La Russie en 1839
132 pages
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La Russie en 1839 , livre ebook

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Extrait : "Remarquez d'abord ces dates dont le rapprochement me paraît assez curieux. Le commencement de nos révolutions et le mariage du fils d'Eugène de Beauharnais ont eu lieu le même jour à cinquante ans de distance."

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Nombre de lectures 52
EAN13 9782335041408
Langue Français

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Extrait

EAN : 9782335041408

 
©Ligaran 2015

Lettre onzième

Sommaire de la lettre onzième
Rapprochement des dates : 14 juillet 1789 : prise de la Bastille : 14 juillet 1839 : mariage du petit-fils de M. de Beauharnais. – Chapelle de la cour. – Première impression produite par la physionomie de l’Empereur. – Conséquences du despotisme pour le despote. – Portrait de l’Empereur Nicolas. – Caractère de sa physionomie. – L’Impératrice. – Son air souffrant. – Esclavage de tous. – L’Impératrice n’a pas la liberté d’être malade. – Danger des voyages pour les Russes. – Abords du palais. – Mon entrée à la cour. – Accident risible. – Chapelle Impériale. – Magnificence des décorations et des costumes. – Entrée de la famille Impériale. – Fautes d’étiquette réparées : par qui ? – M. de Pahlen tient la couronne sur la tête du marié. – Réflexion. – Émotion de l’impératrice. – Portrait du jeune duc de Leuchtenberg. – Son impatience. – Pruderie du langage actuel. – Ce qui la cause. – Musique de la chapelle Impériale. – Vieux chants grecs arrangés autrefois par des compositeurs italiens. – Effet merveilleux de cette musique. – Te Deum. – L’archevêque. – L’Empereur lui baise la main. – Impassibilité du duc de Leuchtenberg. – Son air défiant. – Position fausse. – Souvenir de la terreur. – Talisman de M. de Beauharnais. – C’est moi qui le possède. – Point de foule, on ne sait ce que c’est en Russie. – Immensité des places publiques. – Tout paraît petit dans un pays où l’espace est sans bornes. – La colonne d’Alexandre. – L’amirauté. – L’église de Saint-Isaac. – Place qui est une plaine. – Le sentiment de l’art manque aux Russes. – Quelle eût été l’architecture propre à leur climat et à leur pays. – Le génie de l’Orient plane sur la Russie. – Le granit ne résiste pas aux hivers de Pétersbourg. – Char de triomphe. – Profanation de l’art antique. – Architectes russes. – Prétentions du despotisme à vaincre la nature. – Ouragan au moment du mariage. – L’Empereur. – Expressions diverses de son visage. – Caractère particulier de sa physionomie. – Ce que signifie le mot acteur en grec. – L’Empereur est toujours dans son rôle. – Quel attachement il inspire. – La cour de Russie. – L’Empereur est à plaindre. – Sa vie agitée. – L’Impératrice y succombe. – Influence de cette frivolité sur l’éducation de leurs enfants. – Ma présentation. – Nuances de politesse. – Mot de l’Empereur. – Le son de sa voix. – L’Impératrice. – Son affabilité. – Son langage. – Fête à la cour. – Surprise des courtisans en rentrant dans ce palais fermé depuis l’incendie. – Influence de l’air de la cour. – Courtisans à tous les étages de cette société. – Ils ne sont pas moins à plaindre que tous les autres hommes. – Danses de cour. – La polonaise. – La grande galerie. – Admiration des esprits positifs pour le despotisme. – Conditions imposées à chaque gouvernement. – La France n’a pas l’esprit de son gouvernement. – Le plaisir n’est pas le but de l’existence. – Autre galerie. – Souper. – Le khan des Kirguises. – La Reine de Géorgie. – Sa figure. – Le malheur ridicule perd ses droits. – L’apparence trompe, moins qu’on ne le croit. – Habit de cour russe. – Coiffure nationale. – Elle enlaidit les laides et embellit les belles. – Le Genevois à la table de l’Empereur. – Trait de politesse de ce prince. – La petite table. – Imperturbable sang-froid d’un Suisse. – Effet du soleil couchant vu par une fenêtre. – Nouvelle merveille des nuits du Nord. – Description. – La ville et le palais font contraste. – Rencontre inattendue. – L’Impératrice. – Autre point de vue sur la cour intérieure du palais. – Elle est remplie d’un peuple muet d’admiration. – Joie menteuse. – Conspiration contre la vérité. – Mot de madame de Staël. – Plaisirs désintéressés du peuple. – Philosophie du despotisme.

Ce 14 juillet 1839. (Cinquante ans jour pour jour après la prise de la Bastille, 14 juillet 1789.)
Remarquez d’abord ces dates dont le rapprochement me paraît assez curieux. Le commencement de nos révolutions et le mariage du fils d’Eugène de Beauharnais ont eu lieu le même jour à cinquante ans de distance.
Je reviens de la cour après avoir assisté dans la chapelle Impériale à toutes les cérémonies grecques du mariage de la grande-duchesse Marie avec le duc de Leuchtenberg. Tout à l’heure, je vous les décrirai de mon mieux et en détail, mais avant tout, je veux vous parler de l’Empereur.
Au premier abord, le caractère dominant de sa physionomie est la sévérité inquiète, expression peu agréable, il faut l’avouer, malgré la régularité de ses traits. Les physionomistes prétendent, à juste titre, que l’endurcissement du cœur peut nuire à la beauté du visage. Néanmoins, chez l’Empereur Nicolas cette disposition peu bienveillante paraît être le résultat de l’expérience plus que l’œuvre de la nature. Ne faut-il pas qu’un homme soit torturé par une longue et cruelle souffrance pour que sa physionomie nous fasse peur, malgré la confiance involontaire qu’inspire ordinairement une noble figure ?
Un homme chargé de diriger dans ses moindres détails une machine immense, craint incessamment de voir quelque rouage se déranger ; celui qui obéit ne souffre que selon la mesure matérielle du mal qu’il ressent ; celui qui commande souffre d’abord comme les autres hommes, puis l’amour-propre et l’imagination centuplent pour lui seul le mal commun à tous. La responsabilité est la punition du souverain absolu.
S’il est le mobile de toutes les volontés, il devient le foyer de toutes les douleurs : plus on le redoute, plus je le trouve à plaindre.
Celui qui peut tout, qui fait tout, est accusé de tout : soumettant le monde à ses ordres suprêmes, il voit jusque dans les hasards une ombre de révolte ; persuadé que ses droits sont sacrés, il ne reconnaît d’autres bornes à sa puissance que celles de son intelligence et de sa force, et il s’en indigne. Une mouche qui vole mal à propos dans le palais Impérial, pendant une cérémonie, humilie l’Empereur. L’indépendance de la nature lui paraît d’un mauvais exemple ; tout être qu’il ne peut assujettir à ses lois arbitraires, devient à ses yeux un soldat qui se révolte contre son sergent au milieu de la bataille ; la honte en rejaillit sur l’armée et jusque sur le général : l’Empereur de Russie est un chef militaire, et chacun de ses jours est un jour de bataille.
Pourtant de loin en loin des éclairs de douceur tempèrent le regard impérieux ou Impérial du maître ; alors l’expression de l’affabilité fait tout à coup ressortir la beauté native de cette tête antique. Dans le cœur du père et de l’époux l’humanité triomphe par instants de la politique du prince. Quand le souverain se repose du joug qu’il fait peser sur toutes les têtes il paraît heureux. Ce combat de la dignité primitive de l’homme contre la gravité affectée du souverain, me semble bien curieux à observer. C’est à quoi j’ai passé la plus grande partie de mon temps dans la chapelle.
L’Empereur est plus grand que les hommes ordinaires de la moitié de la tête ; sa taille est noble quoiqu’un peu raide ; il a pris dès sa jeunesse l’habitude russe de se sangler au-dessus des reins, au point de se faire remonter le ventre dans la poitrine, ce qui a dû produire un gonflement des côtes ; cette proéminence peu naturelle nuit à la santé comme à la grâce du corps ; l’estomac bombé excessivement sous l’uniforme, finit en pointe et retombe par-dessus la ceinture.
Cette difformité volontaire qui nuit à la liberté des mouvements, diminue l’élégance de la tournure et donne de la gêne à toute la personne. On dit que lorsque l’Empereur se desserre les reins, les viscères, reprenant tout à coup, pour un moment, leur équilibre dérangé, lui font éprouver une prostration de

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