Le choix d Ulysse : mortel ou immortel ?
252 pages
Français

Le choix d'Ulysse : mortel ou immortel ? , livre ebook

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Description

Ulysse n'est pas un héros comme les autres. On peut considérer que son voyage retour est un voyage initiatique, et comparer les douze épreuves qu'il subit aux douze travaux d'Héraclès. Mais la comparaison s'arrête là et nous découvrons qu'Ulysse est d'abord un homme qui refuse l'immortalité qui lui est offerte. Homère aurait-il voulu dépeindre un homme nouveau, une sorte de surhomme ?

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Publié par
Date de parution 01 octobre 2013
Nombre de lectures 73
EAN13 9782336326092
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

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Extrait

GILBERT ANDRIEU
LE CHOIX D’ULYSSE : MORTEL OU IMMORTEL ?
Symboles de la mythologie grecque
Le choix d’Ulysse : mortel ou immortel ?
Gilbert Andrieu
Le choix d’Ulysse : mortel ou immortel ?Symboles de la mythologie grecque
Du même auteur Aux éditions ACTIO L’homme et la force, 1988 e L’éducation physique au XX siècle, 1990 Enjeux et débats en E.P., 1992 À propos des finalités de l’éducation physique et sportive, 1994 e La gymnastique au XIX siècle, 1997 Du sport aristocratique au sport démocratique, 2002 Aux PRESSES UNIVERSITAIRES DE BORDEAUXème Force et beauté. Histoire de l’esthétique en éducation physique aux 19 ème et 20 siècles, 1992 Aux éditions L’HARMATTANLes Jeux Olympiques, un mythe moderne, 2004 Sport et spiritualité, 2009 Sport et conquête de soi, 2009 Les demi-dieux, 2013 Œdipe sans complexe, 2013 Au-delà de la pensée, 2013
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-00360-3 EAN : 9782343003603
PRÉAMBULE  J’ai pu écrire, dans un autre travail, que l’aveuglement de Polyphème par Ulysse pouvait signifier qu’Homère opposait deux formes de regard, donnant la priorité, d’une certaine façon, à celui d’Ulysse sur celui de Polyphème. Le regard d’Ulysse serait notre regard ordinaire, binoculaire, celui que nous utilisons tous depuis que les hommes peuplent la terre, celui du fils de Poséidon étant un regard qui aurait existé avant la castration d’Ouranos par Cronos. Le passage de l’un à l’autre équivaudrait au passage d’un état divin à un état de mortel, plus ou moins éveillé, capable de servir de modèle à la cinquième race ! Ulysse serait un homme nouveau, l’homme du moment, 1 par opposition aux monstres venus d’un autre temps .  Une telle simplification ne paraît pas soutenable lorsque l’on se contente de suivre la légende sans s’interroger sur sa dimension symbolique. Or, le langage mythique est essentiellement un langage symbolique. Si nous relisons les aventures d’Ulysse, en nous efforçant de décrypter ce qu’Homère ne dit pas de façon explicite, nous sommes rapidement conduits à examiner les refus successifs de ce héros particulier. Ulysse n’est pas seulement avisé, ou même rusé, comme pourraient l’être les dieux, Prométhée pour commencer,
1 Il faut associer les deux poèmes d’Hésiode pour comprendre l’existence de cinq races d’hommes, la cinquième étant la nôtre, celle d’Hésiode et de son frère Persès. En fait, il n’y a pas des races, il y a seulement des hommes qui cherchent à comprendre le sens de leur vie. Hésiode nous propose une explication et Homère, en isolant Ulysse au sein de la quatrième race, semble participer à l’éducation du frère d’Hésiode. Ulysse est le mortel, le plus mortel des demi-dieux, autrement dit celui qui ne meurt pas devant Thèbes ou devant Troie parce qu’il doit servir de modèle à la cinquième race.
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Athéna dans le cas des aventures d’Ulysse, il est 2 essentiellement un mortel qui refuse l’immortalité .  Homère est un aède qui nous instruit par l’intermédiaire des mythes, non des mythes qu’il construit pour notre plaisir, mais des mythes qu’il reformule, comme les tragiques les reformuleront pour nous faire la morale. Or, les mythes sont en rapport bien plus étroit avec le religieux qu’avec le politique. Ce qu’une lecture, un peu trop objective, peut induire facilement, c’est l’idée que les poèmes d’Homère nous présentent une image de la société à un instant donné dans un espace donné. Si cela est indéniable, il n’en reste pas moins vrai qu’Homère, par le biais de la poésie, guide la pensée de ses contemporains vers des valeurs qui ne sont plus les nôtres. Il faut donc se méfier des mots, des images, des raisonnements, des rapports de cause à effet qui nous semblent retrouver la logique dans laquelle nous sommes enfermés.  Remarquons, pour commencer, que la rivalité entre Ulysse et Polyphème nous impose de considérer l’ensemble de l’histoire des dieux, telle qu’Hésiode nous la conte dans la Théogonie. Les Cyclopes, comme les Géants, font partie des premières divinités, celles que nous retrouvons dans la fameuse guerre que Zeus doit livrer pour prendre le pouvoir. Nous sommes donc invités à considérer ce qui se passe chez les dieux depuis l’origine, depuis que Gaia et Eros ont émergé de la Nuit. Toutefois, le plus important n’est-il pas de distinguer ce qui se passe au moment de la castration d’Ouranos, c’est-à-dire l’avènement du temps et de l’espace ? Désormais, il existe un 3 avant et un après . Hésiode nous donnerait l’envie de négliger
2 Je me suis toujours demandé qui était trompé dans le choix qui suit le sacrifice de Prométhée. Zeus pouvait-il se tromper ? Ne fallait-il pas saisir un autre enseignement dans le choix de Zeus ? Zeus n’avait-il pas choisi délibérément le lot qui permettait de construire la suite de l’histoire ? Les mythes sont des inventions des hommes, comme les dieux, et leur logique interne, d’un autre temps, est une logique mortelle qu’il faut retrouver. 3 Je ne reprendrai pas ici ce que j’ai pu écrire dans un premier ouvrage sur la 4 mythologieL’enseignement caché de la mythologie, Paris, L’H HÉSIODE La Théogonie. Les travaux et les jours. Traduction de Philippe Brunet.
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l’avant et de nous situer dans l’après sans trop nous poser de questions. Pourtant, l’après n’est qu’une description de ce que nous pouvons visualiser aisément tandis que l’avant relève davantage d’un enseignement initiatique. Il est plus difficile, en effet, de s’interroger sur la nature du Chaos ou de la Nuit, alors qu’il est relativement facile de voir que Zeus fut pensé comme un tyran par ceux qui ont imaginé les dieux à partir de ce qu’ils connaissaient.  Avant la castration d’Ouranos, les hommes n’existaient pas, si l’on en croit Hésiode. Ils apparaissent après, d’abord semblables aux dieux, puis de plus en plus différents, de plus en plus isolés du Ciel. Dans ses grandes lignes, la mythologie décrit les dieux comme s’ils étaient des hommes, mais des hommes qui seraient immortels. À partir du moment où ils sont placés sous la tutelle de Zeus, qui se comporte comme un tyran, les dieux occupent le Ciel alors que les hommes occupent la surface de la Terre. Cronos compte peu dans cette description en dehors du fait qu’il est à l’origine de l’espace et du temps, plus encore de la mort qui permet de distinguer les hommes des dieux. Retenons simplement que c’est l’apparition du temps et de l’espace qui autorise celle des hommes, non celle des dieux. Avant la castration d’Ouranos, il existait essentiellement la Terre, Gaia, autrement dit la matière originelle indispensable aux manifestations futures et Éros, la force, elle aussi indispensable, à la création du monde et à l’apparition de la vie. Avant la castration d’Ouranos, il n’était pas nécessaire de parler de mort ou d’immortalité, il n’existait que des manifestations en puissance, des forces émanant de la Nuit et non encore éclairées par le Soleil, dans un espace qui n’existait pas puisque Ouranos recouvrait parfaitement Gaia.  Toutes les légendes, chacune à leur façon, nous situent après la castration et nous laissent entendre que l’enjeu de la vie, pour les mortels, réside dans l’effort, souvent démesuré, qui
Commentaires de Marie-Christine Leclerc. Paris, Poche, 1999. En s’adressant à son frère Persès pour lui faire la morale, Hésiode utilise, selon ses dires, une fable qui consiste à classer les différentes races d’hommes depuis leur origine et à en souligner les qualités comme les défauts majeurs.
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accompagne le besoin de redevenir des dieux. La mort ne serait qu’un moment particulier dans le déroulement de la vie et correspondrait à l’amorce de cette métamorphose.  Les mythes existaient avant qu’Hésiode ne s’en saisisse, mais son effort pour leur donner du sens et les hiérarchiser ou les utiliser nous aide à dépasser la simple superstition, à dépasser l’idolâtrie, à comprendre que le respect des dieux est utile à l’homme et que la vie sur terre ne se limite pas à penser ou à faire. Quatre races ont précédé la nôtre et lorsque nous étudions la quatrième, celle des demi-dieux, nous comprenons qu’elle représente surtout un modèle dominé par une moralité adaptée au moment de sa présentation. Hésiode nous demande de vivre comme eux, peu importe si leur histoire n’a qu’un ancrage imaginaire dans le temps. Le temps n’a pas de valeur en soi, il n’est pas un objet, il n’est pas un dieu, il est la conséquence d’un crime et ce crime consiste à remplacer l’obscurité par la lumière, le ressenti par le vérifié, l’implicite par l’explicite. Cronos n’est pas le temps, il l’introduit dans l’aventure des dieux et, ce faisant, engendre une race nouvelle, celle des hommes semblables aux dieux.  La quatrième race représente la race humaine qui doit faire la preuve de sa capacité à redevenir divine et elle ne peut le faire qu’en acceptant la mort que le destin a filée pour elle.  À partir du moment où l’objectif pédagogique des poètes s’est confondu avec l’effort d’expliquer et de maîtriser le changement, il fallait bien qu’ils trouvent un avant pour justifier un futur. Hésiode ne pouvait qu’imaginer une origine de la vie à partir du moment où il voulait guider l’homme de la cinquième race vers un idéal, où il voulait infléchir la vie des hommes vers une transcendance. S’il aboutit au Chaos en cherchant une origine à la vie, cela n’en reste pas moins une construction dont la logique se cache derrière des images, des symboles, derrière une présentation sociopolitique qui nous invite à le suivre les yeux fermés.  Homère a-t-il ressenti le même besoin qu’Hésiode, a-t-il pensé à Ulysse comme Hésiode a pensé à Persès ? Toujours est-il qu’il nous présente Ulysse distinctement des autres héros, qu’il lui fait faire un voyage particulier dont le sens ne peut se
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limiter au seul désir de retrouver sa patrie et, bien entendu, son épouse.  Si Héraclès doit surmonter de multiples épreuves afin d’acquérir un comportement divin et connaître, après sa mort, la jeunesse éternelle, Ulysse, comme bien d’autres héros de la 4 quatrième race , doit surmonter lui aussi des épreuves. Cependant, à la différence des principaux héros qui combattent devant Troie, Ulysse reste concentré sur l’efficacité de chacun de ses combats, apparaît comme un parfait stratège avant de devenir un monarque respectueux des dieux et appliquant sur terre un ordre semblable à celui qui règne au Ciel. Dans ce cas particulier, il s’agirait d’initier un mortel, de lui révéler en quelque sorte les règles dictées par le premier de tous les 5 monarques, c’est-à-dire Zeus .  Mais, Ulysse revient à Ithaque et son voyage retour est présenté comme un voyage initiatique, non comme un simple voyage difficile compte tenu des formes de navigation à cette époque.  D’une certaine façon, Ulysse s’inscrit dans le temps et dans l’espace, mais ces éléments fondamentaux n’ont pas la rigueur que nous connaissons aujourd’hui. Si des durées sont offertes au lecteur, ce sont des durées plus symboliques que réelles, par exemple la traversée de Schylla jusque chez Calypso sur une simple poutre en neuf jours et neuf nuits. Je sais qu’aujourd’hui il est possible de traverser l’océan Pacifique à la rame, mais la comparaison reste plaisante plus qu’utile à 6 notre recherche .
4  HÉSIODE La Théogonie. Les travaux et les jours. Traduction de Philippe Brunet. Commentaires de Marie-Christine Leclerc. Paris, Poche, 1999. En s’adressant à son frère Persès pour lui faire la morale, Hésiode utilise, selon ses dires, une fable qui consiste à classer les différentes races d’hommes depuis leur origine et à en souligner les qualités comme les défauts majeurs. 5  Bien entendu, il ne s’agit pas d’initiation au sens où nous le concevons ordinairement. Dans le mythe cela paraît possible, mais dans la réalité d’Homère, nous devons plutôt penser qu’il s’agit d’une éducation particulière, une éducation comme aurait pu la donner Chiron à Héraclès et bien d’autres héros, une éducation de prince si l’on veut ! 6 Lorsque Ulysse fabrique son radeau en quatre jours, nous ne sommes pas loin des épisodes deLa légende des siècleset Victor Hugo semble retrouver le merveilleux d’Homère.
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