Cric-Crac
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Cric-Crac , livre ebook

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Description

Extrait : "A cette époque si décisive de notre révolution où un décret de la Convention osa proscrire les nobles et prononcer la confiscation de leurs biens, nos armées se trouvèrent tout à coup privées de leurs chefs, en face de toute l'Europe, coalisée contre la France républicaine ; et comme jusque là les familles privilégiées avaient seules occupé les grandes fonctions et les hauts grades militaire, il fallut que le gouvernement, lui-même improvisé..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Publié par
Nombre de lectures 35
EAN13 9782335068603
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335068603

 
©Ligaran 2015

Le commandant Catruchon
À cette époque si décisive de notre révolution, où un décret de la Convention osa proscrire les nobles et prononcer la confiscation de leurs biens, nos années se trouvèrent tout à coup privées de leurs chefs, en face de toute l’Europe, coalisée contre la France républicaine ; et comme jusque-là les familles privilégiées avaient seules occupé les grandes fonctions et les hauts grades militaires, il fallut que le gouvernement, lui-même improvisé, songeât à remplir, presque à la même heure, le vide immense que l’émigration venait de produire à la tête de nos cohortes rassemblées à la hâte pour la défense du territoire. Partout ailleurs qu’en France, cet abîme n’eut jamais été comblé. Mais dans notre heureux pays, où les ressources intellectuelles de la société s’élèvent toujours au niveau des plus pressantes nécessités, on est certain de rencontrer des chefs partout où l’on voit jaillir, les soldats.
En moins d’un mois, les quatorze armées que le retentissement des premiers pas de la république avait fait sortir du sol, marchèrent à l’ennemi à la voix des généraux et des officiers qu’elles avaient enfantés en courant à la frontière ; et ces capitaines de la veille, conduisant au feu, qu’elles voyaient pour la première fois, des troupes presque aussi jeunes que leurs drapeaux, soumirent en quelques années de combats, les vieilles phalanges de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie.
Dans l’armée navale, plus particulièrement livrée à la domination nobiliaire, la substitution subite des officiers roturiers aux officiers de l’ancien régime, avait dû rencontrer plus de difficultés encore que dans l’armée de terre.
Le commandement des escadres, qui jusque-là n’avait été exercé que par des hommes dont l’orgueil s’était attache à laisser ignorer à leurs subalternes la science indispensable à la conduite des navires, venait de passer dans les mains des officiers de fortune et des maîtres pilotes, les seuls hommes du Tiers-État à qui l’on eût imposé par besoin d’eux, quelques connaissances astronomiques.
Pour compléter tant bien que mal le nombre nécessaire d’officiers inférieurs, on avait appelé à remplir ces fonctions secondaires les maîtres d’équipage, les maîtres canonnière et les capitaines d’armes que l’on s’était vu réduit à arracher ainsi à leur spécialité pour les affubler d’un grade qu’ils n’avaient jamais osé ambitionner, et auquel, par conséquent, ils devaient n’être que très imparfaitement préparés. Dans cette sorte de cataclysme d’avancement, une seule des classes qui composent ce qu’on appelle à bord des vaisseaux, la maistrance , avait été oubliée ou exceptée malgré les prétentions excessives qu’elle affichait, à cette époque singulière où l’opinion publique et les besoins du moment autorisaient si aisément le ridicule de toutes les folles ambitions. Le corps des calfats du port de Brest, vivement indigné qu’on eût convié des maîtres charpentiers et jusqu’à des maîtres voiliers, à faire partie des états-majors dont on lui avait fermé l’accès, résolut, dans un jour de colère, d’adresser une plainte au comité de salut public, pour reprocher au citoyen ministre de la marine, l’exclusion injurieuse dont il s’était permis de frapper une des corporations les plus utiles au service des vaisseaux et des arsenaux de la république une et indivisible.
Avant de formuler leur énergique réclamation, les membres de cette confrérie savante, jugèrent à propos de se réunir dans la salle où siégeait ordinairement le club des démocrates finistériens, les plus avancés en extravagance. L’assemblée, présidée par le doyen des calfats émérites du port, fut nombreuse et devint fort confuse. Plusieurs des assistants proposèrent divers projets d’adresse.
L’un des chefs de la corporation, que ses collègues citaient comme une des gloires du calfatage, malgré le pédantisme de son érudition un peu trop romaine, prit la parole dans ce grave débat et demanda à lire à l’honorable et docte compagnie, la remontrance respectueuse, mais ferme, dans laquelle il croyait avoir exposé succinctement les justes griefs de ses confrères. Le président, après avoir consulté les cinq ou six membres qui l’assistaient au bureau dans ses burlesques et imposantes fonctions, invita maître Catruchon à vouloir bien communiquer à l’assemblée le croquis d’adresse qu’il avait préparé pour la circonstance solennelle qui venait de réunir, comme en un faisceau de licteurs, les plus illustres calfats de la France régénérée.
Maître Catruchon ayant tiré de la poche de son large habit à basques, le papier qu’il avait, dès la veille, noirci de sa prose un peu calleuse, procéda en ces termes à la lecture de son œuvre, au milieu du recueillement et du silence de tout son auditoire :

AU CITOYEN
PRÉSIDENT DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC,
LES CITOYENS CALFATS, DU PORT DE BREST,
soussignés , – Honneur et respect .
Citoyen,
Tu dois être juste comme Caton, et nous sommes molestés comme autrefois Coriolan. Ne nous force pas à aller chercher justice dans le camp des Volsques. Attention : voici nos plaintes, écoute, réfléchis et réponds.
Nos escadres manquaient d’officiers après la désertion des nobles. Toutes les branches de la maistrance ont reçu des épaulettes comme s’il en pleuvait, excepté les maîtres calfats, que le citoyen ministre de la marine a traités comme jadis les patriciens et les aristocrates traitaient le peuple et les esclaves. Tu le sais pourtant, toi, citoyen président, jamais les coutures du vaisseau de la république n’ont eu besoin de l’étoupe du patriotisme, sans que les calfats n’aient pris le fer du dévouement pour les boucher et les rebattre avec le maillet de la liberté… Et, cependant, qu’a-t-on fait pour nous qui avons tout fait pour l’État ? On nous saborde de dégoûts et d’humiliations, pendant qu’on calfate les autres, d’honneurs et de galons sur toutes les coutures. Dix places, vingt places d’enseignes et de lieutenant sont encore vides à bord des vaisseaux du peuple souverain ; qu’on nous les donne, nous les remplirons, c’est notre envie ; ou nous les boucherons, c’est notre état… Ou, si on ne nous les donne pas à remplir ou à boucher… Le citoyen ministre de la marine est homme, et il n’y a que cent cinquante lieues du club de la rue de Siam à celui des Jacobins de Paris. Comprends-nous, si tu veux, et lui aussi, pour nous épargner d’aller nous-mêmes faire couler sous ses yeux et sous son propre nez, le brai encore brûlant de notre juste indignation.
Salut et fraternité,

LES CALFATS DE BREST.
À l’audition de cette supplique furibonde, les plus enthousiastes hurlèrent d’admiration. À la troisième lecture, l’orateur fut enlevé et porté en triomphe au moment où il allait prononcer pour la cinquième ou sixième fois, la phrase retentissante, symbolisant les coûtures du vaisseau de ta république, bouchées par l’étoupe du patriotisme avec le maillet de la liberté . Jamais, en assemblée délibérante, la métaphore politique n’avait obtenu un succès aussi étourdissant, ni remporté une victoire aussi populaire. L’adresse, goûtée avec transport, ou plutôt dévorée avec rage, fut portée aux nues à l’unanimité des voix, moins celle de son impassible auteur ; et dix jours après qu’on l’eut envoyée à Paris, le chef du district maritime de Brest recevait l’ordre d’élever dix maîtres calfats ou seconds maîtres-calfats, au grade d’enseigne de vaisseau, pour servir à bord des bâtiments de l’une et indivisible république française. Il serait assez inutile, je crois, d’ajouter qu’au nombre des heureux que devait faire cette promotion, l’éloquent Catruchon se trouva placé en première ligne, comme une des plus précieuses acquisitions que pût faire le corps des officiers de vaisseau. Après avoir accepté avec toutes les cérémonies qu’il était d’usage d’essuyer en pareil cas, la nouvelle dignité que venait de lui accorder le ministre de la marine, en attendant que son mérite personnel justifiât une telle faveur, l’enseigne Catruchon rentra chez lui fastueusement harnaché de to

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