La femme au livre
362 pages
Français

La femme au livre , livre ebook

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362 pages
Français

Description

A travers l'analyse de trois romans de la littérature francophone féminine algérienne de la deuxième moitié du XXe siècle, cet essai interroge le fonctionnement de la langue et les fondements de l'écriture, pour étudier derrière le prisme de la psychanalyse, le stratagème secret des jeux du langage et les mécanismes inconscients de l'écriture. L'aventure scripturaire est le révélateur d'une construction en marche et dévoile l'accomplissement d'un cheminement de la conscience littéraire féminine créatrice, instaurant la femme écrivain algérienne francophone dans un nouveau statut personnel et social, celui de "la femme au livre".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 56
EAN13 9782296264373
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LAFEMMEAULIVRE




























Anne-MarieNAHLOVSKY
LAFEMMEAULIVRE
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Les écrivaines algériennes de langue française
Préface deBeïdaChikhiM@~s%$K%::%VY =&2&
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Le langage n’est jamais innocent : les
mots ont une mémoire seconde qui se
prolonge mystérieusement au milieu
des significations nouvelles. L’écriture
est précisément ce compromis entre
une liberté et un souvenir…

1
Roland Barthes







1 Le degré zéro de l’écriture, suivi de nouveaux essais critiques, Collection Points Essais,
Seuil, Paris, 1972, dans le chapitre « Qu’est-ce que l’écriture ? », p. 16.


PRÉFACE

Beïda Chikhi


« La Femme au livre », cette référence picturale si futuriste et déjà,
paradoxalement, si marquée par le temps, rappelle que la lecture engagée
ici a une longue histoire et qu’elle s’aventure dans les circuits sinueux
d’un miroir social. Femme du passé suspendue dans l’instantané d’une
attitude ou d’un mouvement, femme du présent qui écrit ses livres en lisant
ceux des autres, femme du futur en gésine dans les personnages, une
filiation littéraire, vive, qui met à distance les interprétations proprement
‘’féministes’’.
Dans son ouvrage, Anne-Marie Nahlovsky appréhende le travail
patient de romancières algériennes qui ont marqué de leur impact le monde
littéraire de ces dernières décennies. Les analyses nous confortent dans
l’idée que la mise en perspective de textes si dissemblables et leur réunion
autour d’une intuition personnelle peut s’avérer féconde. L’idée de
« l’infra-discours » est novatrice ; elle accompagne une traversée
plutonienne qui s’appuie autant sur les connivences que sur la critique
d’une ligne de conduite traditionnelle, parfois dure et contraignante. La
notion de « relais » prend tout son sens avec la conscience historique et
littéraire de ces romancières en situation de transmission, en même temps
qu’elle éclaire l’évolution de leur propre existence d’écrivaines.
Les œuvres qui constituent le noyau dur du corpus ont été choisies
selon la force de suggestion et de dissémination de leur sujet : l’écriture de
soi entre mythe et actualité politique dans Vaste est la prison d’Assia
Djebar, la quadrature du cercle et l’Odyssée méditerranéenne dans N’Zid
de Malika Mokeddem, ou encore le mythe révolu du deuxième sexe dans
La Voyeuse interdite de Nina Bouraoui. Elles ont ensuite été croisées autour
de deux thèmes fédérateurs : l’inscription dans le futur et la révélation du
sens véhiculées par « La femme au livre ». On découvre au fil de la lecture
ce qui fait problème d’une génération à l’autre et comment chaque
génération engage de façon originale le temps futur et le pouvoir de
l’écriture. Les objectifs des trois romancières et les enjeux explicités par
leurs discours sont sensiblement les mêmes, en revanche «
l’infradiscours » des œuvres nous les révèle très singulières. Les analyses rendent
justement compte de personnalités littéraires qui se refaçonnent dans un
double mouvement de perte et de conquête. On ne peut qu’apprécier alors
le recours à certains écrits littéraires, historiens, et psychanalytiques, en ce

qu’ils cernent, comme une histoire de proximité, un lieu commun à
l’écriture, à la perte et à la reconquête ; un lieu nourri depuis si longtemps
par l’imaginaire de Dante, de Shakespeare, de Molière, de Proust, de
Claudel, et de Semprun...
Mais c’est aussi par le recentrement de sa perspective sur l’intertexte
algérien, dont Anne-Marie Nahlovsky éclaire des rapports transversaux,
qu’elle suscite l’intérêt pour l’ensemble du corpus féminin. Par exemple,
L’Amant imaginaire de Taos Amrouche, ou encore la nouvelle rhétorique
amoureuse de La Jeune fille au balcon de Leïla Sebbar – érotique du
ruban, érotique du balcon, etc. – enrichit la lecture d’un espace ludique
dans lequel le flux circule librement et déjoue les pièges de l’enfermement.
Á la faveur de cette lecture on perçoit aisément, à travers les jeux du
« regard qui cerne le contexte social », les partis pris conscients ou les
motifs inconscients des unes et des autres.
Ces romancières ont contribué, selon elle, à produire des effets inédits
dans la littérature française, en particulier des effets liés à l’intrusion de
scénographies relatant la nature du désir qui unit le corps et la langue.
L’imaginaire de la navigation linguistique fabrique des figures de style et
indique un cheminement corporel de la littérature. Car, le corps-texte est,
comme le rappelle Assia Djebar dans Vaste est la prison, un « étrange
théâtre de l’emmaillotement des yeux et de l’âme auquel aboutissent les
rires de [son] enfance ». L’écriture s’accompagne d’une sensibilité
philologique qui module un style et l’ouvre aux reflets combinés du miroir
de l’entre-deux. La langue, quant à elle, acquiert de la densité par
transposition de sensations et d’émotions diverses : plaisir ou joie, amour
ou passion, douleur ou regrets, nostalgie ou mélancolie… On se souvient,
en tout cas avec cet ouvrage et une fois de plus, que chaque corps féminin,
qui entre dans la langue française avec une mémoire algérienne, lui
imprime de nouvelles métaphores. Un travail de poétique, soutenu par une
réflexion théorique, rend compte de ces effets.

Paris, janvier 2010




10








INTRODUCTION























La révolution algérienne et l’Indépendance de 1962 ont suscité de
nombreux rêves dans le bonheur de tout un peuple ivre de sa liberté enfin
retrouvée mais elles n’ont pas apporté, comme on aurait pu l’espérer, une
véritable promotion de la femme. Pourtant, pendant la guerre de libération,
les rapports égalitaires de la vie des maquis avaient souvent habitué les
femmes à des responsabilités et les avaient instaurées dans un rôle social et
politique qui les avait sorties de leur enfermement et de leur silence. Mais,
une fois la paix revenue, elles ne retrouvèrent pas, dans le tissu
sociopolitique, la place escomptée. Le colonialisme les avait coupées de
leurs racines linguistiques et de leur filiation historique. L’Indépendance
les renvoie à leur foyer et dans l’enfermement de leur maison, sous la
domination de leur père, de leur frère ou de leur mari. Et le nouveau
régime, ainsi que ceux qui suivront, vont les réinstaller dans un statut de
silence en leur déniant tout rôle politique, les privant ainsi d’une tribune de
la parole, les rétablissant dans leur ancien statut de dépendance, de
résignation et de servitude. La femme se retrouve, en quelque sorte, privée
de son passé, de son présent et de son avenir. Elle a perdu le pouvoir de
parler, de circuler, de témoigner, conquis pendant la révolution et,
consciente de la vacuité de sa vie et de son impuissance, subit une grave
crise identitaire. C’est certainement la raison pour laquelle le problème de
cette mémoire perdue et de cette errance se retrouve dans tous les romans
algériens récents et imprègne particulièrement les récits écrits par des
femmes. L’écriture devient pour elles, tout naturellement, un moyen de
survie existen

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