Les Trois Grands
142 pages
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Les Trois Grands , livre ebook

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Description


« Le Passe-mondes joue au Karting Killer



Il gagne contre le maire Maltrame



Le Passe-mondes explose la machine à vapeur



Avec la voiture-qui-crame »



Suite à l’assassinat de Dan Ficks et au déclenchement de la guerre, le Passe-mondes a été congédié par la Caste des vampires depuis un an. Alors qu’il avait retrouvé la routine de son travail et célébré le somptueux Gloomy Fest dans le monde des morts, le Service Après Mort lui confie une surprenante mission : épauler de nouveau la princesse Amélia et ses alliés, menacés par Prâal et les terribles Trois Grands.


Plongez aux côtés du Passe-mondes dans un monde de mythes d’outre-tombe. Vous serez accompagnés du corbeau Parlementeur, d’un chat magicien coiffé d’un chapeau cabossé et d’un luthier fou qui frappe les gens avec son violon.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2016
Nombre de lectures 3
EAN13 9782373420364
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avertissement Prologue Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Remerciements L'auteur
Table des matières
L'histoire de Mr.N2 -LesTroisGrands Thibault Rollet
Éditions du Petit Caveau
Avertissement
Salutations sanguinaires à tous ! Je suis Van Crypting, la mascotte des éditions du Petit Caveau. Si vous lisez cette histoire avec un Kindle, n'hésitez pas à activer les polices/fontes de l'éditeur (dans le menu des polices). Si vous rencontrez un problème, et que vous ne pouvez pas le résoudre par vos propres moyens, n’hésitez pas à nous contacter par mail (numerique@editionsdupetitcaveau.com) ou sur le forum en indiquant le modèle de votre appareil. Nous nous chargerons de trouver la solution pour vous, d'autant plus si vous êtes AB-, un cru si rare !
13 Novembre
1
En théorie, je suis d’un naturel patient et apprécie l’humour. Néanmoins ce jour-là, je dégoulinais littéralement d’agacement et n’avais qu’une envie : déglinguer ce 1 satané majordome à la noix. Ce misérable connaissaitUndead housecomme sa poche, et la course-poursuite durait déjà depuis un bon moment. Voyez-vous, j’avais exploré en détail ma fabuleuse maison, découvrant un tas de choses toutes plus incroyables les unes que les autres. Une fois dans le grenier, une porte fermée à double tour s’était mise à trembler frénétiquement à mon approche. Comme si quelque chose derrière voulait sortir. J’habitais là, alors vous pensez bien que je ne m’étais pas encombré de mystères : j’avais proprement ouvert la porte pour découvrir un truc bizarre. C’était une espèce de buste d’homme qui n’avait plus que tête et bras, sans peau ni muscle, ni rien. Un veston vert kaki en lambeaux lui servait de vêtement, à travers lequel on devinait un haut de corps tout en os, comme le reste. Et chose des plus surprenantes : ses orbites étaient occupées par deux yeux déments, dont le gauche quittait fréquemment son logement. Ce machin s’était attaché à moi et pourtant dieu sait que je n’avais rien fait pour ! Il ne parlait pas, il était chapardeur et farceur, mais il faisait l’affaire en tant que domestique... sauf quand il s’emparait de mon verre de whisky pour le siffler à l’abri. J’avais pourtant essayé de lui en offrir, mais il rejetait ma proposition à chaque fois : c’était sûrement bien plus drôle de voler le mien !
Cela faisait environ un an que la guerre avait éclaté, l’élément déclencheur étant l’assassinat de Dan Ficks : représentant des Karms, l’une des cinq classes de la Caste de Layrmor, la société des vampires. Ce dernier s’était fait arracher le cœur par Prâal, terrible représentant des Sycrors qui souhaitait l’annihilation d’un 2 certain traité vampire et plus que tout, l’asservissement de la race humaine. Si les humains ne connaissaient pas – et en aucun cas, ne devaient connaître – l’existence du Passe-mondes, les vampires oui. De fait, ils me témoignaient tous un respect des plus prononcés et même Unluger Stein, le chasseur de vampires de renom qui avait rallié la cause de la Caste – avec un petit coup de pouce de ma part – s’était montré plutôt courtois envers moi, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Pour finir, tous furent assez polis pour me signifier gentiment qu’ils allaient se débrouiller seuls pour la suite : c’était une affaire qui concernait la Caste et les humains, mais pas moi. Il fallait effectivement que je me mette dans le crâne que je n’étais plus un simple mortel. Enfin, tout cela dissimulait à n’en point douter une autre raison : mes amis vampires ne tenaient pas à ce que je meure au combat et voulaient m’éloigner du front. Car personne ne savait ce qu’il se passerait si le Passe-mondes venait à mourir. Donc, je m’étais fait une raison. Sauf pour la princesse Amélia, dont le charme dévastateur me hanta pendant de longues semaines. Pourtant, l’affluence ininterrompue de nouveaux parchemins à accomplir m’avait empêché de lui rendre
visite et permis de passer à autre chose. C’était indéniable : le Très-haut et le Très-bas veillaient à ce que je ne manque pas d’occupations. Pour faire suite à ce que je vous expliquais à la cinquième ligne de ce volume, j’avais exploré la maison et découvert pas mal de choses aussi étranges qu’intrigantes. Je ne me souviens pas vous avoir dressé un plan détaillé de Undead House, aussi puis-je faire un point là-dessus : on entrait par la porte – pas très original jusqu’ici – qui donnait sur un petit hall, décoré par quelques porte-manteaux fichés dans ses murs. Ensuite, une entrée sur la gauche donnait sur le salon, relativement grand, dans lequel on trouvait un bon feu qui s’allumait et s’éteignait selon mon bon vouloir. Un escalier grimpait à l’étage, et trois autres portes se trouvaient dans la pièce. La première d’entre elles débouchait sur une cuisine aux allures moyenâgeuses et curieusement, cela me plaisait assez. J’y passais peu de temps : c’était Hundy – le petit surnom que j’avais trouvé pour mon demi-squelette de domestique – qui faisait la cuisine, et il était très doué. Ça me fait d’ailleurs penser que je n’ai jamais prêté attention à la manière dont il procédait et ça m’intrigue, puisqu’il n’a pas de jambes et qu’il marche sur ses mains… Enfin bref. La seconde porte jouxtant la cheminée par la gauche donnait surUniversal Librarypeut-être : c’était la bibliothèque qui contenait. Vous vous en souviendrez 3 lesavoir difer. C’était entre autre ici que j’avais dû apprendre par cœur lecode difer, qui fixait les règles limitant les actions de tous, y compris celles du Passe-mondes. Et enfin, la troisième et dernière porte donnait sur une pièce plongée dans la pénombre. Il m’avait fallu quelque temps pour comprendre à quoi elle servait. J’avais tout d’abord essayé d’éclairer l’endroit, mais, malgré la lumière, je ne voyais rien. J’avais marché dans toutes les directions des heures durant et j’avais même tenté de lancer un objet le plus loin possible… Mais cette salle ne semblait pas avoir de limites. J’eus alors l’idée dedemander à haute voix, de la même façon que je faisais apparaître quelque chose en y pensant avec conviction. ― De la lumière. Et l’endroit se retrouva illuminé grâce à un lustre fixé au plafond. Je quémandai alors d’autres choses : ― Un bureau, du papier et une plume avec son encrier. Et ces quatre éléments apparurent de nulle part à quelques pas de moi. J’esquissai un sourire. Cette porte ne donnait pas sur un lieu en particulier, mais sur un endroit de mon choix contenant tout ce que je désirais. À partir du moment où j’avais découvert cette salle, j’y avais passé quasiment tout mon temps libre. Je pouvais même revivre certains grands moments de l’Histoire en tant que spectateur, pour peu que je le formule de la bonne façon. Et étant donné les temps tourmentés que nous vivions, j’avais aussi considéré primordial de m’exercer au combat. Je faisais apparaître un double de moi-même contre lequel je m’exerçais régulièrement à l’épée. J’avais baptisé cette pièce « travel room »: la chambre du voyage. Quant à l’étage de Undead house, il comptait au total cinq portes : ma chambre 4 et une deuxième , la salle de bain, les toilettes et enfin, le grenier. En plus de Hundy, j’y avais trouvé un magnifique tableau représentant une charmante femme de l’époque de la Renaissance, se promenant dans le jardin verdoyant d’un château à l’arrière-plan. Elle était vêtue d’une robe et d’un éventail tellement
raffinés qu’elle avait dû faire partie de la Cour. Moins lugubre que les paysages figurant sur les cadres du couloir de l’étage, j’avais voulu le descendre pour égayer un peu le salon. Mais dès que je m’en saisis, le tableau s’anima. ― Bonté divine, seigneur ! s’écria-t-elle. Et croyez-le ou non : une main sortit du tableau pour me gifler. J’étais estomaqué. ― Cette conduite n’est pas digne d’un gentilhomme, monsieur. Nous ne nous connaissons pas le moins du monde, et vous osez toucher à ma personne ! ― Mais enfin… je souhaitais simplement vous déplacer au rez-de-chaussée pour… ― Qu’importe ! Je refuserai quoi que ce soit de votre part tant que vous ne vous serez pas présenté en bonne et due forme. Je dus donc me résigner et entamer des présentations, qui s’avérèrent interminables. C’était effectivement une dame de la Cour de François I, dont le nom m’échappe aujourd’hui. Nous avions discuté pendant un nombre d’heures phénoménal et je m’apprêtais à la laisser moisir au grenier lorsqu’elle me concéda enfin le droit de la descendre au salon. Je ne vivais donc plus seul : entre le portemanteau vivant, Hundy le chapardeur et la dame du tableau plus ampoulée que les plus grands discours de l’Histoire, il y avait de l’animation à Undead House…
Voilà donc. Pendant cette année, mes journées étaient sensiblement les mêmes : guider les nouveaux défunts dans le royaume approprié, récompenser ou punir selon la lettre figurant sur les obligations – R pour la récompense et C pour le châtiment – et enfin pourchasser ceux qui avaient enfreint les règles du codedifer pour les réprimander très sévèrement, voir les détruire. D’ailleurs, un détail m’avait chiffonné durant ces derniers mois : le Passe-mondes avait beau agir en dehors du temps pour les obligations, lorsqu’un humain venait à mourir, il restait fantôme jusqu’à ce que je m’en occupe. Mais avec la guerre – dont j’avais brièvement des nouvelles par lecorbeau rieur, le quotidien de Middleway – les spectres devaient être des milliers, et plus encore à l’avenir. C’était certain que ça allait poser problème à un moment ou un autre. Enfin, les deux Très avaient probablement, comme pour tout le reste, leur idée là-dessus.
Bien, de quoi voulais-je vous parler ensuite… Ah oui ! Middleway, le monde des morts. Lors de la précédente partie de mon histoire, je n’ai pu vous présenter cela autrement qu’un point de passage pour mon travail de guide post-mortem. Mais cet endroit recèle tellement plus… tellement trop, en fait, que je ne suis pas certain d’avoir suffisamment de patience pour tout vous retranscrire. J’avais pris l’habitude de me promener sur le grand chemin pavé une fois ma journée de travail terminée. J’avais donc pu découvrir tout un tas d’édifices surprenants, à commencer par les Archives de Middleway, dans la rue principale. Le bâtiment était tout petit vu de l’extérieur, mais, une fois entré, c’était une gigantesque salle d’un blanc immaculé. La seule chose que l’on y trouvait était un bureau supportant des piles de papier. Je n’avais pas besoin d’y aller : j’avais toutes les informations que je souhaitais chez moi, grâce à Universal Library. Tout près des Archives se tenait majestueusement ce que l’on appelait « Le culte de Middleway ». C’était de loin le bâtiment le plus imposant du monde des morts. On y trouvait tout un tas d’hommes, de femmes – et bien d’autreschoses-aux allures effrayantes vendant des objets relatifs à la religion. Ostie, eau bénite,
crucifix et croix en bois pour les bons croyants, puis tout un tas d’objets pour trancher, découper, éviscérer, vider… pour les adorateurs de Satan. Sachez que nul ecclésiastique ne reçoit de promotion sans passer par Middleway et sans avoir l’accord des deux grands patriarches, respectivement nommés « Pape-soleil d’outre-tombe » et « Pape-lune d’outre-tombe ». J’avais d’ailleurs entendu dire que ces deux titres faisaient très facilement l’objet de moqueries : les habitants de Middleway faisaient preuve d’une imagination débordante en ce qui concerne l’humour absurde et les farces d’un goût discutable. Il y avait aussi « L’Orbite creuse », un bar qui faisait de succulents cocktails aux composants des plus étranges : citrouille, toile d’araignée, venin de scorpion bouilli, poussière d’os broyé, larmes de chagrin… et tout un tas d’autres trucs très sympathiques. Moi, j’avais opté pour une bière au potiron, de loin la boisson la plus normalede la carte. De plus, on trouvait tout un tas d’échoppes vendant des objets incroyables dans les rues annexes. Par exemple, il y avait un squelettier, qui ne vendait que des os. D’ailleurs, pour votre gouverne, le mardi, il y a vingt-cinq pour cent de remise sur les cubitus et les métatarses. Deux rues plus loin se trouvait un chapelier dont tous les chapeaux étaient confectionnés avec des plumes de corbeaux ou de hiboux et, chose pourtant surprenante, aucun couvre-chef ne se ressemblait. Cette liste n’est pas exhaustive, mais résume assez bien ce que l’on pouvait trouver sur Middleway. Maintenant, peut-être voudrez-vous savoir la chose suivante : comment ai-je pu passer à côté de tout ça durant les premiers mois de mon apprentissage ? La réponse est terriblement simple : tout comme vous, les habitants de Middleway travaillent la journée. Mais quand la nuit tombe… la folie s’empare de ce lieu et le transforme en festival de l’absurde.
Un soir, je sirotais un verre à la terrasse de « L’Orbite creuse » lorsqu’un brouhaha attira mon attention. Un peu à l’écart du chemin pavé se trouvait un attroupement de personnes qui tentaient, tant bien que mal, de hisser un gigantesque chapiteau. J’écarquillai les yeux quand je remarquai qu’il n’y avait pas que deshumains: quelques squelettes tiraient sur les cordes. Et je vis même un hibou et un corbeau en faire de même. Une main posée avec force sur mon épaule me fit sursauter. ― Alors, Passe-mondes ! Qu’en pensez-vous ? C’était un homme vêtu avec classe : il arborait un grand costume noir, serti d’une rose aux couleurs pétantes, et me désignait le chantier avec une longue et belle canne au pommeau argenté. ― Ce que je pense de quoi ? rétorquai-je, perdu. ― Mais de ce magnifique chapiteau, bien sûr ! Cette année encore, ce sera sensationnel. ― Euh, sûrement… balbutiai-je. Mais de quoi parlez-vous et qui êtes-vous donc ? ― Oh ! Il est vrai que nous n’avons pas encore été présentés, pardonnez mon impolitesse : je suis le maire de Middleway. Maltrame, pour vous servir. Il s’inclina légèrement, je lui rendis la pareille sans trop réfléchir. ― Mais attendez… Vous ignorez ce que ce chapiteau grandiose signifie ? s’exclama-t-il en prenant à témoin tous les gens alentour. Tous me regardèrent avec des yeux comme des soucoupes et explosèrent de
rire. Mon interlocuteur se rapprocha de moi et m’empoigna par le col, les yeux empreints d’une folie véritablement effrayante. ― Mais, Passe-mondes, il s’agit duGloomy Fest, enfin !Lepost- festival mortem le plus incroyable qui soit ! ― Très bien, très bien, fis-je en me dégageant de son emprise. Et que s’y passe-t-il ? Y a-t-il des musiciens ? Des pièces de théâtre ? ― Des musiciens ! fit Maltrame, exaspéré. Mais mille fois plus encore, mon cher ! Eh bien, c’est décidé, cette édition du Gloomy Fest sera des plus exceptionnelles, car elle sera la première du nouveau Passe-mondes, les amis ! Tout le monde applaudit et laissa exploser sa joie. Personnellement, je ne comprenais rien. Le maire se rapprocha de moi et me dit tout doucement : ― Rendez-vous dans une semaine, à minuit, ici, Passe-mondes. Vous allez découvrir la véritable facette du monde des morts. M’adressant des « À bientôt » à tout bout de champ, ils reprirent leur besogne tandis que je m’éloignais, pensif. Jusqu’à présent, j’avais eu connaissance d’un Middleway plutôt hautain et désintéressé de moi, excepté pour me saluer quand je guidais une âme. J’étais curieux d’être dans une semaine…
1La demeure du Passe-mondes. La mienne donc. 2Appelétraité de Moldoveanu. Pour mémoire, c’est un pacte stipulant la bonne entente entre la société des vampires et celle des humains. Le traité fut baptisé ainsi, car il fut signé sur le sommet Moldoveanu, dans les Carpates. 3C’est-à-dire toutes les choses que savent le Très-haut et le Très-bas, respectivement plus connus sous le nom de Dieu et Satan. 4Que j’avais cédé à Hundy, mais ce dernier préférait dormir dans le salon avec son ami le portemanteau.
Une semaine plus tard
2
C’était la première fois que je voyais Middleway désert. Les gens qui habituellement s’affairaient d’un bâtiment à l’autre semblaient avoir disparu comme par enchantement, laissant l’architecture d’outre-tombe dominer les pavés. Je décidai de me rendre près des Archives, à l’endroit où le maire Maltrame et ses amis étranges étaient en train de monter le chapiteau, une semaine plus tôt. Et je fus stupéfié par ce que j’y trouvai. Des tribunes de bois tordu étaient disposées çà et là sous forme de cercle, dont le diamètre devait mesurer plusieurs centaines de mètres. On aurait dit qu’elles pouvaient s’envoler au premier coup de vent, mais… ça n’avait pas l’air d'inquiéter le public. Il y avait desgens normaux, mais aussi des squelettes, des personnes à qui il manquait un membre – voire une tête –, des hiboux et des corbeaux. Le tout donnait un brouhaha excentrique qui avait au moins le mérite d’être unique. Je m’approchai discrètement de la foule, ne désirant pas être remarqué pour l’instant. Je jetai un œil à ma montre : il était onze heures cinquante-huit. Dans deux minutes débuterait le fameux Gloomy Fest. Je n’eus pas besoin de m’enquérir à nouveau de l’heure pour savoir qu’il était minuit : un ensemble de trompettes invisible entonna un hymne endiablé en mineur, d’une efficacité presque effrayante. Deux battants du chapiteau, jusqu’alors clos, s’ouvrirent pour laisser place à un véritable char de carnaval. Les bords étaient occupés par deux demi-douzaines de squelettes trompettistes et autres cuivres, qui jouaient imperturbablement leur air entêtant, malgré l’accueil très enthousiaste du public. Une immense citrouille occupait le centre duvéhicule, et à ma grande surprise, elle semblait vivante. Elle dansait au rythme des musiciens qui l’encerclaient puis balayait du regard et d’un sourire hilare les gens qui acclamaient ce char de foire. Et tandis que la mélodie atteignait son paroxysme, le chapeau de la citrouille s’envola soudain pour laisser place au gourou de cette troupe improbable, enfoncé dans un trône : le maire Maltrame. Il portait toujours sa canne de gentleman et sa rose aux couleurs flashy sur son complet noir. Il offrait des courbettes à tout va en retour au tonnerre d’applaudissements qui avait couronné son arrivée. Puis il se retourna… vers moi. Je me tenais pourtant bien à l’écart, mais il m’avait remarqué. Il esquissa un sourire et s’adressa d’un ton grandiloquent à son public : ― Mes chers amis, j’ai l’insigne honneur d’annoncer l’ouverture du trois mille cinq cent quatre-vingt-troisième Gloomy Fest ! Des acclamations s’élevèrent de partout dans la foule. ― La seconde annonce que je m’apprête à vous faire ce soir me touche particulièrement. En effet, cette édition est très particulière, puisqu’il s’agit… du premier Gloomy Fest du nouveau Passe-mondes, ici présent ! Il prononça ses dernières paroles en me désignant de sa canne. Tous les regards se braquèrent sur moi, et l’attroupement se précipita à mon encontre. Pris au dépourvu et sans trop savoir pourquoi, je reculai. Mais un corps sans tête m’agrippa avec force et me balança dans les airs. J’atterris dans les bras de la
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