Épisode de l histoire de Russie
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Épisode de l'histoire de Russie , livre ebook

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Description

Extrait : "Ivan IV, tsar et grand-duc de Russie, mourut en 1584, après un long règne. Les étrangers, ses contemporains, l'ont surnommé le Bourreau ; les Russes l'appellent encore Ivan le Terrible. Pour ses sujets seulement, il fut terrible, car ni les Polonais ni les Tartares ne le virent sur un champ de bataille. Ce n'était qu'un tyran grossier et cruel, qui se plaisait à répandre le sang de ses propres mains." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Publié par
Nombre de lectures 25
EAN13 9782335076615
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335076615

 
©Ligaran 2015

I
Ivan IV, tsar et grand-duc de Russie, mourut en 1584, après un long règne. Les étrangers, ses contemporains, l’ont surnommé le Bourreau ; les Russes l’appellent encore Ivan le Terrible . Pour ses sujets seulement, il fut terrible, car ni les Polonais ni les Tartares ne le virent sur un champ de bataille. Ce n’était qu’un tyran grossier et cruel, qui se plaisait à répandre le sang de ses propres mains. Pourtant un certain respect populaire demeure attaché à sa mémoire : sous son règne, souillé de tant de crimes, les Russes commencèrent à entrevoir leurs hautes destinées, et mesurèrent leurs forces naissantes, rassemblées et déjà organisées par son despotisme. Les peuples, comme les individus, ne conservent pas un souvenir amer des jours d’épreuve qui ont développé leur énergie et mûri leur courage.
Ivan laissait deux fils, Fëdor et Démétrius, dont le premier, âgé de vingt-deux ans, lui succéda. Le second, né en 1581, était issu d’un septième mariage d’Ivan, contracté au mépris des canons de l’église grecque, qui ne reconnaît pas d’union légitime après le quatrième veuvage. Malgré cette circonstance, le titre de tsarévitch ne fut pas contesté à Démétrius, et déjà même on le considérait comme l’héritier présomptif de la couronne, la santé débile de Fëdor faisant craindre qu’il ne mourût sans postérité.
Le caractère du nouveau tsar contrastait singulièrement avec celui de son père. Doux et timide comme un enfant, dévot jusqu’à la superstition, Fëdor passait ses journées en prières, ou bien à se faire lire et commenter de pieuses légendes. On le voyait sans cesse dans les églises, et souvent il se plaisait à sonner lui-même les cloches pour appeler les fidèles aux offices. – « C’est un sacristain, disait Ivan le Terrible, non pas un tsarévitch. » Lorsqu’il faisait trêve à ses exercices de piété, Fëdor s’enfermait avec ses bouffons, ou bien, du haut d’un balcon, il regardait ses chasseurs combattre contre des ours. Pour un esprit si faible, les soins du gouvernement étaient insupportables ; aussi s’empressât-il de les remettre à un de ses favoris, le boyard Boris Godounof, son beau-frère. D’abord il lui donna la charge de Grand Écuyer, attachant à ce titre des attributions considérables et un pouvoir immense. Bientôt après, par un aveu public de sa propre incapacité, il le nomma Régent de l’empire. Personne n’était plus propre que Boris à devenir le maire du palais de ce roi fainéant. Actif, infatigable, plus éclairé qu’aucun de ses compatriotes ; rompu aux affaires et connaissant les hommes, on lui accordait toutes les qualités d’un grand ministre. Bien qu’il fût d’une naissance médiocre, car il descendait d’un mourza tartare, il prit placé de bonne heure aux conseils de l’empire, où il gagna la faveur d’Ivan, sans l’acheter pourtant par des bassesses. On dit que lorsque, dans un accès de frénésie, Ivan frappa le tsarévitch, son fils aîné, d’un coup mortel, Boris seul osa tenter de retenir son bras et de sauver le jeune prince. Il cachait son ambition sous les dehors de la piété et d’un attachement sans bornes à la patrie et à son souverain. Naturellement grave et austère, d’une figure noble et d’une taille avantageuse, il imposait le respect aux boyards jaloux de son autorité, et lorsque le tsar se montrait au peuple accompagné de son ministre, chacun sentait que ce n’était pas sur le trône qu’il fallait chercher le maître de l’empire.
Le règne d’Ivan n’avait pu lasser la patience des Russes ni ébranler leur fidélité. Boris les soumit à une nouvelle épreuve. À la domination brutale et capricieuse d’Ivan il fit succéder un despotisme intelligent mais tracassier, qui prétendait régler l’intérieur de chaque famille aussi bien que les affaires de l’État. Rudes et grossiers encore, les Moscovites ne pouvaient sentir les avantages de l’exacte police que Boris voulait fonder dans tout l’empire. Pour eux, le désordre était comme une preuve d’indépendance qu’ils chérissaient, et dont Ivan ne les avait pas dépouillés malgré sa tyrannie. Maintenant cette licence invétérée allait être réprimée avec une rigueur inexorable. Sans doute les peuples n’eurent plus à craindre ces accès de fureur sanguinaire qui valurent à Ivan son surnom de Terrible, mais une surveillance soupçonneuse, assidue, pesa lourdement sur chaque famille. Le dernier tsar était une bête féroce, redoutable à rencontrer, mais dont on pouvait éviter l’approche, peut-être même désarmer la colère ; tandis que ni un acte, ni une pensée de désobéissance n’échappaient au Régent servi par d’innombrables espions. Grands et petits sentirent également sa main de fer. Dans son impassible sévérité, il châtiait l’ignorance comme un crime, et, pour réformer un ancien abus, il inventait cent contraintes nouvelles. Plein de confiance dans la supériorité de ses lumières, et peut-être confondant de bonne foi la grandeur de sa maison avec celle de son pays, Boris pliait tout sous sa volonté, et n’acceptait ni conseils ni remontrances. Les Russes se sentirent plus esclaves que jamais sous ce nouveau despotisme, régulier et minutieux, et parfois ils se prirent à regretter les fureurs intermittentes d’Ivan le Terrible.
Les efforts des ennemis de Boris, pour détruire son ascendant, n’aboutirent qu’à le fortifier. On voulut obliger Fëdor à répudier sa femme Irène, sœur du Régent, pour cause de stérilité, et déjà même, pour lui succéder, on désignait la sœur du prince Mstislavski, le premier boyard du conseil. Boris para le coup. Il fit intervenir l’autorité ecclésiastique toute puissante sur l’esprit de Fëdor, et lui persuada qu’il serait dangereux pour la Russie de priver Démétrius d’une couronne à laquelle il semblait prédestiné. Il lui montra dans l’avenir la guerre civile s’allumant entre ce prince et ses neveux, et les barbares profitant de l’anarchie pour dévaster l’empire. Il semble qu’à cette époque le droit de succession au trône ne fût pas encore bien nettement réglé en Russie, et l’on peut croire que l’usage musulman, qui attribue la couronne au plus proche descendant du fondateur de la dynastie, conservait de nombreux partisans dans un pays où les Tartares avaient implanté tant de traditions orientales. Quoi qu’il en soit, Fëdor ne répudia pas son épouse, et la sœur du prince Mstislavski fut contrainte de prendre le voile.
Boris voulait être craint avant tout, mais il ne dédaignait pas une certaine popularité pour sa maison, et s’appliquait avec soin à rendre sa sœur Irène chère au peuple russe. Les rigueurs s’exerçaient au nom du tsar, et par l’ordre du Régent ; les actes de clémence ; les grâces de toutes sortes étaient attribuées à l’intercession de la tsarine Irène, qui d’ailleurs fut toujours un docile instrument entré les mains de son frère. Elle n’agissait, ne pensait que d’après ses inspirations, confondant avec une grande simplicité de cœur son respect et son admiration pour Boris avec l’amour passionné qu’elle portait à Fëdor.
Les boyards intimidés étaient réduits au silence ; Démétrius, encore enfant, ne pouvait porter ombrage, mais sa mère, la tsarine douairière, Marie Fëdorovna, et ses trois oncles Michel, Grégoire et André Nagoï auraient pu chercher à se prévaloir de leur alliance avec la maison régnante. Boris les relégua dans la ville d’Ouglitch, assignée pour apanage au jeune Démétrius par le testament d’Ivan ; et sous couleur de leur confier l’éducation du tsarévitch, on les y tenait dans une espèce d’exil.
À Ouglitch, en 1591, Démétrius âgé de dix ans avait sa petite cour, ses menins et ses grands officiers, parmi lesquels le Régent entretenait sans doute plus d’un espion. Les pensions du jeune prince et celles de sa famille étaient payées et contrôlées par un secrétaire de chancellerie ( diak ), nommé Michel Bitiagofski, créature de Boris, et, tout naturellement, entre ce fonctionnaire et les Nagoï s’élevèrent de fréquentes discussions qui s’envenimaient de jour en jour. Fort de l’autorité dont le Régent l’avait investi, le secrétaire

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