Lécole du prieuré..................................................................... 3
Toutes les aventures de Sherlock Holmes ..............................55
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Lécole du prieuré
Il na pas manqué dentrées et de sorties dramatiques, sur notre petite scène de Baker Street, mais je ne puis rien me remémorer daussi soudain et daussi inattendu que la première apparition du docteur Thorneycroft Huxtable, licencié ès lettres, docteur en philosophie, etc. Sa carte, qui semblait trop petite pour porter tout le poids de ses distinctions académiques, le précéda de quelques secondes et puis il parut en personne si vaste, si pompeux et si compassé quil était lincarnation même de la maîtrise de soi et de sa solidité. Et pourtant, son premier geste, quand la porte se fut refermée derrière lui, fut daller en chancelant sappuyer à la table, doù il glissa à terre, de sorte que cette majestueuse silhouette se retrouva prostrée, sans connaissance, sur notre tapis de feu en peau dours.
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Nous nous étions levés dun bond et, pendant quelques instants, nous contemplâmes avec une silencieuse stupeur cette emphatique épave qui venait nous parler don ne savait quelle subite et fatale tempête survenue quelque part au loin, sur locéan de la vie. Puis Holmes lui logea un coussin sous la tête et moi du cognac entre les dents. Le pesant visage, tout pâle, était couturé des rides du souci ; les poches, sous les yeux clos, avaient des teintes de plomb ; la bouche molle sabaissait douloureusement aux coins et le menton pendant nétait pas rasé. Chemise et col portaient les souillures dun long voyage et les cheveux dépeignés se hérissaient sur le crâne bien modelé. Cétait un homme fort éprouvé que celui qui gisait devant nous. Quest-ce que cest, Watson ? me demanda Holmes. Un épuisement total peut-être simplement la faim et la fatigue, dis-je, lindex sur le pouls qui, presque imperceptible, révélait que le flux vital était mince et menu.
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Un billet de retour pour Mackleton, dans le nord de lAngleterre, dit Holmes en lextrayant du gousset du malade. Il nest pas encore midi. Il est certes parti de bien bonne heure ! Les paupières plissées commençaient à papilloter et bientôt deux yeux gris, lair égaré, nous regardaient. Un instant plus tard, lhomme était debout, le visage cramoisi de confusion. Pardonnez cette faiblesse, monsieur Holmes ; je suis un peu surmené. Volontiers, si je pouvais avoir un verre de lait et un biscuit cela irait tout de suite mieux, jen suis sûr. Je suis venu moi-même, monsieur Holmes, pour être certain que vous repartiriez avec moi. Je craignais que nul télégramme ne vous convainquît de lurgence absolue de laffaire. Quand vous serez tout à fait remis Je me sens très bien, maintenant. Je ne comprends pas comment jai pu ainsi tomber de faiblesse. Je désire, monsieur Holmes, que vous preniez avec moi le prochain train pour Mackleton. Mon collègue, le docteur Watson, peut vous dire combien nous sommes pris pour linstant. Je suis retenu dans cette affaire des documents Ferrers et on va juger lassassinat Abergavenny. Il faudrait un événement très important pour mappeler hors de Londres. Important !(Notre visiteur leva les bras au ciel.) Vous navez pas entendu parler du rapt du fils unique du duc dHoldernesse ? Quoi ? le fils de lancien Premier ministre ? Exactement. Nous avons essayé que la presse nen parle pas, mais il y avait un écho dansLe Globedhier soir. Je pensais quil avait pu vous venir aux oreilles.