La Guérisseuse de Marseille
188 pages
Français

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La Guérisseuse de Marseille , livre ebook

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188 pages
Français

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Description

Rien ne laissait présager d'un tel avenir à Esther qui, à seulement treize ans, est emportée par la tuberculose. Alors que tout le monde la croit morte, elle ressuscite miraculeusement le jour de son enterrement. Une expérience dans l'entre-deux-mondes d'où elle ressort avec un don de guérisseuse, don qui fera d'elle une légende dans toute l'Europe mais qui lui permettra également de trouver son propre salut : la liberté.Š

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2014
Nombre de lectures 39
EAN13 9782336342986
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Lina C HELLI














La Guérisseuse de Marseille



Récit


















L'H ARMATTAN
Copyright




























© L’H ARMATTAN , 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-69309-5
La Guérisseuse de Marseille


Ses yeux sont fermés, et pourtant elle n’est pas dans les ténèbres, la luminosité de l’endroit est telle que la clarté de ces lieux étranges où elle pénètre lentement lui révèle une toute autre vision du monde qu’elle s’apprête à rejoindre. Ce monde s’éloigne sans cesse, il lui semble inaccessible et sa route bien longue. Mais au fur et à mesure de sa progression, elle se sent happée inéluctablement vers lui. Ses mains sont immobiles, posées sagement sur sa poitrine. Elle s’en sert néanmoins de balancier pour avancer vers sa destinée. L’extrémité de ses pieds froids effleure vaguement le satin blanc de l’intérieur de la petite boîte en sapin où elle repose. Mais, bien qu’elle y demeure allongée, et parfaitement inerte en apparence, elle a vaincu la gravité, et grâce aux mouvements cadencés de ses membres inférieurs, elle continue sa fabuleuse progression vers le somptueux chemin qui s’ouvre devant elle.
Aujourd’hui, c’est son anniversaire. Dimanche 21 avril 1946. Sans doute cela explique-t-il tous ces gens réunis autour d’elle. Mais pourquoi tant de pleurs et de cris, pourquoi tant de tristesse le jour de ses treize ans ?
Elle ralentit un instant sa course vers l’inconnu. Elle les voit tous, comme dans un brouillard.
Elle essaie de leur parler, mais, ils ne l’entendent pas. Elle essaie de les toucher, mais, ils ne la sentent pas.
Mémé Titou, s’il te plaît, arrête de pleurer, je suis heureuse, je m’en vais rejoindre mon papa et ma maman, je les vois vaguement, là-bas, tout au bout du tunnel. C’est étrange, j’ai l’impression qu’ils me font de grands signes, comme s’ils ne voulaient pas que je m’approche d’eux, comme s’ils m’ordonnaient de rebrousser mon chemin. Mais je ne veux pas, je ne peux pas, je dois aller au bout, je dois franchir cet invisible écran qui me sépare de ce monde merveilleux. Je ressens une force puissante qui tente de freiner ma course, je suis obligée de lutter contre elle, je ne veux pas retourner en arrière, je me sens si légère, si libre et si heureuse dans ce lieu inconnu. Je n’ai plus mal, c’est fini, je ne tousse plus, je ne suis plus malade de la tuberculose. Je respire enfin à pleins poumons un air si pur et en même temps si dense, que je peux presque le toucher, et me déplacer sur lui aussi facilement que sur la terre ferme. Je ressens une telle sérénité, un tel bien-être, et une telle béatitude que mon âme relie, dans son voyage en apesanteur, la terre qui l’a créée et constituée, au ciel, qui la reçoit. Mais, quelque chose semble me retenir, et m’obliger à baisser la tête. Je suis partie si loin, et pourtant, je n’ai pas quitté la pièce, de là-haut, je les vois tous, agenouillés, autour de moi. C’est terrible, je lis dans leurs pensées.
Moshé, tu es le plus célèbre boucher cacher de Tunis, et ton épouse Blanche t’aime sincèrement. C’est vrai qu’elle est très malade, mais pourquoi espères-tu secrètement qu’elle meure très vite ? Es-tu si pressé d’épouser Sarah, ta maîtresse ? Pourtant, tu n’es pas un mauvais bougre, de temps en temps, lorsqu’il te restait un morceau de viande, ou quelques saucisses, tu me les offrais généreusement en cachette de ta femme.
Tata Rachel, arrête de faire semblant de pleurer, tu ne m’as jamais aimée, tu n’as jamais aimé que toi-même, et ma sœur Bichette, que tu as adoptée tout bébé.
Mesrahine, c’est gentil d’être venue, mais, je ressens ton impatience, c’est normal, tu as quatre enfants, un mari, et tant de choses à faire.
Bernard, ne sois pas si triste, ne t’inquiète pas, tu m’en offriras encore des verres de limonade, quand je reviendrai dans ton bar.
Simon, mon cousin, pourquoi es-tu si malheureux ?
Pourquoi autant de haine envers Dieu ? Simon, je ne savais pas que je comptais autant pour toi, reste, ne t’en vas pas, ne dissimule pas tes larmes…
Myriam, tu ne boucleras plus ma chevelure blonde. Je ne viendrai plus t’aider à faire le ménage dans ton salon de coiffure, tant pis pour les gâteaux et les bonbons que tu me donnais en récompense !
Tina, tu te demandes si Dieu te pardonnera un jour tous les avortements que tu as commis. Tu n’es pas en train de prier pour mon salut, mais pour le tien.
Malik, ne fais pas semblant d’être peiné, tu es là par hasard, et tu ne sais plus comment faire pour t’en aller au plus vite.
Jacob, tu es en train de me bénir, mais, s’il te plaît rabbin, parle-moi en français, tu sais très bien que je ne comprends pas l’hébreu !
Pierre tu es là aussi, Jacob va être jaloux, il n’aime pas les curés. Heureusement qu’il n’a jamais su que je venais souvent te voir dans ton église et que tu me lisais en secret les merveilleuses histoires de la Bible. C’est un peu grâce à toi si je sais où je vais.
Pierre, que fais-tu ? Jacob va fermer mon cercueil, laisse le faire, je dois m’en aller !
– Jacob, attendez ! Laissez-moi la bénir !
– Il n’en est pas question, un peu de respect, je vous en prie !
– Titou, laissez-moi faire !
Titou se lamente si fort qu’elle ne comprend pas exactement ce qu’on lui demande. Avec ses poings, elle se frappe la poitrine. Oui, c’est un grand malheur, oui, c’est un ange que Dieu lui prend ! Elle fait machinalement un signe affirmatif de la tête.
Pierre en profite pour écarter Jacob. Il s’approche d’Esther et la bénit, au nom de Jésus Christ. À ce moment précis, l’atmosphère de la pièce se transforme.
Un silence pesant s’installe brusquement. Soudain, les volets de la chambre, succinctement rabattus, s’ouvrent d’un coup sec. Ils laissent immédiatement apparaître un rayon de lumière qui se matérialise directement dans le prolongement des mains de Pierre, s’étalant aussitôt sur le corps d’Esther.
Une bienfaisante chaleur s’épanche alors tout autour du cercueil, contaminant à leur insu les témoins de la scène, tétanisés par la magie de l’instant. Le temps, qui brusquement semble s’être figé, reprend force et vigueur, et le souffle de vie, qu’il avait trop tôt ôté revient comme par miracle insuffler dans tout le corps d’Esther l’étincelle divine qui la ramène auprès des siens.
Soudain, elle ouvre les yeux, se relève lentement, s’assoit dans son cercueil. Elle étend son bras, et tout en s’écriant, désigne de son index, chacun à son tour, plusieurs personnes présentes dans la pièce.
– Moshé, tu vas mourir !
– Myriam, marie-toi vite, tu es enceinte !
– Rabbin, ton fils va épouser une Arabe, si tu refuses, il partira avec elle, et tu ne le reverras que dans vingt ans, sur ton lit de mort et jamais tu ne connaîtras tes petits enfants !
– Bernard, tu vas avoir une voiture, tu vas gagner une grosse somme d’argent, joue à la loterie !
– Mesrahine, dépêche-toi, il y a le feu dans ta maison, tes enfants sont en danger !
– Marmoud, ton père n’est pas ton père, c’est un Américain, plus tard, tu hériteras !
– Tina, ta fille est vivante, on t’a menti, elle n’est pas morte à sa naissance, tu étais si jeune et sans mari, ta mère te l’a volée pour la vendre à un couple de riches Français. Va à Marseille, cherche-la, un jour, elle connaîtra la vérité, et si Dieu le veut, tu la retrouveras !
– Malik, va rendre ce que tu as volé à Smain, Dieu te pardonnera !
Au fur et à mesure de ses prédictions désordonnées et saccadées, lancées au hasard, une lueur de plus en plus intense apparaît dans les yeux d’Esther et se fond à la pureté virginale de son regard. Les visages de ceux à qui sont destinées ses invectives se figent, l’un après l’autre. La gravité déconcertante du moment unique, dont ils n’ont pas encore conscience d’être les témoins privilégiés, empêche toute réaction logique de ceux qui sont désignés. Les autres, abasourdis, boivent ses paroles, tout en essayant de contenir une étrange sensation de peur, mêlée à un désir incontrôlable d’être, eux aussi, interpellés. La dualité de la douloureuse attente d’une prophétie redoutée, bien qu’en même temps secrètement espérée, les déconcerte totalement. Ce désir transforme singulièrement la stupeur qui les a envahis en un sentiment ju

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