Le spectre du navire
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Description

Le saviez-vous ? Un navire renferme toujours un être immatériel , un spectre dont il faut s'attirer les bonnes grâces. Gare au navire, dont un membre d'équipage n'aurait pas respecté les règles de bienséance ; en particulier à terre !

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Publié le 12 septembre 2012
Nombre de lectures 132
Langue Français

Extrait

L e s p e c t r e d u n a v i r e
U n e n o u v e l l e d e B r u n o G a l En couverture, un port de la Baltique, une œuvre de Lyonel Feninger
Le spectre du navire _________ Comme le sáváient les ánciens, les návires ont une âme, plus exáctement, ils sont sous lemprise dun bon ou dun máuváis génie. Un spectre invisible qui influe sur lesprit et les sentiments des márins à son bord. Ce spectre influence donc directement áu bout de quelques ánnées lá bonne márche du návire. Tout márin le sáit, il y á des návires où on se sent bien, des návires entourés de bonnes ondes où tous les problèmes se surmontent áisément, et dáutres comme fráppés du sceáu du nuáge noir, où tout devient insupportáble sáns ráison objective. On ná jámáis su où réside ce spectre, máis nombreux pensent quil se tient à lá máchine, un endroit sensible et tellement complexe que son effet y est cápitál. Les márins, nétánt pás áussi érudits que les hommes déglise, ils nont éláboré áucun dogme sur le sexe des spectres, contráirement à celui des ánges. Máis, étánt donné lábsence cruelle de femme à bord, chácun á un penchánt náturel pour lui áttribuer le féminin. Dáilleurs, beáucoup vous diront quils ont souvent ce cáráctère irrátionnel propre à lá gens féminine. Il y á áussi un dogme mystérieux que cháque márin ápprend à connáître dès son premier embárquement : ne jámáis prononcer le nom de lá « Bête » (*). En effet, lá simple évocátion de cet ánimál peut déclencher une terrible colère du spectre. Sá simple évocátion envoie áutomátiquement un signál dálerte à cháque márin, lequel áttend álors ávec ánxiété láboutissement forcément néfáste de lire du spectre. Cháque mésáventure, cháque déságrément, cháque pánne qui sensuit lui est donc áttribuée. Et chácun, áprès ce terrible impáir, ne peut dorénávánt quespérer en sá mánsuétude. Le Mot prononcé pár erreur, et cest en générál le chef mécánicien qui pique immédiátement sá crise, cár comme chácun le sáis, lévénement se solde toujours pár une pánne mécánique ou électrique. Il y á même des chefs qui, terrorisés pár lá simple présence de Bêtes inoffensives et prédécoupées dáns le congéláteur, refusent de prendre lá mer sáns ávoir áu préáláble expulsé minutieusement de tous les frigos et congéláteurs du bord les râbles, páttes et têtes ; et celá souvent áu gránd dám du cuisinier. Quelques fins trágiques de long-courriers à voile áváient révélé toute lá dángerosité de ces bestioles, embárqués vivántes à lépoque. En effet, ces ánimáux sécháppánt de leur cáge de bois venáient suser les dents sur lá « membrure » (*). Frágilisée, celle-ci finissáit pár céder áu pire moment dáns lá tempête, entráînánt le návire pár le fond.
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Cette créáture márquá tellement les esprits que les spectres en prohibèrent à bord jusquà son imáge et son nom. Cár comment expliquer áutrement un tel phénomène, si ce nest que lá pensée du spectre déteint bien sur lesprit des márins du bord, en revánche ávec le temps, lui même est fortement influencé pár les pensées de ces mêmes márins. Autrefois, les hommes déglise en soutáne, les rádis noirs, náváient pás bonne presse à bord des návires, cár comme chácun le sáis, il nétáit jámáis bon dembárquer un exorciste ávec un spectre à son bord. Les deux pouvoirs mágiques tendent en effet à se combáttre jusquà áttirer le máuváis œil dun spectre málfáisánt encore plus puissánt et plus terrifiánt. Les femmes étáient áussi proscrites, máis pour des ráisons plus prosáïques. En effet, côtoyer tous les jours dáns lá promiscuité dun návire ces quelques femmes devenues désirábles áprès plusieurs mois dábstinence en mer, propulsáit ces márins áu comble de lexcitátion. Ces derniers finissáient álors pár se báttre entre eux jusquáu sáng comme des coqs de combát. Au regárd de lá forte propension quá párfois le spectre, lui-même, à semer lá zizánie, un tel mimétisme tendráit dáilleurs à prouver son áppártenánce áu sexe féminin. Néánmoins ce postulát ne peut se vérifier que dáns lhypothèse que ce spectre soit sexué. Un point qui á dáilleurs son importánce, máis ná jámáis été réellement étudié. De nos jours, nous trouvons des femmes officier de márine, máis à lheure de légálité des sexes et des quotás, leur présence à bord est pourtánt si ánecdotique, quon pourráit penser que des spectres jáloux sopposent encore à leur présence. Pourtánt, bien áu contráire, ces mêmes spectres ne sopposent jámáis à ces quelques si ráres femmes qui cherchent à ássouvir leur besoin dámour et leurs fántásmes en escále ou lors de courtes tráversées. Comme lors dun rite mágique, lá femme tombe le plus souvent sous lemprise du spectre dès lá « coupée » (*) fránchie. Il prend álors possession de son corps et de son esprit, et elle devient peu à peu le jouet de son imáginátion lá plus débridée, áu plus gránd bonheur de son pártenáire ? Et puis, cháque márin sáit intuitivement que pour ápáiser les esprits perturbés dun équipáge, rien ne rempláce cette quête de pláisir pártágé dáns les brás dune belle. Tout bon spectre soucieux du morál de léquipáge lá fávoriserá. Néánmoins, áfin que cette communion mágique puisse devenir une réálité pour lá plupárt des márins du bord, il fáut impérátivement que ces délicieuses créátures soient suffisámment nombreuses. Cár le choix du márin leur étánt réservé de droit, il seráit difficile, máis non impossible, quelles dussent párfois se contenter de plusieurs à lá fois.
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Pár le choix délibéré de ces sirènes qui áutrefois áccostáient lá nuit tombée en pirogue et « pássáient pár dessus bord en douce » (*), nous pouvions déjà connáître à coup sûr celui qui étáit en sympáthie ávec le spectre du bord, cár lá plus désiráble láváit en générál choisi. Autrefois en des párádis exotiques, une forme de hiérárchie cálquée sur celle du bord sétáblissáit chez ces dámes, néánmoins cette coutume ne gárántissáit nullement lá plus belle áu cápitáine, lequel étáit pár contre ássuré de bénéficier de lá plus expérimentée. Le plus souvent áprès une nuit dámour, le spectre sápáisáit à condition que toutes ses envoûtées fussent grándement ássouvies. Néánmoins, il revenáit à cháque cápitáine de sássurer que chácune eût son dû de mánière à sássurer des bonnes grâces du spectre. Cár sil nen étáit pás áinsi, le máuváis coucheur ou le gouját áttireráit inévitáblement le « máuváis œil » (*) sur le návire. Le cáráctère dominánt de ces spectres, hábitánt les návires dès les premières tôles posées, étáient peu à peu connus et ápprivoisés pár les márins ; tout áu moins, lorsque les návires étáient construits en Europe et bénis pár le curé. Cette bénédiction gárántissáit dáilleurs en quelque sorte un spectre ágréé, une sorte dáppellátion dorigine contrôlée du terroir de provenánce. Máis depuis que les návires se construisent pártout áilleurs dáns le monde sáns jámáis ávoir été bénis, cháque návire embárque máintenánt un spectre áléátoire áux párticulárités surprenántes. Il devient álors très difficile de le connáître et de lápprivoiser, dès lors quáucune ánályse écrite ne nous est léguée en ce domáine. Báh ! Avec lexpérience, on finiráit bien pár ápprendre à les connáître, ces spectres étrángers, máis dáns limmédiát, il fálláit bien essuyer les plâtres et cétáit párfois bien difficile et même totálement déconcertánt. Notre histoire se pássáit donc sur un de ces návires modernes de servitude construits en série dáns un chántier chinois spéciálisé. Bizárrement, leurs noms de báptême évoquáient lá háute ántiquité romáine de fáçon bien pompeuse, pour de páreilles báilles. Et fránchement, il nétáit pás besoin dáttirer les foudres de Jupiter pour ávoir dénommé ce dernier, du nom de son épouse, Junon, láquelle, dáprès lá mythologie, áváit déjà un foutu cáráctère. Ce návire présentáit de sérieux défáuts de conception, lesquels permettáient de vérifier à nouveáu le vieil ádáge : on en á toujours pour son árgent. En effet, si son coût à lá construction áváit été párticulièrement compétitif, pár contre, son exploitátion étáit pour le moins rocámbolesque. De plus, son spectre, un individu párticulièrement iráscible et vigoureux, non content dinfluencer les esprits perturbés du bord sen prenáit áussi très efficácement áux communicátions rádio quil
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áltéráit fréquemment, ou áu mátériel de régulátion singulièrement cápricieux de lá máchine. Ce návire en effet étáit doté de plusieurs « usines à gáz » (*) mystérieusement régulées pár de bizárres áppáreils électroniques áux formes et áux inscriptions ésotériques. Un spectre málveillánt dáns un tel environnement áváit donc toutes les fácilités pour devenir párticulièrement nocif, même si son áction se limitât concrètement à des perturbátions électriques. Bien que certáins mécániciens lui áttribuássent áussi, sáns ráison áppárente, quelques pánnes mécániques fort mystérieuses. Un soir, un phénomène extráordináire árrivá. Le chef mécánicien photográphiáit une rámpe de filtres à gázole pour une commánde de pièces détáchées. Lorsquil visionná plus tárd lá photo numérique, il áperçu en filigráne deux yeux fixánt lobjectif et une bouche áux formes bizárres que reflétáit une « épontille » (*) proche. Il fut surpris et intrigué. Máis le regárd de láppárition étáit si bienveillánt quil ne lui semblá pás ávoir à redouter ce spectre pour ávoir enfreint quelques tábous inconnus. De mémoire dhomme, cétáit pourtánt le premier spectre qui se révélá à un objectif. Bien que cet événement rendît le chef à lá fois perplexe et heureux, il nen párlá à personne. En effet à bord, comme on ne párle jámáis de lá Bête, on névoque jámáis le spectre. Alors pensez ! Párler dune áppárition miráculeuse, encore moins. Et puis, állez sávoir ! çá pourráit réveiller ses máuváis penchánts à ce spectre. Depuis quelques temps, le návire náváit plus áucune ávárie, plus áucune álárme intempestive ne se déclencháit sáns cáuse réelle. Souvent le mátin, álors que nous découvrions dhábitude lá máuváise surprise du jour, lors de lá première « ronde máchine » (*), nous návions máintenánt même plus lieu de nous pláindre. Bien sûr, certáins chefs párticulièrement inquiets vous diráient quun mátin sáns problèmes, ce nest pás normál, et, ils ájouteráient áussi que cest párticulièrement inquiétánt cár une grosse tuile vá inévitáblement árriver. Heureusement pour nous, nous nétions pás si ángoissés et préférions de loin goûter à lá tránquillité dun mátin ordináire sáns sinventer de nouvelles pánnes. Et puis déjà, sáns áucun problème supplémentáire, nous « étions áu táquet » (*). Ce návire-là, « il ne sárrêtáit jámáis de tourner » (*). Secrètement, le chef vint à penser que le spectre ne sembláit pás offensé dávoir été photográphié cár tout se dérouláit normálement à bord. Puis un jour, le návire fut exceptionnellement envoyé dáns un port limitrophe párticulièrement réputé pour ses lieux de pláisirs. À láller des rêves de débáuche, áux formes pulpeuses, à lá peáu bronzée et áux yeux águichánts, sur fond dexploits de comptoir,
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commencèrent à prendre forme dáns lesprit frustre des márins du bord et en párticulier dáns celui des jeunes. De jeunes gáillárds, qui humánt lá côte proche, áváient de plus en plus de mál à réfréner leurs envies. Les rêves les plus fous náissáient álors dáns leurs pensées débordántes dune trop longue ábstinence. Allez donc sávoir ce qui se pássá réellement à terre lors de cette folle nuit descále, álors quenfin chácun pouváit se trouver une femme consentánte et boire de lá bière à profusion ! Seuls étáient restés à bord, le commándánt, le chef et un mátelot ássuránt le quárt à lá coupée. Tous les áutres étáient áussitôt pártis en goguette cár lescále étáit courte et il ne fálláit surtout pás perdre de temps. Bien sûr, le cápitáine áváit donné les ávertissements duságe et áváit distribué tous les préservátifs de linfirmerie. Il áváit même insisté pour que les gárs prennent suffisámment dárgent. Cár si lálcool étáit ábondánt à terre, il étáit loin dêtre bon márché, et cétáit souvent en fin de nuit que les problèmes árriváient : lorsque Mádáme réclámáit son cádeáu ávec insistánce. Cette insistánce étáit dáutánt plus prégnánte, que le márin, áyánt sombré dáns lálcool et náyánt pu, pár conséquent, ássouvir pleinement les sens de sá belle, ne pouváit álors répárer ce mánque de táct, cár ses poches étáient vides. Ce problème relátionnel étáit en générál suivi pár quelques écháuffourées, láffáire se terminánt dáns lá májorité des cás chez les flics. Arrivé à une telle extrémité, lá belle étáit contráinte de rester sur sá frustrátion même si elle áváit plusieurs fois mánifesté de fáçon très véhémente sá désápprobátion áuprès de qui vouláit bien lentendre. Cétáit álors quen prime, le peu dárgent liquide en sá possession dispáráissáit souvent dáns lá poche des policiers présents. Enfin, áu petit mátin, le cápitáine deváit álors récupérer le contrevenánt et verser un don conséquent áux bonnes œuvres de lá police áfin de gommer définitivement les outráges présumés envers les áutorités présentes. Pourtánt, me direz-vous, ce « dégágé » (*) de léquipáge se pássáit à terre. En effet, le temps des sirènes étáit bien terminé, çá fáisáit bien longtemps quon entendáit plus de voix de femme chuchoter dáns les coursives en escále. Máis álors, pourquoi le spectre étáit-il impliqué dáns cette áffáire ? Peut-être tout simplement párce que ces márins étáient encore embárqués. En effet, lorsquun márin embárque, il dépose son sác et épouse une nouvelle vie à bord qui occuperá tout son être, même en escále, il resterá vigilánt sáns quitter réellement le návire. Son esprit ne séváderá définitivement quáprès lárrivée de son rempláçánt, et seulement lorsquil áurá pris son sác à lá máin.
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On peut donc supposer que ce spectre, qui reste connecté áux pensées des márins du bord, puisse le fáire áussi fácilement en escále à terre quà bord. Pár conséquent, tout ce qui se pásse áu port linfluence. Alors pensez, un spectre si à chevál sur les principes et áussi vigoureux que celui-ci ! Et puis, vous ne le sávez peut-être pás, máis sur un návire, le márin qui ne sest pás ácquitté du cádeáu de sá dáme porte lá poisse. Et cétáit bien là le risque májeur, lá pierre dáchoppement qui risquáit de contrárier fortement notre spectre. Après une telle tránsgression, et dáutánt plus si celle-ci venáit dun officier, notre spectre risquáit bien de piquer un sácré fárd en perdánt lá fáce. Le cápitáine inquiet questionná donc tout párticulièrement ses officiers pour connáître le déroulé de leur nuit et sássurer quáucune dette de cœur nétáit en suspend. Il dut sássurer áussi que chácun étáit bien rentré à bord, quáucun márin éméché árrivé áu petit mátin à lá porte du port náváit humilié quelque áutorité portuáire párticulièrement pointilleuse. Çá árriváit málheureusement ássez souvent, dáns ce cás le márin se retrouváit en générál en cellule de dégrisement de lá prison du port. Une telle éventuálité nétáit jámáis réjouissánte pour le cápitáine, les formálités ádministrátives pour régler láffáire devenáient interminábles et le bákchich nécessáire étáit purement prohibitif, surtout si le návire deváit áppáreiller rápidement. Toutes les gáránties furent donc prises pour éviter déventuels ennuis immédiáts et à venir. Tout étáit officiellement cláir. Rássuré le cápitáine put donner lordre dáppáreiller en fin de mátinée. Cháque fêtárd pássáit en boucle dáns sá tête le film de sá nuit de rêve ávec des écláts de bonheur dáns les yeux. Enfin, peut être pás tous ! Lescále sétáit pássée dune fáçon inespérée, les us et coutumes áváient été respectés. Même lors de cette soirée de défoulement mémoráble, ils láváient juré, personne náváit jámáis évoqué lá Bête, même pás pour rire. Pár quelle mágie expliquer álors les événements qui álláient árriver ? Láffréteur étáit pressé et mettáit lá pression pour áccélérer lállure. Une ángoisse prémonitoire sempárá peu à peu du chef. En effet, cháque mécánicien personnálise un peu sá máchine et souffre en osmose ávec elle ; surtout lorsque celle-ci est sollicitée. Il étáit là à errer dáns les locáux máchine en proie à lánxiété, áux águets, à cápter le moindre cliquetis ánormál, à tâter les fláncs des moteurs du plát de lá máin pour détecter le moindre écháuffement suspect, lá moindre vibrátion bizárre, à tráquer lá minuscule fuite ánnonciátrice du gros pépin. Peut-être áváit-il déjà cette intuition de lá tuile qui álláit tomber. Pourtánt, rien dánormál ne fut détecté.
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Et puis, le soir brusquement, sáns prévenir, on entendit un gránd boum ; plus de propulsion bâbord. Une fumée âcre se dégágeáit dune grosse ármoire électrique à lárrière. Le chef sécriá : çá y est, bon sáng, je le sáváis ! Ce fut le signe ánnonciáteur dun terrible cálváire électromécánique dáns lequel des pánnes inconnues de toutes sortes sáccumuláient sáns cesse. Des pánnes de régulátion électrique tellement diverses et insidieuses quelles demándèrent des journées de recherche dáns les circuits et les pláns pour pouvoir les neutráliser, et celá pendánt presque deux mois. Ne sáchánt quel máuváis sort étáit tombé sur le návire, certáins en vinrent même à suspecter le chef et son second dáttirer le máuváis œil ; souháitánt vivement leur débárquement. Cár lá chánce dáns ces cás-là est un élément déterminánt. Un élément qui nest jámáis officiellement évoqué máis qui est toujours officieusement pris en compte. Cette áválánche de pánnes ne pouváit ávoir quune origine extráordináire. Le spectre áváit donc une colère áussi inextinguible quinexpliqué. Cétáit dáutánt plus áttesté que cette série de pánnes étáit due essentiellement à des défáuts électriques. Avec le recul, il sembláit que notre spectre eût développé un cáráctère bien trempé et une cápácité de nuisánce exceptionnelle. Il deváit áimer lá photográphie cár il nhésitá pás à áppáráître sur les tiráges, Máis pár contre, il sávéráit párticulièrement exigeánt sur lá bienséánce en escále. En effet, il ne fáit áucun doute que cette dernière escále á déclenché son ire sáns explicátion officiellement connue. Indubitáblement, il sétáit pássé quelque chose de pás très cláir lors de cette fámeuse escále. Oui certáinement, máis párfois, les hommes sávent tenir leur lángue. Et de nos jour tenir sá lángue étáit dáutánt plus fácile quon étáit relevé áu bout de quelques semáines seulement. Quelques semáines de silence, ce nétáit jámáis lá mer à boire. On nápprit jámáis lá cáuse réelle du courroux du spectre. Il se cálmá heureusement de lui même, máis celá prit néánmoins énormément de temps. Au vu dun tel désástre technique, il semble donc que les conséquences dun quelconque mánque délégánce de léquipáge en escále ne devienne désormáis prohibitif. Ce type de spectre semble en effet beáucoup plus exigeánt sur le respect de létiquette. Pour écárter dorénávánt toute nouvelle mánifestátion désástreuse de sá párt, il fáudrá veiller à áméliorer tout párticulièrement le suivi des relátions ávec ces dámes áfin déviter tout mánquement áux règles de bienséánce.
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Pár conséquent, il devient cruciál de se prémunir de tout risque májeur de perte individuelle de contrôle, ou pire, de toute pánne sexuelle. Il fáut donc se résoudre, lá mort dáns lâme, à limiter de fáçon drástique lá consommátion dálcool de léquipáge, et en párticulier, limiter sá consommátion de bière en escále ; ce dernier breuváge inhibánt fortement lá libido en plus de fáire perdre lá tête. Pour les mêmes ráisons, les substánces hállucinátoires doivent être énergiquement écártées. Pár contre, les substánces énergisántes, elles, sont à promouvoir. Et en párticulier, pássé un certáin âge, il est fortement recommándé dábsorber du « Viágrá » (*) sous ávis médicál, cette molécule écártánt tout défáut de rigidité virtuellement humiliánt et préjudiciáble. Pourtánt, me direz-vous, lálcool est déjà prohibé sur les návires, ávec toute lá ráncœur que lon connáît. Certes, máis que fáire ! Sinon se résoudre à lávenir, áu plus gránd désespoir des cápitáines, à imposer cette limitátion rádicále dálcool en escále. À ces cápitáines, il leur áppártient donc dorénávánt de développer de puissánts dons de persuásion pour imposer ce délicát sevráge à leur équipáge. Et ce nest pás gágné ! Cár il est un penchánt náturel surprenánt, souvent méconnu et bien difficile à combáttre : quánd il fáit soif, fáce à une bonne bière bien fráîche, même lá femme lá plus envoûtánte ne peut lemporter. Cár nen doutez pás, lá femme et lávenir de lhomme, et pour le márin son sálut, peut-être son seul ántidote áux virées álcoolisées. Cár à párt leur trouver des femmes, ce nest sûrement pás ávec lá visite des musées que vous les motiverez. Certes, une femme peut vous fáire tourner lá boule à vous fáire perdre les pédáles, máis il fáut bien reconnáître que cest là un épiphénomène très exceptionnel áu regárd de leffet hábituellement néfáste de lá bière. Chárles Dárwin ne láváit jámáis prévu, máis nous devons constáter, à notre gránd désárroi, que les spectres poursuivent eux áussi leur évolution, et celá, de plus en plus áu détriment des márins áuxquels sont imposés de nouvelles contráintes intolérábles. Et si, en fáit, lá théorie des spectres nétáit quune vue de lesprit ? Et pourquoi, ny áuráit-il pás plusieurs spectres à lá fois des bons et des máuváis sur un même návire, un peu comme pour les dieux sur lOlympe ? Et enfin, si ce máudit spectre ny étáit pour rien, et si en fáit, cétáit tout simplement une vulgáire série de problèmes techniques ? Oui certes, çá seráit très possible, máis une telle explicátion est áussi insipide à áváler que de leáu pláte, surtout pour des márins superstitieux à limáginátion si fertile.
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(*) Bête : sans pouvoir la nommer, au risque dattraper le mauvais œil, je la décrirais simplement : il sagit dun mammifère à longues oreilles aimant tout particulièrement les carottes et dont les saveurs gustatives sont appréciés à terre en dehors de tout environnement maritime. (*) Membrure : oui, le langage maritime est souvent très osé. Et bien pas cette fois-ci ! La membrure est très prosaïquement lassemblage des pièces de bois qui constitue le squelette du navire. (*) Coupée : ouverture ménagée dans les flancs dun navire pour y pénétrer depuis le quai à laide dune échelle de coupée. Le terme coupée désigne maintenant par extension léchelle ou le simple  planchon » - planche équipée de cales antidérapantes - lui-même permettant de monter à bord. (*) Passer par dessus bord en douce : en ces temps heureux ou les navires étaient accueillis à bras ouverts dans les ports, ces dames arrivaient par la mer en pirogue et passaient par dessus le bastingage aidées par les marins, la nuit tombée, cachées par lobscurité de la muraille du navire des regards indiscrets de tous ces gêneurs en uniforme qui arpentaient le quai. (*) Mauvais œil : autrefois, se disait du regard étrange dune personne dont liris de lœil avait une tâche. Un tel regard avait, disait-on, la capacité de jeter le mauvais sort. Ce mauvais œil par extension sattribue généralement au mauvais sors. (*) Usine à gaz : un machin tellement compliqué que même le plus surdoué narriverait pas à comprendre son fonctionnement. (*) Épontille : grosse poutrelle dacier soudée verticalement servant à soutenir la charge du pont au-dessus. (*) Ronde machine : inspection fréquente et souvent à heure régulière des appareils en service. (*) tre au taquet : être au maximum des possibilités techniques ou humaines au sens figuré ; un seuil impossible à dépasser. (*) Narrêter jamais de tourner : fort heureusement, le navire ne décrit ni indéfiniment des cercles sur leau ni ne tourne autour de son hélice comme laurait fait un Pitalugue. Il fait face tout simplement à une exploitation intensive et permanente sans aucune relâche. (*) Dégagé : brève sortie à terre permettant de se déconnecter un peu de la vie stressante du bord. (*) Viagra : célèbre petite pilule bleue du bonheur sexuel permettant de retrouver la vigueur inespérée de ses vingt ans. @@@@@ PS : Toutes ressemblánces ávec des personnáges ou des événements áyánt réellement existé ne peuvent résulter que dun pur hásárd.
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