Le Magnétiseur
169 pages
Français

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Le Magnétiseur , livre ebook

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Description

Extrait : "– Quelle heure est-il? – Midi, madame. – C'est odieux ! Tout aussitôt la duchesse d'Avarenne se leva de son vaste fauteuil, fit un tour dans l'énorme chambre où elle se trouvait, s'arrêta devant un lit à estrade qui en occupait le fond, le considéra quelques instants, haussa les épaules avec un air d'humeur et se détourna vivement."

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Nombre de lectures 40
EAN13 9782335040357
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335040357

 
©Ligaran 2015

I  La duchesse d’Avarenne  

1787
– Quelle heure est-il ?
– Midi, madame.
– C’est odieux !
Tout aussitôt la duchesse d’Avarenne se leva de son vaste fauteuil, fit un tour dans l’énorme chambre où elle se trouvait, s’arrêta devant un lit à estrade qui en occupait le fond, le considéra quelques instants, haussa les épaules avec un air d’humeur et se détourna vivement. Elle continua sa promenade, prit en passant devant un canapé un manchon qu’on y avait posé, le tourna, le retourna, en lissa la noire fourrure avec sa blanche main, puis le jeta sur un autre meuble. Elle s’approcha d’une console, dérangea trois ou quatre tasses, ouvrit et referma un livre qu’elle rencontra sous ses yeux, et alla s’asseoir devant une toilette couverte en basin blanc. Là, elle se mit à se regarder dans la glace en la touchant presque du visage ; alors, du bout de son doigt, elle écarta ses lèvres et examina ses dents étincelantes de blancheur avec une attention minutieuse, puis elle se recula un peu, ferma les yeux à moitié, se donna quelques airs de tête, jeta un œil de poudre sur deux boucles qui laissaient percer le noir de jais de ses cheveux, enleva avec la lame d’or d’un couteau de toilette le blanc que la houppe avait déposé sur son front, unit avec le coin d’un mouchoir le rouge qui cachait ses jeunes couleurs, et reprit : – Que fait-on là-bas ?
– Monsieur le marquis reçoit les gens du bailliage qui viennent lui présenter leur hommage.
– Qui ça ?
– Il y a, je crois, madame, le juge et les avocats de la juridiction de monsieur le marquis, le maire et les consuls du bourg, le curé et les chanoines de l’abbaye de Saint-Severin.
– Comment sont-ils faits ?
– Qui, madame ? les chanoines ?
– Tous ?
– Mais, madame, ils sont faits… ils sont faits comme tout le monde.
– Ah !
Et la duchesse d’Avarenne continua son manège devant sa glace, mirant ses mains, sa taille, sa gorge, se minaudant, se faisant la révérence, se disant un petit bonjour de la main, puis elle ajouta :
– Ah ! ils sont faits comme tout le monde.
– D’ailleurs madame la duchesse peut les voir, car j’entends que la réception est finie, et les voilà qui sortent du grand salon.
– Voyons…
La belle duchesse alla vers la croisée qu’Honorine venait d’ouvrir, se pencha sur le balcon avec un long bâillement et se mit à regarder dans l’immense cour d’honneur qui précédait le château de Lagarde. Une douzaine de personnes descendaient le perron qui menait au rez-de-chaussée.
– Quel est cet homme en velours noir, auquel parle mon père ?
– Madame, c’est le docteur Lussay.
– Ça, un docteur ? il n’a pas trente ans !
– On dit pourtant que c’est un très savant médecin ; et puis un homme terrible, madame.
– Bon ! c’est un avorton. S’il m’appartenait, j’en ferais un nain. Est-ce que ces chanoines ne sentent pas mauvais ?
– Madame, ce sont tous des prêtres très respectables.
– Ils ne sont pas très gras. Qu’est-ce que c’est que tous ces gens là-bas, près des écuries ?
– Ce sont des fermiers qui attendent leur tour pour présenter leur hommage à monsieur le marquis.
– Est-ce que les fermiers portent de la poudre en Auvergne ?
– Non, madame, jamais.
– Qu’est-ce que c’est donc que ce paysan qui cause avec ces deux filles ?
– C’est Jean, madame.
La duchesse se retourna au soupir qui s’échappa de la bouche d’Honorine lorsque la jeune fille lui fit cette dernière réponse, puis elle ajouta :
– Ce garçon est ton amoureux ?
Honorine devint rouge et triste, et répondit en secouant la tête avec un sourire mélancolique :
– Hélas ! non, madame, ce n’est pas mon amoureux !
– Eh bien, pourquoi n’est-il pas ton amoureux ?
– Oh ! madame, Jean ne fait pas attention à une pauvre fille comme moi : c’est un meunier qui est riche, et il y a plus d’un bourgeois de la ville qui lui donnerait sa fille…
– En mariage ? à un paysan !
– À coup sûr, madame.
– Ces bourgeois-là se vendraient pour un écu. Ils ont pourtant une sorte de rang entre eux.
– Ah ! madame, il y a des bourgeoises de la ville, des plus huppées et des plus jolies, qui ne disent pas comme vous ; et si le maire et le premier échevin sont brouillés et ont failli se battre, il y a quelques mois, c’est que leurs femmes en voulaient toutes deux.
– Pour leurs filles ?
– Oh ! non, madame, pour elles.
– C’est bien différent. Ah ! ce garçon a des maîtresses parmi vos bourgeoises ?
– Et parmi les dames aussi.
– Comment ça ?

– Dame ! on dit que la femme du seigneur du Berbis lui donnait des rendez-vous la nuit dans le petit bois de l’Étang.
– Dans un bois ! elle est donc folle, cette femme ? ça n’a donc pas une chambre ?
– Oh ! madame, c’est qu’on ne fait pas faire tout ce qu’on veut à Jean, et on le prend comme on peut.
– Mais c’est donc un héros que ce garçon ? qu’est-ce qu’il a donc de si séduisant ?
– Dame ! madame, c’est qu’il est très beau, voyez-vous ; une si belle figure ! et tourné comme un seigneur !
– Ah ! il est beau ? c’est l’Apollon de l’Auvergne !
– Et puis, madame, il y a autre chose, c’est qu’il ne pense qu’à ça.
– À quoi ?
– On dit, madame, on dit que c’est un enragé après les femmes.
À ce singulier propos, la duchesse regarda Honorine ; mais il y avait tant de bonne foi dans le visage de la jeune fille, que madame d’Avarenne vit bien qu’elle n’attachait pas un sens exact à un mot qu’elle avait sans doute entendu et qu’elle redisait tout naïvement ; aussi la duchesse se mit-elle à rire en répétant deux ou trois fois :
– Ah ! c’est un enragé après les femmes. Voyons un peu ce superbe. Donne-moi ma lunette.
Honorine rentra dans la chambre, et la duchesse, demeurée sur le balcon, promena autour d’elle un regard ennuyé qui s’arrêta subitement sur la grande avenue qui, du bourg de l’Étang, montait jusqu’au château. Elle prit vivement la lunette que lui présenta la jeune fille ; mais, au lieu de la diriger sur le beau meunier, comme celle-ci s’y attendait, elle regarda attentivement dans l’avenue. Enfin elle murmura avec un dépit marqué :
– Oui, c’est le carrosse de mon oncle, c’est lui… Oh ! c’est trop violent… ce n’est pas assez de l’exil, on veut encore m’infliger le sermon. Oh ! qu’il reste à prêcher ses ouailles de Clermont, monsieur l’évêque auvergnat ! C’est juste, mon père a appelé un auxiliaire. J’écrirai au prince, il faut que tout ceci finisse ; je suis lasse d’être persécutée.
Aussitôt elle quitta le balcon avec humeur, jeta sa lunette sur une table et s’assit dans son grand fauteuil, où elle demeura plongée dans ses réflexions jusqu’à ce que le bruit des roues vînt l’avertir que le carrosse entrait dans la cour. Aussitôt elle se leva violemment ; et, prenant un parasol, elle s’apprêta à sortir en disant à Honorine :
– Je suis malade pour toute la journée ; je ne puis sortir de ma chambre ni recevoir personne, entends-tu ? tu diras cela à mon père, s’il me fait demander ou s’il veut m’amener mon oncle.
– Oui, madame.
– S’il arrivait un courrier, fais sonner un retour par Dubois, sans lui dire pourquoi ; je saurai ce que cela signifie.
– Oui, madame.
La duchesse gagna, par un long corridor, un escalier qui descendait à l’une des extrémités des bâtiments, en sortit furtivement et s’enfonça rapidement dans un bois qui était tout proche. Pendant quelques moments, elle marcha avec rapidité, écoutant avec anxiété si elle n’était pas poursuivie ; puis, lorsqu’elle fut assez avant dans le taillis pour qu’a

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