Chronique d une aventure surréaliste III
192 pages
Français

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Chronique d'une aventure surréaliste III , livre ebook

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192 pages
Français

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Description

Cette chronique en quatre volumes n'obéit qu'au temps de la poésie. Loin de rendre compte d'une banale activité quotidienne, ces journaux placés délibérément sous le signe ascendant sont comme une vaste plage imaginaire sur laquelle s'inscrivent, à la manière des laisses déposées par la mer, les traces du flux et du reflux des jours et des nuits. Ce long récit permet de croiser des personnes et des thèmes récurrents - Nerval, Hölderlin et les romantiques allemands, André Gaillard, Joë Bousquet, André Breton et les surréalistes qui furent des amis proches de l'auteur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 8
EAN13 9782296480018
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chronique d’une aventure surréaliste
DU MÊME AUTEUR

Introduction à la lecture de Benjamin Péret (Le terrain vague)
René Crevel (Seghers, « Poètes d’aujourd’hui »)
Carrefour des errances (Éric Losfeld, »Le désordre »)
La Voix pronominale (Ellébore)
Ah ! vous dirai-je maman ! (Ellébore)
Bonjour Monsieur Courtot ! (Ellébore)
Victor Segalen (Henri Veyrier)
Le Ferouer (Ellébore)
Léautaud (Artefact)
Une Épopée sournoise (José Corti)
Rivages et mirages d’un promeneur, Gilles Ghez (Galerie Pascal Gabert)
Journal imaginaire de mes prisons en ruines (José Corti)
L’Obélisque élégiaque (François Bourin)
Les Pélicans de Valparaiso (le cherche midi)
La Barre d’appui (Manière noire)
Je de mots (Bari, Italie, Crav. B.A.Graphis)
Les Ménines (le cherche midi)
Ouvrages collectifs
Discours (Plasma)
Benjamin Péret (Henri Veyrier)
Biaise Cendrars (Henri Veyrier)
Debenedetti sur l’outre-vif (Ellébore)
Du surréalisme et du plaisir (José Corti)
Lettres à la cantonade, de Pierre Schumann Audrycourt (Éric Losfeld)
André Breton ou le surréalisme, même (L’Âge d’homme)
Jean Schuster, Une île à trois coups d’aile (le cherche midi)
Jean Bazin, Figures de proie (Le Grand Tamanoir)
Jérôme Duwa, 1968, année surréaliste (Imec éditeur)
Traduction en collaboration avec l’auteur
La Plaisanterie , de Milan Kundera (Gallimard)
Claude Courtot


Chronique
d’une aventure
surréaliste

III


L’Harmattan
Illustration de couverture :
Jean-Marc Debenedetti, Les Héritiers du Majorat , 1978


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56898-3
EAN : 9782296568983

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Journal 34 janvier ~ février 2005
3 janvier
Je rêve cette nuit que je suis toujours professeur à Janson-de-Sailly : les retrouvailles avec mes anciens collègues, dans la salle des professeurs, angoissante, me sont particulièrement pénibles. Un peu plus tard, je rends un devoir corrigé dans le plus grand désordre, noté avec une rare désinvolture, à ces élèves des classes préparatoires aux Hautes Études Commerciales, ces fameux « commerciaux » auxquels j’ai dispensé en effet mon enseignement pendant des années et que je finis par mépriser si intensément que je dus abandonner ces classes. De toute la population scolaire que j’ai connue, ces futurs chefs d’entreprise, cadres supérieurs, banquiers, sont ce qui existe de plus odieux. Non seulement ils sont abrutis mais ils possèdent déjà toutes les tares qui leur permettront de briller dans les professions auxquelles ils se préparent. Rien n’est plus répugnant que la jeunesse lorsqu’elle se pare de l’abjection adulte. Les conditions de mon rêve étaient impitoyables : je devais encore enseigner dans ces classes pendant une dizaine d’années. Cette seule idée me rendait malade. Rarement le démenti que le réveil infligea à cet affreux destin me parut plus fortifiant !
Sans doute dois-je ce cauchemar à la lecture de quelques merveilleuses pages de Thomas Bernhard avec lequel j’entretiens une étroite complicité lorsqu’il dénonce l’horreur de la nation autrichienne qui n’est évidemment pas pire que la porcherie française : « La plupart de nos professeurs sont des créatures minables, qui semblent s’être donné pour tâche de barricader la vie de leurs élèves et de la transformer, finalement et définitivement, en une épouvantable déprime… Les professeurs sont les suppôts de l’État et si, comme dans cet État autrichien d’aujourd’hui, il s’agit d’un État complètement rabougri moralement et intellectuellement, d’un État qui n’enseigne que grossièreté et pourriture et chaos dangereux, naturellement aussi les professeurs sont intellectuellement et moralement rabougris, et grossiers et pourris et chaotiques. » ( Les Maîtres anciens )

4 janvier
J’ai retrouvé l’allusion de Nerval à Fichte, dans l’étrange récit des Nuits d’octobre , publiées en 1852, cette double errance dans la nuit de la réalité qui conduit le poète de Paris à Meaux puis Senlis, et dans la lumière du rêve où un chœur de gnomes s’emploie à nettoyer son cerveau de dangereux fantasmes d’auberge : « Le moi et le non-moi de Fichte se livrent un terrible combat dans cet esprit plein d’objectivité. Si seulement il n’avait pas arrosé la bière de Mars de quelques tournées de punch offert à ces dames !… » Rêve dont Nerval est éveillé par le chant du coq : « Restons, et tirons-nous de cet affreux mélange de comédie, de rêve et de réalité. » Avant de conclure : « Voilà l’histoire de trois nuits d’octobre, qui m’ont corrigé des excès d’un réalisme trop absolu ; j’ai du moins tout lieu de l’espérer. »

6 Janvier
J’ai aujourd’hui 66 ans.
« Comment l’homme peut-il fêter un anniversaire, et le sien, ai-je toujours pensé, alors que le seul fait d’être au monde n’est autre qu’un malheur, oui, ai-je toujours pensé, si les hommes instituaient une heure du souvenir le jour de leur anniversaire, en quelque sorte une heure du souvenir, en mémoire du forfait commis à leur endroit par leurs géniteurs, pour cela j’aurais de la compréhension, mais tout de même pas pour un jour de fête ! a-t-il dit. » (Thomas Bernhard Les Maîtres anciens )
Je ne pense pas que le fait d’être au monde soit un malheur. En tout cas pas pour moi, qui ne peux prétendre que mon existence a été malheureuse. Mais il est certain que je n’ai jamais aimé la vie. Aujourd’hui plus que jamais je m’efforce, dans ces laisses, de souligner les joies que j’ai éprouvées ou que je connais encore – grâce à la musique, la poésie, l’art et à la présence de quelques êtres chers – de témoigner de tout ce qui fait que ma vie malgré tout valait la peine d’être vécue. Je ne peux pourtant gommer ce malgré tout. Je ne regrette pas d’avoir vécu. Mais je soutiens que cela aurait été aussi bien de ne pas naître. Ma vie ne m’apparaît ni nécessaire ni suffisante.
Au mieux je puise une sorte de bonheur de vivre dans une existence plurielle, plus vaste que la mienne, constituée d’autres destins, de Cornélius Gallus à quelque ami du salon Viardot, en passant par Hölderlin et Hubert Robert… Je tisse ainsi un filet poétique qui me préserve de la chute dans le néant.

12 janvier
Je me délecte à la lecture de Thomas Bernhard dont la critique corrosive m’enchante, d’autant plus que son excès montre assez que cet homme ne désespère pas de tout, quoi qu’il dise : quelle santé ne faut-il pas avoir pour ainsi jusqu’à la fin – comme en témoignent sa dernière pièce Place des héros , ou son ultime récit Extinction – se maintenir à la hauteur d’une telle protestation ! Je m’en sens, pour ma part, bien incapable !
Quelle jolie exécution du pantin Heidegger : « Heidegger, ridicule petit-bourgeois national-socialiste en culotte de golf… un faible penseur préalpin, selon moi, tout juste fait pour la potée philosophique allemande… Heidegger est un bon exemple de la façon dont une mode philosophique qui, un jour, a conquis toute l’Allemagne, il n’en reste rien qu’un certain nombre de photos ridicules et un certain nombre d’écrits beaucoup plus ridicules encore… » ( Les Maîtres anciens )
Toutefois l’œuvre de Bernahrd est, à mes yeux, cruellement dépourvue de la dimension poétique. Si la critique virulente est saine, si cette haine m’aide à respirer dans le monde puant où nous vivons, il manque le coup d’aile qui permet de regagner l’azur. Seul le surréalisme peut assouvir mes deux exigences vitales. Nettoyer les écuries d’Augias, oui, mais avec les eaux pures du torrent qui descend de la montagne sublime.

13 janvier
Dans ses Mémoires d’un surréaliste (1968) Maxime Alexandre, celui qui de tous les surréalistes connaît sans doute le mieux le romantisme allemand, auquel il a consacré de nombreux travaux, parce que l’allemand était sa langue maternelle, je relève cette curieuse remarque : « Breton n’aimait pas la musique, surtout pas la musique dite « classique ». Seule l’opérette, moins que cela, un auteur d’opérette, Jacques Offenbach, trouvait grâce devant lui. Il acheta un gramophone rien que pour écouter des extraits d’« Orphée aux Enfers », toujours le même disque, sans se lasser, et en se tordant chaque fois de rire.
Quand j’étais roi de Béotie-i-e,
i-i-i-i-i-i-i-i-i-i-i-ie…
Un rapprochement me vient à l’esprit, l’

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