Lettre du 7 août 1675 (Sévigné)
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Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 13-30).
425. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN..
eÀ Paris, mercredi 7 août.
Quoi ! je ne vous ai point parlé de saint Marceau en vous parlant de sainte
[1]Geneviève ! Je ne sais pas où j’avois l’esprit. Saint Marceau vint prendre sainte
Geneviève jusque chez elle ; sans cela on ne l’eût pas fait aller : c’étoient les
orfèvres qui portoient la châsse du saint ; il y avoit pour deux millions de pierreries :
c’étoit la plus belle chose du monde. La sainte alloit après, portée par ses
[2]enfants , nu-pieds, avec une dévotion extrême. Au sortir de Notre-Dame, le bon
saint alla reconduire la bonne sainte jusques à un certain endroit marqué, où ils se
[3]séparent toujours mais savez-vous avec quelle violence ? Il faut dix hommes de
plus pour les porter, à cause de l’effort qu’ils font pour se rejoindre ; et si par hasard
ils s’étoient approchés, puissance humaine ni force humaine ne pourroit les
séparer : demandez aux meilleurs bourgeois et au peuple ; mais on les en
empêche, et ils font seulement l’un à l’autre une douce inclination, et puis chacun
s’en va chez soi. À quoi pouvois-je penser de ne vous point conter toutes ces
merveilles ?
Pour votre équipée du feu de saint Jean-Baptiste, je ne puis y penser sans que la
sueur m’en monte au front. Quelle folie en l’état où vous étiez ! quelle foule ! quelle
chambre ! quel échafaud ! Ma bonne, je ...

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Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis Hachette, 1862(pp. 13-30).
425. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN..
e À Paris, mercredi 7août.
Quoi ! je ne vous ai point parlé de saint Marceau en vous parlant de sainte [1] Geneviève !Je ne sais pas où j’avois l’esprit. Saint Marceau vint prendre sainte Geneviève jusque chez elle ; sans cela on ne l’eût pas fait aller : c’étoient les orfèvres qui portoient la châsse du saint ; il y avoit pour deux millions de pierreries : c’étoit la plus belle chose du monde. La sainte alloit après, portée par ses [2] enfants ,nu-pieds, avec une dévotion extrême. Au sortir de Notre-Dame, le bon saint alla reconduire la bonne sainte jusques à un certain endroit marqué, où ils se [3] séparent toujoursmais savez-vous avec quelle violence ? Il faut dix hommes de plus pour les porter, à cause de l’effort qu’ils font pour se rejoindre ; et si par hasard ils s’étoient approchés, puissance humaine ni force humaine ne pourroit les séparer : demandez aux meilleurs bourgeois et au peuple ; mais on les en empêche, et ils font seulement l’un à l’autre une douce inclination, et puis chacun s’en va chez soi. À quoi pouvois-je penser de ne vous point conter toutes ces merveilles ?
Pour votre équipée du feu de saint Jean-Baptiste, je ne puis y penser sans que la sueur m’en monte au front. Quelle folie en l’état où vous étiez ! quelle foule ! quelle chambre ! quel échafaud ! Ma bonne, je vous prie de ne m’en plus parler.
[4] Le sermonque vous me fîtes la veille de votre départ ne peut jamais sortir de ma mémoire ; mais comme je ne puis ramener cet endroit sans commencer par vous voir entrer dans ma chambre, et que je n’ai plus cette joie ni cette espérance prochaine, il m’en coûte toujours des larmes ; et quand je médite sur toute cette soirée, le souvenir m’en est d’une amertume que je ne puis encore soutenir. Tout ce que nous fîmes les derniers jours, tous les lieux où nous fûmes, toute la douleur dont j’étois pénétrée, avec une bonne contenance de peur d’attirer vos sermons, tout cela m’arrache encore le cœur. Je repasse tous les temps : nous étions comme à cette heure à Livry, et ainsi de toutes les saisons. L’amitié que j’ai pour vous porte bien des peines et des amertumes avec elle : une absence continuelle avec la tendresse que j’ai pour vous, ne composent pas une paix bien profonde à un cœur aussi dénué de philosophie que le mien ; il faut passer sur ces endroits sans y séjourner. Vous me voyez, ma bonne, et je vois que vous vous moquez de moi.
Je vous ai mandé que je ne pars pas encore. Vous croyez bien que je vous manderai l’adresse de mon nouvel ami de la poste ; il sera plus fidèle que Dubois, et nous aurons deux fois la semaine de nos nouvelles ; mais croyez bien que je [5] n’oublierai pas l’article : mon intérêt y est encore plus que le vôtre: c’est ma vie partout ; mais aux Rochers, ce seroit mourir que de n’avoir pas cette consolation. Je porterai des livres et de l’ouvrage : ces amusements vont bien loin après les [6] soins de notre commerce. Vos lettres sontétranges sur les nouvelles de l’armée, [7] jusqu’à ce que vous ayez su la mort de M. de Turenne. Tout est confondu: il n’y a plus ni Flandre, ni Allemagne, ni petit frère que l’on puisse espérer. Nous verrons dans quelques jours comme tout se rangera, et le train que prendra notre province et M. de Fourbin avec sa petite armée.
Je vous conseille d’écrire à notre bon cardinal sur cette grande mort ; il en sera touché. L’on disoit l’autre jour en bon lieu que l’on ne connoissoit point d’homme au-dessus des autres hommes, que lui et M. de Turenne : le voilà donc seul dans ce point d’élévation. Quand vous aurez passé cette première lettre, croyez-moi, ma bonne, ne vous contraignez point quand il vous viendra quelque folie au bout de votre plume ; il en est charmé : aussi bien la grandeur et le fonds de religion n’empêchent point encore ces petites chamarrures ; il laisse toujours aller les [8] épigrammes au gros abbé. Ce que vous me mandez de d’Hacqueville est plaisant.
Voilà votre Mme de Schomberg maréchale ; elle est fort louable de passer sa vie [9] en Languedoc, pour être plus près de Catalogne; peut-être que sa santé contribue à ce séjour. Ce seroit un joli voyage à M. de Grignan et à la Garde, de
l’aller voir aux eaux. Tout ceci fera sans doute changer de place à son mari.
Le chevalier de Buous est bien content de moi : je suis sa résidente chez M. de Pompone. Guilleragues a fait des merveilles dans saGazette. Je trouve les [10] dernières louanges un peu embarrassées: j’aimerois mieux un style naturel et moins recherché.
Mon fils me mande que la désolation de son armée lui fait comprendre l’excès de celle d’Allemagne ; qu’ils sont pourtant heureux qu’on leur laisse M. de Luxembourg, en leur ôtant Monsieur le Prince. Il me prie d’écrire à ce nouveau général ; je pense qu’il vous en prie aussi. Faites-le, ma petite : vous écrivez si bien. Vous ne sauriez croire le plaisir et l’agrément qui en reviendra à votre frère. La pauvre Mme de Vaubrun est entièrement désespérée de la mort de son mari ; elle fait [11] grand’pitié .M. d’Harouys pleuroit hier à chaudes larmes, et pour sa douleur particulière, et pour celle de cette pauvre femme. Les nouvelles d’Allemagne font [12] toute notre attention. Je vis l’autre jour à la messe le comte de Fiesqueet d’autres, qui assurément n’y ont point bonne grâce. Je trouvai heureuses celles qui [13] [14] n’avoient leurs enfants ni aux Minimes, ni en Allemagne ; c’est-à-dire moi, qui sais mon fils à son devoir, sans aucun péril présentement.
L’autre jour Monsieur le Dauphin tiroit au blanc ; comme votre fils, il tira fort loin du but : M. de Montausier se moqua de lui, et dit tout de suite au marquis de [15] Créquy ,qui est fort adroit, de tirer ; et à Monsieur le Dauphin : « Voyez comme [16] celui-ci tire droit. » Le petit pendard tireun pied plus loin que Monsieur le Dauphin. « Ah ! petit corrompu, s’écria M. de Montausier, il faudroit vous étrangler. » M. de Grignan se souviendra bien de ce petit courtisan ; il nous a conté des choses pareilles.
[17] Vous devriez lire, c’est-à-dire avoir lesCroisades: vous y verriez un Aimar de [18] Monteil, et un Castellane, afin de choisir : ce sont des héros. On veut relire le Tasse quand on a lu ce livre-là.
[19] J’ai vu enfin M. de Péruis: il me paroît passionné pour M. de Grignan et pour vous ; je le trouve honnête homme, il me semble doux et sincère, et point fanfaron. Nous avons causé une heure de toute la Provence, où je me trouvai encore fort savante. Il m’a donné la lettre de M. de Grignan et la vôtre. Elles sont toutes propres à me faire vivre parfaitement bien avec ce monsieur, puisque vous le comptez au nombre de vos amis. Il nommera qui vous voudrez, pourvu que Monsieur de Marseille lui laisse la liberté. Il me paroît bien intentionné aussi pour M. d’Escars. Il est ravi de votre portrait ; je voudrois que le mien fût un peu moins rustaud : il ne me paroît point propre à être regardé agréablement, ni tendrement. La bonne d’Heudicourt est ravie d’une lettre que vous lui avez écrite ; elle peut vous mander de fort bonnes choses et très-particulières : ce commerce vous divertira [20] extrêmement .J’ai fait conter à Péruis comme il vous a trouvée, à quelle heure, en quel lieu : je vous ai bien reconnue dans votre lit comme une paresseuse ; il dit que vous êtes belle, et blanche, et grasse : je n’ai osé le questionner davantage. Il n’y a point de conversation au monde que je puisse préférer à celle d’un homme qui vient de Grignan, et qui me parle de toutes ces choses. Je ne pouvois le quitter.
Je gronderai bien Corbinelli de ne vous pas écrire : quelle sottise ! que peut-il faire de mieux ? Hélas ! je viens d’apprendre que le pauvre garçon a pensé mourir : il a eu des maux de tête à perdre la raison, et la fièvre. Il a écrit son nom au bas d’une lettre, et fait écrire qu’on me vienne dire qu’il n’est pas mort, mais qu’il a été à l’extrémité, et que j’ai pensé perdre la personne du monde qui m’est la plus [21] dévouée ; je voudrois qu’il ne fùt pas si bien justifié auprès de vous. Écrivez-lui une petite amitié, ma mignonne, pour l’amour de moi ; c’est un garçon que j’aime, et qui m’a persuadée de son amitié.
J’ai été à Versailles : je ne sais si je ne vous l’ai point mandé. J’allai avec d’Hacqueville tête à tête. Nous partîmes à trois heures ; nous arrivâmes droit chez M. de Louvois, que nous trouvâmes ; ce bonheur me parut comme de donner droit [22] dans le treize d’un trou-madame. Je lui parlai pour mon fils ; il ne peut avoir ce [23] régiment ,parce que celui qui l’avoit n’est point mort. Il me dit mille choses honnêtes et très-obligeantes ; je lui dis l’ennui que nous avions dans notre guidonnage : enfin tout alla bien. Nous remontâmes en calèche, et nous étions à [24] neuf heuresà Paris. J’ai retourné depuis à Versailles avec Mme de Verneuil, pour faire ce qui s’appelle sa cour. Monsieur de Condom n’est point encore consolé de M. de Turenne. Le cardinal de Bouillon n’est pas connoissable ; il jeta les yeux sur moi, et craignant de pleurer, il se détourna : j’en fis autant de mon côté, car eme sentis fort attendrie. Les dames de la Reine sontrécisément cellesui
[25] [26] font la compagnie de Mme de Montespan; on y joue tour à tour, on y mange ; [27] il y a des musiquestous les soirs. Rien n’est caché, rien n’est secret ; les promenades en triomphe : cet air déplairoit encore plus à une femme qui seroit un peu jalouse ; mais tout le monde est content. Nous fûmes à Clagny : que vous dirai-je ? c’est le palais d’Armide ; le bâtiment s’élève à vue d’œil ; les jardins sont faits : [28] vous connoissez la manière de le Nôtre; il a laissé un petit bois sombre qui fait fort bien ; il y a un petit bois d’orangers dans de grandes caisses ; on s’y promène ; ce sont des allées où l’on est à l’ombre ; et pour cacher les caisses, il y a des deux côtés des palissades à hauteur d’appui, toutes fleuries de tubéreuses, de roses, de jasmins, d’œillets : c’est assurément la plus belle, la plus surprenante, la plus [29] enchantée nouveauté qui se puisse imaginer : on aime fort ce boisHier au soir je vis la Garde, qui me dit qu’un homme revenu de l’armée avoit dit au Roi tout [30] naïvement des biens infinis du chevalier de Grignan et de son régiment. Il se porte très-bien jusqu’ici. Dieu le conserve !
Je veux, ma bonne, vous faire voir un petit dessous de cartes qui vous surprendra : [31] c’est que cette belle amitié de Mme de Montespan et de son amie qui voyage est une véritable aversion depuis près de deux ans : c’est une aigreur, c’est une antipathie, c’est du blanc, c’est du noir ; vous demandez d’où vient cela ? C’est que [32] l’amie est d’un orgueilqui la rend révoltée contre les ordres de l’autre. Elle n’aime pas à obéir ; elle veut bien être au père, mais non pas à la mère ; elle fait le voyage à cause de lui, et point du tout pour l’amour d’elle ; elle lui rend compte, et point à elle. On gronde l’ami d’avoir trop d’amitié pour cette glorieuse ; mais on ne croit pas que cela dure, à moins que l’aversion ne se change, ou que le bon succès d’un voyage ne fît changer ces cœurs. Ce secret roule sous terre depuis plus de six mois ; il se répand un peu ; je crois que vous en serez surprise. Les amis de l’amie en sont assez affligés, et l’on croit qu’il y en a deux qui ont senti cet hiver le contre-coup de cette mésintelligence. N’admirez-vous point comme on raisonne quelquefois, et que l’on ne comprend pas les choses ? C’est quand je dis qu’il y a [33] un fil de manqué ; et l’on voit clair quand on voit le dessous des cartes: c’est la plus jolie chose du monde. Il y a une grande femme qui pourroit bien vous en mander si elle vouloit, et vous dire à quel point la perte du héros a été promptement [34] oubliée dans cette maison: c’a été une chose scandaleuse. Savez-vous bien qu’il nous faudroit ici quelque manière de chiffre ?
[35] Je m’envais faire réponse à votre lettre du dernier juillet. Ma bonne, votre commerce est divin ; ce sont des conversations que nos lettres : je vous parle, et vous me répondez ; j’admire votre soin et votre exactitude ; mais, ma très-chère, ne vous en faites point une loi ; car si cela vous fait la moindre incommodité et le moindre mal de tête, croyez que c’est me plaire que de vous soulager ; et sans vouloir exagérer, votre intérêt, votre plaisir, votre santé, le soulagement de quelque chose qui vous peine, est au premier rang de ce qui me tient le, plus au cœur : il faut me croire, le dessous des cartes va encore plus loin.
Je m’en vais commencer par ma santé, ma bonne. N’en soyez point en peine : je [36] [37] vois très-souvent M. de l’Ormechez Mme de Montmor, qu’il ressuscite ; il a fort approuvé ma saignée du pied, et m’a empêchée jusqu’ici de me purger, trouvant que je suis hors d’affaire, et que je n’aurai plus de ces vapeurs de l’année [38] passée C’étoient les adieux de ce qu’on croyoit parti : si peu de malétoit digne de mon bon tempérament. Il me fait prendre de sa poudre avant que je parte, mais ce sera plus par civilité pour lui que par besoin. Si vous lui aviez parlé, vous seriez rassurée sur mon chapitre pour le reste de vos jours et des miens. Fiez-vous donc à lui, ma bonne, et ôtez cette inquiétude des effets de votre tendresse : il vous en reste assez. Pour la proposition d’aller à Grignan, au lieu d’aller en Bretagne, elle m’avoit déjà passé par la tête ; et quand je veux rêver agréablement, c’est la [39] première chose qui se présente à moi que ces jolis châteaux: en reculant un peu celui-ci, il ne sera plus en Espagne ; et le tour que vous me proposez est joli et si faisable, que je m’en vais emporter cette idée en Bretagne, pour me soutenir la [40] vie dansmes bois ; mais pour cette année, mon enfant, l’abbé crie de la proposition en l’air. J’ai des affaires autres que celle de Mme d’Acigné ; j’ai le bon abbé, que je n’aurai pas toujours ; j’ai mon fils, qui seroit bien étonné de me trouver à Lambesc à son retour : je voudrois bien le marier ; mais soyez assurée, ma bonne, que le desir et l’espérance de vous revoir ne me quittent jamais, et [41] soutiennent toutema santé et le reste de joie que j’ai encore dans l’esprit ; il faut [42] donc salertoutes ces propositions.
Je ne sais ce que vous voulez dire, quand vous croyez que l’abbé se mécompte à votre profit. Ma bonne, comptez mieux si vous pouvez. Vous me serrez le cœur en me disant qu’à l’avenir vous prendrez des mesures plus justes pour me payer : que
cela est rude, ma bonne Que trouvez-vous de si extraordinaire, que m’en allant en Bretagne et n’ayant pas besoin d’argent, je remette à l’année qui vient à prendre cet argent? Il est cruel que je ne puisse pas retarder un ridicule payement comme celui-là, quand je n’en ai pas besoin et que je promets de le prendre dans un autre temps. Si nous prenions des juges vous seriez bientôt condamnée, et s’il y avoit un peu plus de confiance dans votre amitié, vous comprendriez bien le déplaisir que vous me donnez. Croyez-moi, ma bonne, vous devriez nous laisser faire : quand le bien Bons’en mêle, vous n’avez rien à craindre ; les nombres et les supputations feront droit, nous reverrons le bienheureux paquet que nous desirons, et puis on aura regret aux gronderies ; mais c’est un des plaisirs de l’éloignement. Pour la pauvre cassolette, vous me paroissez en colère ; cela n’est pas juste. Songez, ma bonne, que celui qui vous la donne, l’a crue très-belle et très-précieuse, et en cette qualité il vous en fait un présent d’amitié ; c’est ce qui s’appelle un souvenir : il faut toujours regarder à l’intention et régler par là notre reconnoissance. Après tout ce seroit une très-belle chose à Grignan, car le dessin en est admirable et à l’imitation d’une antique de Rome ; mais c’est que l’ouvrier n’est pas si habile que ceux de Paris, et vous comprenez bien que dans votre château on n’y regardera pas de si près. C’eùt été une grande rudesse de le refuser. J’ai envoyé vos lettres : nous en voudrions avoir à tout moment du chevalier de [43] Grignan, car jusqu’à ce qu’ils aient repassé le Rhin, nous serons toujours en [44] peine. Voilà la relation du combat de M. de Lorges, où il a fait——— 1675voir qu’il étoit neveu de son oncle. Dieu veuille que nos prospérités continuent ! [45] ce seroit l’ombre de M. de Turenne qui seroit encore dans cette armée. [46] Le comte du Lude est ici ; il est duc : on ne s’attache point à trouver mauvaisson retour ; mais je vous avoue qu’il y a ici de petits Messieurs à la messe, à qui l’on [47] voudroit bien donner d’une vessie de cochon par le nez. Si nous eussions pu [48] troquer notre guidon contre le régiment, à la bonne heure ; mais Mont-Gaillard n’est point mort, et il lui faut de l’argent : c’est ce que me dit M. de Louvois et que j’étais trop habile femme pour acheter un régiment, ne pouvant me défaire de la charge. Lebien Bonespère de restaurer vos affaires. Mme de Saint-Valleri sera marquée : j’ai si bien fait que son joli nez en sera [49] gâté .On ne peut être plus admirable qu’ils sont. Mme de Monaco est toujours [50] vous en voudrez davantage, demandez-les à M. de Boissy: c’est le plus joli garçon du monde, qui pour récompense ne veut que l’honneur d’être nommé dans cette lettre. J’en reçois une de Corbinelli : il est guéri ; il a été très-mal. Ils iront à Grignan : j’en suis bien aise ; vous parlerez de moi, et vous aurez une bonne compagnie. Vous vous moquez de mes questions, quand je vous demande si vous avez été à pied à Pierrelatte. En voici encore une : N’aurez-vous point de cocher ? Êtes-vous bien contente de n’avoir qu’un palefrenier ? J’en mène trois : Lombard, Langevin et [51] la Porte : c’est un meuble qui me paroit fort nécessaire. Adieu, ma très-chère et très-aimable bonne : vous m’aimez ; c’est assurément le [52] dessous de vos cartes, aussi bien que des miennes. Ne croyez point que j’offense ce que j’aime par négliger ma santé : j’en ai un véritable soin pour l’amour de vous, et c’étoit pour vous plaire que j’allois voir M. de [53] l’Orme. J’y trouvai Mme de Frontenac et la Divine, et la Bertillac, qui y loge, et qui est comme une potée de souris. Cette maison n’est point ennuyeuse ; mais ma lettre, qu’en dites-vous ? J’aime à vous parler quasi tous les jours : puisque cela ne vous déplaît pas, et que cela me fait plaisir, quel mal y auroit-il ? Adieu encore, ma très-chère belle, croyez-moi bien véritablement et uniquement à vous. J’embrasse et je baise M. de Grignan, c’est à lui à qui j’envoie l’opéra.
1. ↑LETTRE 425.— Voyez au tome III, la lettre du 19 juillet, p. 518. — IIy a Marceaules éditions de 1726 et de 1734 ; dansMarcel, dans l’édition de 1754. 2. ↑C’est-à-dire par les confrères de Sainte-Geneviève. 3. ↑3. « Où ils se séparèrent. » (Éditions de 1726.) « Lorsqu’on fut arrivé à
Petit-Pont, dit laGazettedu 24 juillet, les châsses de sainte Geneviève et de saint Marcel s’arrêtèrent. On fit incliner ces deux châsses l’une vers l’autre, » et on se sépara. La châsse du saint était gardée à la cathédrale. 4. ↑ Ce paragraphe ne se trouve que dans les éditions de 1726. Nous le laissons à la place qu’il a dans celle de la Haye., Voyez plus loin p. 24, la note 35 5. ↑Nous avons suivi pour cette phrase le texte de l’édition de la Haye (1726), avec ses irrégularités et ses répétitions. Les autres éditions ont, ce semble, plus ou moins de marques de retouche et de correction. 6. ↑Sontest la leçon de la Haye ; Perrin y a substituéseront. Si l’édition de la Haye a bien reproduit l’original, il y a une forte ellipse, mais assez naturelle dans le style épistolaire : « Vos lettres sont étranges….et le serontjusqu’à ce que vous ayez su…. » 7. ↑Le texte de Rouen (1726) est ici tout différent, mais ne s’accorde point avec les lettres précédentes : « Toutes les lettres de l’armée sont bien étranges ; mais aussi, ma bonne, quelle foudroyante nouvelle ! Vous allez apprendre la mort (hélas ! aurai-je la force de vous l’écrire ? ), la mort de M. de Turenne. Tout est confondu, etc. » 8. ↑L’abbé de Pontcarré. 9. ↑ M. de Schomberg étoit de la promotiondes huit maréchaux de France créés le 30 juillet dernier ; il commandoit alors en Catalogne. (Note de Perrin, 1754.) 10. ↑Il s’agissoit d’un éloge de M. de Turenne, qui fut mis dans la Gazette de France, à l’occasion de sa mort. (Note de Perrin.) Guilleragues avait la direction de la Gazette. (Note de l’édition de 1818.) Voyez cet éloge de Guilleragues, à la p. 582 de la Gazette, numéro du 3 août, et au tome III de la Correspondance de Bussy, p. 75. 11. ↑ Nicolas de Bautru, marquis de Vaubrun, l’un des deux lieutenants de Turenne. Sa femme était Bautru et sa nièce. Il fut tué au combat d’Altenheim, er le 1août, quatre jours après la mort de Turenne. Sa mort fut glorieuse : « Vaubrun lui-même, le pied cassé et la jambe sur l’arçon, chargea à la tête des escadrons comme le plus brave homme du monde qu’il étoit, et y fut tué. » (Mémoires de la Fare, tome LXV, p. 221.)— Voyez laGazette17 du août. 12. ↑Voyez la lettre du 24 juillet précédent, tome III, p. 5 2 5. 13. ↑ C’est-à-dire à la messe des Minimes de la Place-Royale, ou Mme de Sévigné alloit ordinairement. (Note de Perrin.) — Cette église a été abattue après le 18 fructidor. 14. ↑C’est le texte de 1726 et de 1734. Dans l’édition de 1754 : « J’ai voulu dire moi. » 15. ↑François-Joseph, alors âgé de treize ans, colonel du régiment de la Fère en 1677, et du régiment d’Anjou en 1680, puis lieutenant général il fut tué à Luzzara, le 15 août 1702. « C’étoit le seul fils du feu maréchal de Créquy et gendre du duc d’Aumont, sans enfants. Sa probité ni sa bonté ne le firent regretter de personne, mais bien ses talents à la guerre, où il étoit parvenu à une grande capacité par son application et son travail sa valeur étoit également solide et brillante, son coup d’œil juste et distinctif. Tout se présentoit à lui avec netteté, et quoique ardent et dur, il ne laissoit pas d’être sage. C’étoit un homme qui touchoit au bâton et qui l’auroit porté aussi dignement que son père. Il avoit été fort galant, et on voyoit encore qu’il avoit dû l’être. Avec cela beaucoup d’esprit, plus d’ambition encore, et tous moyens bons pour la satisfaire. » (Saint-Simon, tome III, p. 431, 432.) 16. ↑« Le petit cependant tira…. » (Édition de la Haye,1726.) Deux lignes plus bas, au lieu des mots : « Il faudroit vous étrangler, » on lit dans la même édition : « Vous en savez trop. » 17. ↑L’Histoire des Croisadesdu P. Maimbourg. Voyez laNotice, p. 164, et la fin de la lettre du 14 septembre suivant. 18. ↑Blanche Adhémar de Monteil épousa Gaspard de Castellane en 1498. Leur fils, Gaspard de Castellane, fut héritier de Louis Adhémar de Monteil, comte de Grignan, son oncle, lequel étant mort sans postérité, le substitua aux nom et armes d’Adhémar ; en sorte que les comtes de Grignan, qui ont porté depuis le nom d’Adhémar de Monteil, et qui sont éteints aujourd’hui, étoient de la maison de Castellane. (Note de Perrin.) 19. ↑ Voyeztome III, p. 320, note 6. —Dans ce paragraphe, le passage qui commence à : « Il m’a donné la lettre, » et finit à : « M. d’Escars, » n’est que dans l’édition de la Haye (1726). 20. ↑Ce membre de phrase n’est que dans l’édition de 1754. Au commencement du paragraphe suivant, au lieu des mots : « de ne pas vous écrire : quelle sottise ! » on lit dans l’édition de la Haye (1726) : « de ne pas vous écrire quelques sottises. » 21. ↑« Auprès de moi. Écrivez-lui, ma mignonne, cent amitiés. » (Édition de la
Haye, 1726.) 22. ↑« C’est, dit Richelet, une sorte de jeu de bois, composé de treize portes et d’autant de galeries, auquel on joue avec treize petites boules. » 23. ↑ Le régiment de Champagne : voyez au tome III, la lettre du 24 juillet précédent, p. 525 ; voyez aussi, un peu plus bas, la note 48 de cette lettre-ci. 24. ↑« A huit heures. » (Édition de 1734.) 25. ↑Dans l’édition de 1734 : « deQuanto, » et en note :chiffre; dans celle de 1754 « de Madame de M. T. P. » Le nom est imprimé en entier dans les éditions de 1726. 26. ↑« On y joue à tout. » (Édition de la Haye, 1726.) 27. ↑C’est le texte de Rouen (1726) et de 1734. L’édition de la Haye (1726) porte : « Il y a de la musique ; » celle de 1754 : « Il y a des concerts. » 28. ↑Dans l’édition de Rouen (1726) : « du Nostre ; » avec cette note : « Célèbre pour les jardins. C’est lui qui a fait les jardins de Vaux, aujourd’hui Villars, et les Tuileries et Versailles. » L’édition de la Haye remplace le nom, dans le texte de la lettre, par trois étoiles, et commence ainsi la note : « Un nommé le Nostre. » Voyez tome III, p. g, note 13. 29. ↑Il ne reste plus rien de ce chef-d’œuvre de le Nôtre et de Jules Hardouin Mansart. » Voyez Walckenaer, tome V, p. 195 et 124. — « Le château était à un point que traverse aujourd’hui le boulevard de la Reine, à Versailles ; les jardins.… s’étendaient jusqu’à l’embarcadère actuel du chemin de fer de la rive droite. Il y avait un étang qui a été desséché au dix-huitième siècle. » (Dictionnaire de biographie et d’histoirede MM. Dezobry et Bachelet.) 30. ↑Dans la relation du combat d’Altenheim, publiée par laGazettedu 17 août, le régiment du chevalier de Grignan est mentionné plusieurs fois avec éloge, et notamment pour avoir vers la fin de l’action, de concert avec deux autres régiments, enlevé sept pièces de canon, après avoir taillé en pièces deux escadrons et quelque infanterie. « Le chevalier de Grignan fit prendre et conduire à notre camp une de ces pièces ; et on y eût mené les autres, si les cavaliers n’eussent coupé les traits pour emmener les chevaux. » 31. ↑Mme de Maintenon, qui était alors aux eaux de Baréges. — « Le duc du Maine avait eu pendant sa dentition des convulsions qui lui avaient raccourci une jambe. Il fut décidé qu’on conduirait le jeune prince à Anvers pour consulter un médecin renommé de cette ville. Françoise d’Aubigné prit le nom de marquise de Surgères, et partit incognito avec son élève. Elle arriva à Anvers au milieu d’avril 1674. De là elle écrivit à Mme de Montespan et au Roi, et revint s’installer à Versailles. Le jeune prince revint d’Anvers plus boiteux qu’il n’était avant de partir, ce qui nécessita deux voyages à Baréges, qui eurent le plus heureux succès. Dans ces deux voyages, Mme de Maintenon rendait compte de la santé du prince au Roi et à sa mère. C’est par cette correspondance que Louis XIV put apprécier tout l’esprit et le talent d’écrire de Mme de Maintenon. » (Walckenaer, tome V, p. 240, 241.) — Voyez encore au même tome du même ouvrage, p. 428 et 446 ; et aux pages 423 et 424 une lettre de Pellisson, datée du 3 juin 1675, où il est parlé du passage du duc du Maine à Bordeaux, et d’une lettre de huit à dix pages que Mme de Maintenon écrivit alors au Roi. — Perrin, au lieu de Mme de Montespan, et, quatre lignes plus loin, del’autre, qu’on lit dans les éditions de 1726, donneQuanto-va, etQuanto. 32. ↑« D’une hauteur. » (Édition de Rouen, 1726.) 33. ↑« C’est dans ces occasions que je dis qu’il y a un fil manqué. On ne sait où l’on en est, et l’on ne voit clair que quand on vous montre le dessous des cartes. » (Ibidem.) 34. ↑La grande femme est Mme d’Heudicourt, dont Mme de Sévigné a parlé un peu plus haut. Le héros sitôt oubliédans cette maison(à la cour) est Turenne, haï de Louvois, et peu aimé du Roi. — Voyez, sur tout ce passage, l’avant-dernier alinéa de la lettre du 21 août suivant, p. 77 et 78. 35. ↑Dans l’édition de Rouen (1726), ce qui suit, jusqu’à : « pour me soutenir la vie dans mes bois (p. 25), » forme une lettre à part, mise sous la date du 8 août 1675, et à laquelle se rattachent trois paragraphes placés plus haut (p. 16, 17 et 14) dans notre édition : « Je vous conseille d’écrire à notre bon cardinal, etc. Le chevalier de Buous, etc. Le sermon que vous me fîtes, etc. » 36. ↑ Surle vieux de l’Orme, voyez la lettre du 3 février et la note du 11 mars 1676. 37. ↑Marie-Henriette de Buade de Frontenac, femme de Henri-Louis Habert de Montmor, de l’Académie française (mort doyen des maîtres des requêtes le 21 janvier 1675). Elle mourut le 28 octobre 1676. Voyez tome II, p. 138, note 14, et tome III, p. 389, note 4. 38. ↑« Si peu de chose. » (Édition de1734.) 39. ↑ « Que ce joli château. » (Édition de la Haye, 1726.) Celle de Rouen supprime les mots : « en reculant un peu celui-ci, il ne sera plus, » et rattache en Esa neàchâteaux.
40. ↑« Pour me soutenir l’âme. » (Édition de la Haye, 1726.) 41. ↑« M’inquiète plus que jamais, et soutient, etc. » (Ibidem.) 42. ↑C’est-à-dire les ajourner, les mettre en réserve pour les exécuter plus tard. L’édition de la Haye ajoute à cette phrase : « pour les retrouver. » Cette même édition est la seule qui donne les deux paragraphes suivants. 43. ↑« Jusqu’à ce que notre armée ait repassé le Rhin. » (Édition de Rouen, 1726.) 44. ↑ Guy-Aldonce de Durfort, comte de Lorges, depuis duc et maréchal de France, étoit fils d’Élisabeth de la Tour de Bouillon, sœur de M. de Turenne. (Note de Perrin.) Voyez tome III, p. 537, note 17. 45. ↑L’édition de Rouen (1726) ajoute : « et qui la conduiroit. » 46. ↑C’est le texte de la Haye et des deux éditions de Perrin. Celle de Rouen a la leçon suivante : « On n’a pas seulement imaginé de trouver mauvais. » 47. ↑ Comme fait Triboullet,nazardantavec Panurgela vessie de porc bien enfléequ’il a reçue de lui. Voyez Rabelais, livre III, chap. XLV. 48. ↑ Charles-Maurice de Percin, colonel durégiment de Champagne depuis 1673, frère puîné du marquis de Mont-Gaillard.— Voyez ci-dessus, p. 20, et la note 23.— Probablement le bruit avait couru que Mont-Gaillard était mort. À la journée d’Altenheim, le régiment, comme nous l’apprend laGazette du17 août, n’était pas commandé par lui, mais par le sieur de Bréval, qui fut tué dans le combat. Toutefois si le poste alors n’était pas encore vacant, il ne tarda pas à l’être (voyez plus loin, p. 140). Vers le milieu de septembre 1675, le Roi donna le régiment de Champagne au sieur de Bois-David : voyez la Gazette, p. 688. — À la place du nom propreMont-Gaillard, on lit dans l’édition de la Haye (1726) :mon gaillard. 49. ↑Perrin a ici de plus ces mots : « Je suis comme vous : je fais grâce à l’esprit en faveur des sentiments. » — Voyez la lettre du 12 août suivant, p. 46, et les autres passages indiqués à la note 10 du 26 juillet précédent, tome III, p. 530. 50. ↑Louis-Urbain Lefèvre de-Caumartin, mort sous-doyen du conseil d’État, le 2 décembre 1720. Il portait, du vivant de.son père, le nom de la terre de Boissy en Brie. (Note de l’édition de1818.) 51. ↑Ce paragraphe n’est que dans l’édition de la Haye (1726). 52. ↑Tel est le texte de la Haye et de la première édition de Perrin (1734). Dans sa seconde (1754), le chevalier a ainsi éclairci la phrase : « Comme la véritable tendresse que j’ai pour vous est le dessous des miennes. » Voyez plus haut, p. 23. 53. ↑Mlle d’Outrelaise. (Note de Perrin, 1734.)— Voyez an tome II les notes 5 et 6 de la p. 192.
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