurait pu durer quinze à vingt ans de plus, davantage
peutêtre !
Cela se passait le mois dernier. Je suis arrivée trop tard.
11 La famille s’était dispersée. Chacun de son côté
commençait à oublier « Mamie ». Et voici que je la retrouve
dans cette chambre huit de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu à
Melbourne !

Je déboucle les sangles de la prisonnière. Ses membres
se détendent. Dans le visage émacié, inexpressif, les yeux
s’entrouvrent. Des yeux qui ne savent plus accommoder,
des yeux qui ne voient plus.

— Hé ! Non, petite mère ! On ne me le fera pas à moi
le coup de la mamie qui meurt en bonne santé ! Je vous
reconduirai chez vous, dans mes bras si nécessaire. Chez
vous ! M’entendez-vous ? Remuez ce que vous pouvez,
mais, saperlipopette, montrez-moi que vous pigez ! (Ma
thérapeutique verbale demeure sans effet)

— Puis-je vous aider ?…
— Hein ? Vous ! Que faites-vous ici ?

Dans le halo de la veilleuse se tient un spectre en robe
de chambre. Une grande femme à la bouche sévère, au
menton volontaire. Sa physionomie ne m’est pas
totalement inconnue. Pourtant je suis certaine de ne l’avoir pas
rencontrée au cours de ma ronde.

— Que me voulez-vous ?
— Me reconnaissez-vous ?

L’ai-je croisée dans un autre service ? J’hésite.
Elle s’avance dans la lumière et s’offre pleinement à
ma vue.
— Quel est votre nom ?
— Je suis Lady Kimberley.
— Je ne connais personne de ce nom.
12 — Et si j’avais changé de nom ? Si vous me
connaissiez sous un autre nom ?

Ses yeux pâles, inquiétants, bleuâtres, me détaillent.

— Je sais où vous m’avez vue ! Regardez-vous, là,
dans ce miroir ! Regardez-vous ! Regardez – moi !

Nos deux reflets nous contemplent. Se ressemblent-ils ?
Non. Un visage auquel j’ai fini par m’habituer, le mien…
Un visage étrange, le sien.

— Mon visage fut le vôtre il y a vingt ans. Le vôtre,
dans vingt ans, sera le mien.

J’ai affaire à une folle.

— Nous en discuterons demain matin. Regagnez votre
chambre et reposez-vous.
— On a mis une chambre d’infirmière à ma
disposition… Je dors peu. Si je puis vous être utile…

Elle se rapproche du lit de la moribonde, se penche sur
elle, l’examine longuement, cliniquement. Silence
interminable qui me tient en alerte. Elle effle

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