Le piano carré

Sarah Kirschner Bookless-Editions

Description

Le jour de son mariage, Aénor hérite du célèbre Piano carré. Or, un talent insoupçonné pour la musique se révèle, dès que les doigts de la jeune femme effleurent les touches de l'instrument ; commence alors une carrière flamboyante. Serait-ce un subit don du ciel ? Le piano serait-il magique ? " Magique " ne semble pas être le terme approprié...

Sujets

• Littérature

Informations

• Publié par: Bookless Editions
• Date de parution: 01 novembre 2014
• Nombre de lectures: 13
• EAN13: 9782372222068
• Langue: Français

Extrait

Sarah KIRSCHNER LE PIANO CARRÉ

Le piano carré Sarah Kirschner © Bookless-editions Tous droits réservés Novembre 2014

LePiano carré

C’était un piano carré surgi de temps oubliés, auss i rectangulaire que pouvaient l’être les pianos carrés produits sous le règne de Bonaparte. Une pièce de musée rarissime que certains connaisseurs auraient acheté à prix d’or, s’il n’avait été depuis des décennies la propriété exclusive de l’une des p lus célèbres pianistes du siècle dernier : Iseut aux blanches mains, ainsi baptisée pour l’extraordinaire pureté de son jeu. Cependant, l’artiste virtuose avait tourné la page de la musique, le piano s’était tu ; et à présent, Aénor contemplait, ahurie, le paquet volumineux qui trônait au beau milieu de son allée. Elle relut le billet qui accompagnait l’étrange livraison :Ma chérie, puisses-tu faire que ce noble présent retrouve avec toi sa gloire d’antan. Sois heureuse pour toujours, je t’embrasse et place en toi tous m es espoirs. Tatie Iseut. Drôle de cadeau pour mon mariage, songea la jeune fiancée, p lus embarrassée que touchée par pareil legs. En effet, la vieille tante avait toujo urs vécu drapée dans sa gloire et sa solitude, en marginale adulée de tous, et Aénor, qu i l’avait longtemps admirée durant l’enfance, avait fini par considérer en grandissant que son don vertigineux avait coûté à la célèbre Iseut sa vie de femme. Qu’espérait-elle donc, cette dame haute et fine, fière et glaciale depuis toujours, aux portes de la mort ? Tandis que le piano était déposé dans la bibliothèq ue à l’aide d’une astucieuse machine robotisée, Aénor s’inquiétait des querelles familiales que risquait de lui valoir cet héritage avant l’heure. Un cadeau bien encombra nt en somme, qui lui resterait sur les bras au titre de meuble de famille, conclut-ell e en signant, résignée, le bon de livraison qu’on lui tendait. Pourtant, une fois restée seule avec cet instrument d’un autre âge, une réminiscence attendrissante surgit dans la mémoire de la jeune f emme. Elle se souvint du temps où, fillette, elle rêvait de pouvoir toucher ce piano m agique, le seul sur lequel sa prestigieuse parente se fût jamais produite, grande prêtresse ressuscitant les génies de Brahms, Liszt, Chopin et de tant d’autres, nichée a u creux d’orchestres à la renommée internationale qui lui étaient comme autant d’écrin s. Elle revit la virtuose solitaire prenant sa retraite dans une demeure trop grande, r efermant pour toujours le piano fabuleux et interdisant à quiconque de s’aventurer à ses alentours, elle qui en conservait nuit et jour la petite clé d’or autour d u cou. Les fauteuils ayant été poussés contre les étagères , le piano trônait maintenant au beau milieu de la bibliothèque, faute d’un...