Le Revenant du château de La Garde
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Le Revenant du château de La Garde , livre ebook

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Description

Le château de La Garde est-il hanté ? C'est du moins ce que semblent penser les domestiques, laissés seuls au château alors que la peste ravage les grandes villes et se propage en province. Madame de La Garde, inquiète pour la santé de sa fille et de celle de son amie, et ignorante des derniers événements survenus au château, décide de leur faire quitter précipitamment le couvent, sans explications, pour les faire accompagner en un lieu qu'elle imagine sûr. Elles vont alors vivre une nuit entre ces murs, entre angoisse et terreur...


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 mai 2013
Nombre de lectures 36
EAN13 9782368860229
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dans le courant de l’hiver de l’année 1643, le bruit se répandit à Paris que la peste s’y était déclarée, et ce bruit, grossi par l’effroi, amena bien des départs précipités, quoique la police n’épargnât rien pour tranquilliser les esprits. Tous les jours, le quartier du Marais, où habitait la noblesse à cette époque, se dépeuplait, et des familles entières, malgré la rigueur de la saison, s’empressaient de quitter la capitale, et de fuir un péril imaginaire. Ce fut bien pis lorsqu’on publia que le fléau s’était propagé dans les provinces ! Ceux qui étaient sortis de la capitale ne savaient plus s’ils devaient y rentrer, et ceux qui y restaient encore, hésitaient à s’en éloigner.
Madame du Ligier de La Garde, dont le mari était maître d’hôtel de la reine-mère Anne d’Autriche, et qui remplissait elle-même une charge analogue auprès de cette princesse, se voyait forcée de demeurer à la cour, résidant alors au château de Saint-Germain-en-Laye. Or, sa fille Antoinette, âgée de neuf ans, se trouvait seule à Paris, loin des yeux et des soins de sa famille, dans le couvent des Carmélites de la rue du Bouloy, pour y commencer son éducation. Madame de La Garde frémit du danger qui pouvait menacer son enfant, au milieu d’une ville infectée par la contagion et dans le sein d’une communauté religieuse où ne pénétraient pas facilement les secours de l’art. Elle eût voulu, pour rassurer sa tendresse, protéger de ses regards maternels cette jeune tête sur laquelle reposaient tant d’espérances, mais des ordres sévères de la cour ne permettaient à personne de venir de Paris à Saint-Germain, et elle se fût exposée à une disgrâce en même temps qu’à la perte de sa charge si elle avait essayé de s’absenter pour se rendre auprès de sa fille. Une de ses amies, madame d’Urtis, était dans une position identique : mademoiselle Thérèse d’Urtis, qui avait à peu près l’âge de mademoiselle de La Garde, élevée dans le même couvent qu’elle, devait être également séparée de sa mère par des obstacles résultant de la charge de celle-ci dans la maison de la reine. Les deux mères se confièrent donc leurs inquiétudes, et tinrent conseil pour les faire cesser, en écartant leurs enfants du foyer de l’épidémie.
Un matin, pendant que Thérèse et Antoinette se promenaient, côte à côte, dans le cloître du couvent de la rue du Bouloy, et se récitaient mutuellement quelques vers qu’elles avaient retenus de leurs lectures d’enfance, on les avertit de se préparer à monter en carrosse. Elles bondirent de joie, à cette nouvelle, sans s’informer du motif d’une sortie contraire à la règle du couvent, et l’idée ne leur vint pas d’en tirer un fâcheux augure. Elles se hâtèrent de revêtir leurs plus beaux habits des jours de fête, leurs robes de taffetas toutes garnies de rubans et de dentelles, avec leurs souliers de satin à talons rouges et leur béguin de velours noir à passements d’argent, toilette mondaine et coquette qui ne se sentait pas du costume lugubre et austère des religieuses Carmélites.
Antoinette de La Garde était déjà jolie, avec ses yeux vifs, son teint vermeil, sa bouche toujours souriante, son air espiègle et mutin ; Thérèse d’Urtis ne le cédait pas en beauté à sa compagne, quoique ses cheveux fussent blonds comme de l’or au lieu d’être noirs comme le plumage d’un corbeau, quoique sa physionomie noble et presque grave eût, dans sa pâleur et dans son immobilité, une expression habituelle de mélancolie. Aussi leur avait-on donné des surnoms qui convenaient bien à leur figure et à leur caractère dissemblables ; on appelait l’une Feuille-Morte et l’autre Printanière. À coup sûr, ces sobriquets n’avaient pas été imaginés dans l’austérité du cloître, mais parmi les délicatesses de la société des Précieuses, où brillaient à la fois l’esprit et les charmes de mesdames de La Garde et d’Urtis, qui ne différaient pas plus que leurs filles entre elles.
– Bonjour, Germain ! dit avec pétulance mademoiselle de La Garde au cocher de sa mère, qui attendait à la porte avec la voiture. Que se passe-t-il donc à la cour, s’il vous plaît, pour qu’on songe à nous tirer de notre purgatoire ?
– Le roi est peut-être décédé ? dit mademoiselle d’Urtis, avec douceur. J’en aurais beaucoup de déplaisir, car la mort d’un roi de France me semble de plus haute conséquence que la mort d’un oiseau, et j’ai versé force larmes quand mon perroquet a été tué par le singe de madame la supérieure...
– Mesdemoiselles, dépêchons ! interrompit Germain, en fermant la portière du carrosse dans lequel il avait fait monter les deux amies : Madame m’a commandé de ne m’arrêter guère dans la ville.
– Il faut que la chose presse ? reprit Antoinette, riant de la grimace mystérieuse du cocher. Sans doute que notre couvert est mis à Saint-Germain et que le roi ne veut pas dîner sans nous ?
– Je suis sûre qu’il y a quelque mort ! murmura Thérèse qui ne put se défendre d’une émotion d’anxiété. J’ai rêvé, cette nuit, que je cueillais des soucis et des immortelles, c’est un méchant pronostic.
– Et moi, j’ai rêvé que je faisais des pelotes de neige, et, en effet, il a neigé toute la nuit durant.
– Vois-tu, Printanière, nous n’allons pas à Saint-Germain. Ce n’est pas la route que prend le carrosse.
– Hé, Germain, mon ami, as-tu la visière nette ou troublée ? demanda mademoiselle de La Garde. Ta raison est-elle restée dans la bouteille ? Tu te trompes de chemin et tu touches tes chevaux en aveugle. Où nous conduis-tu ?
– À La Garde, Mademoiselle, sauf votre respect, comme ordonne Madame.
– À La Garde ? s’écria la jeune fille, bondissant à ce nom qui lui rappelait un temps de liberté et de récréation que le couvent lui avait fait regretter bien des fois. Sommes-nous en vacances ?
– Je ne sais rien, Mademoiselle, sinon que je dois vous mener à La Garde, et vous y laisser sous la surveillance de Marie-Jeanne, la femme du jardinier. Ainsi, ne trouvez pas mauvais que j’obéisse à Madame.
– Je le trouve très bon, au contraire ! reprit gaîment Antoinette, qui voyait sans appréhension le but de ce voyage qu’elle ne comprenait pas : je vais réaliser mon rêve, et faire des pelotes de neige tout à mon aise.
La Garde était un ancien château féodal, dont le père d’Antoinette tirait son nom patronymique. Ce château, qu’on a rebâti depuis avec l’architecture du XVIII e siècle, présentait encore en 1643 l’aspect d’une forteresse flanquée de tours, munie de créneaux et entourée de fossés. L’intérieur de ce manoir répondait à son extérieur et témoignait partout de son antiquité. Vastes salles, aux murailles tendues de tapisseries ou couvertes de cuir doré, aux larges cheminées à manteau exhaussé, aux fenêtres étroites fermées de petits vitraux ; longues galeries décorées de trophées d’armes et de portraits de famille ; sonores escaliers en colimaçon ; multitude de chambres et de cabinets, de portes et de trappes ; meubles rares et délabrés ; pavé froid et humide ; en un mot, habitation aussi triste que peu commode. C’était là pourtant que les aïeux de madame de La Garde confinaient leur vieillesse, après une vie consacrée au service de leur pays et de leur souverain. Madame de La Garde, que son rang retenait à la suite de la cour, ne venait que très rarement visiter ce château ; mais sa fille y avait été élevée jusqu’à ce qu’elle fût en âge d’être admise au couvent. Ce fut donc avec bonheur que mademoiselle de La Garde, après une route de cinq heures par des chemins presque impraticables, reconnut de loin les combles d’ardoise du vieux château.
– Oh ! ma petite Feuille-Morte, dit-elle en l’embrassant, que je suis heureuse de ce qu’on nous traite comme des enfants ! C’est ici que nous nous amuserons, sans penser qu’il y a des couvents au monde !
La voiture s’était arrêtée. Germain, descendu de son siège, sonnait et frappait à la porte d’honneur, qui retentissait sous les coups et ne paraissait pas devoir s’ouvrir ; on n’entendait ni pas ni voix, dans la maison ou dans les cours ; seulement les corneilles s’envolaient hors de leurs nids et planaient effrayées autour des girouettes en poussant des cris plaintifs. Germain continuait d’appeler et de heurter, non sans s’impatienter du retard qu’on mettait à lui ouvrir.
– Bonté de Dieu ! murmura-t-il : sont-ils tous morts de la peste ?
– Ah ! c’est Germain ! s’écria de loin Marie-Jeanne, qui arrivait enfin lentement et avec une espèce de défiance pour connaître la cause de ce vacarme. C’est Madame !... Non, c’est Mademoiselle !
Et la vieille paysanne, que son mari plus vieux et plus cassé accourait rejoindre, s’approcha du carrosse, aida les deux enfants 

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