Le roman contemporain
211 pages
Français

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Le roman contemporain , livre ebook

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Description

Au tournant du millénaire, fascinées par tout ce qui s'apparente de près ou de loin à l'Apocalypse, les Lettres françaises entretiennent volontiers un climat de fin de partie : clonage et disparition de l'homme (Houellebecq, Dantec), culte de la fête ultime (Beigbeider, Murray), syndrome de Zidane (Toussaint). Dans le même temps, oeuvrant à contre-courant, d'autres romanciers se montrent au contraire fascinés par les commencements, qu'il s'agisse de néolithique (Montalbetti, Bergounioux), des grottes ornées (Chevillard, Michon, Rouaud). Si bien que la littérature contemporaine, ressemble à Janus, le dieu romain à deux visages.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2009
Nombre de lectures 61
EAN13 9782336278490
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296073302
EAN : 9782296073302
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace De clones et de fossiles D’un ton apocalyptique Pour une grammaire du dénouement Palinodies « Préhistoires » Vanités Critiques Littéraires
Le roman contemporain
Janus postmoderne

Michel Lantelme
Du même auteur
La Grande pitié des monuments de France , Septentrion, 1998. Malraux. Portrait avec mains , Septentrion, 2003. Écrivains de la préhistoire (éd.), P.U. Toulouse-Le Mirail, 2004. Jean Rouaud , Bordas, coll. « Écrivains au présent » (à paraître, 2009)
Pour ma mère
De clones et de fossiles
Dans Les Absences du capitaine Cook (2001), Éric Chevillard se propose de nous conduire sur les rivages qui ont échappé au zèle du célèbre explorateur. Beau programme pour un livre inclassable qui, alliant humour et débauche d’imagination, explore quelques-unes des potentialités du roman postmoderne. Comme à son habitude, Éric Chevillard nous offre ainsi les délices d’une prose incisive, érudite, tout entière fondée sur la plus pure jouissance du texte. Parmi tous les éléments qui distinguent ce roman, une facétie en particulier a toutes les chances de frapper l’imagination du lecteur. En son milieu, le roman réserve une surprise même à ceux qui sont accoutumés à l’œuvre de Chevillard. Au chapitre dix-neuf en effet, le héros sans nom, désigné d’une simple périphrase — « notre homme » — décide tout bonnement d’adopter la marche en arrière, « la nuque, le dos, les fesses, les mollets et les talons constituant pour changer le côté face de notre individu, son côté présentable [...] » 1 . Ce mode de déplacement favorise, paraît-il, les rencontres imprévues. Et c’est ainsi que toute la seconde moitié du roman se parcourt à reculons, nous obligeant — exercice spirituel autant que physique — à faire machine arrière. Mouvement de ressac d’autant plus irrésistible que le lecteur avait été emmené jusque-là sur un rythme endiablé et se sait désormais exposé à une nouvelle palinodie et aux caprices de ce personnage évocateur de Janus, le dieu romain doté de deux visages, l’un tourné vers l’avant, l’autre vers l’arrière. Et de fait l’œuvre romanesque de Chevillard dans son ensemble manie l’art de la volte-face. Il y a là de quoi donner le tournis au lecteur le plus avisé : on franchira désormais aisément les millénaires, en deux enjambées comme en deux phrases et la peinture abstraite voisinera avec l’art rupestre, le cinéma avec l’âge du bronze. Pour autant, le phénomène ici décrit n’est nullement anecdotique. Bien au contraire, ce mouvement est celui-là même de la littérature française contemporaine. Laquelle nous fait sans cesse osciller entre la fuite en avant et la fuite en arrière, et présente deux visages distincts. Une partie de la production littéraire, tournée vers le futur, fait volontiers résonner les trompettes de l’Apocalypse, tandis qu’une autre partie, engagée dans un travail archéologique, s’emploie à ressusciter le passé le plus lointain de l’espèce.
De ces deux tendances, la première est sans doute la plus familière. Comme chacun le sait, la perspective du changement de millénaire tant anticipé dans la dernière décennie du XX e siècle a donné naissance à de nombreuses œuvres de fiction traitant du thème de la fin. Ces œuvres présentent bien des points communs avec la littérature fin-de-siècle de la dernière décennie du XIX e  : le culte de la décadence (Virginie Despentes), du simulacre et de la fête (Frédéric Beigbeder), allié à une sexualité débridée (Caroline Lamarche, Catherine Millet), et la peinture de la déchéance morale contemporaine (Michel Houellebecq, Pascal Bruckner) ne sont pas sans évoquer Huysmans et ses contemporains. Pourtant la production littéraire des années 90 se distingue de celle du siècle précédent par la nature même de ce qui est en cause. Tandis que le XIX e siècle était le grand siècle de l’Histoire, faisant de celle-ci une science positiviste, la fin du XX e siècle va s’employer au contraire à instruire le procès de l’Histoire.
Le mythe de la fin touche à plusieurs domaines qu’il convient de distinguer pour la clarté de l’analyse, même si les interférences sont nombreuses. On peut en effet avancer que les vingt dernières années ont été placées sous le quadruple signe de la fin des idéologies, de l’homme, de l’Histoire et de la littérature. Laquelle littérature, comme nous serons amenés à le vérifier, ne s’excepte évidemment pas de ce climat de fin de partie, qu’elle contribue plutôt à entretenir.
Que l’effondrement du communisme soit apparu comme un tournant est une chose suffisamment évidente pour qu’il soit inutile de s’y appesantir ici. Avec la disparition de la seule idéologie ayant été historiquement capable de s’opposer à lui et de proposer une alternative à son modèle d’organisation économique et sociale, le capitalisme s’est retrouvé presque du jour au lendemain sans adversaire à sa mesure et a pu s’étendre à la majeure partie de la planète. La chute du mur de Berlin et la fin de l’empire soviétique ont certes été vécues comme une réelle avancée de la démocratie. Pour autant la perte des repères entraînée par l’effondrement du communisme a bien vite été ressentie comme un défi. Pour le meilleur ou pour le pire, nous vivons à l’heure de la globalisation, notre existence étant plus que jamais dictée par l’économie de marché. Si les tenants du progrès se sont empressés, dès les années 90, de mettre à l’ordre du jour la thèse de la fin de l’Histoire (Francis Fukuyama), d’autres se sont employés à réfléchir sur l’après du communisme et l’héritage de Marx (Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy), à une époque où le rêve d’une société égalitaire et fraternelle apparaît plus improbable que jamais, voire même suspect. La désillusion occasionnée tant par le système capitaliste que par l’échec des révolutions transparaît de façon manifeste dans Les Anges mineurs (1999) d’Antoine Volodine. Et ce n’est sans doute pas un hasard si les personnages de cet écrivain attiré par les cultures asiatiques (chamanisme, Bouddhisme) n’appartiennent à aucun monde particulier mais errent plutôt dans le « bardo » tibétain, l’espace intermédiaire qui succède à la mort. Le « bardo » n’est-il pas une autre manifestation de l’entre-deux, un autre nom pour désigner cette hésitation, cet état de suspens entre un avant et un après, symptomatique de la littérature contemporaine ?
La situation politico-économique de la fin du XX e siècle s’est vue doublée d’une nouvelle menace, cette fois-ci d’ordre éthique. Depuis la seconde guerre mondiale et la multiplication des armes atomiques, nous savions l’homme capable d’autodestruction. Les progrès sans précédents de la biologie et les manipulations que celle-ci autorise, même si ces possibilités restent pour l’heure — mais pour combien de temps encore ? — du domaine théorique, nous font entrevoir un scénario apocalyptique encore plus effrayant peut-être que la menace nucléaire ou terroriste. Depuis le clonage de Dolly (1996) et le déchiffrage de l’ADN, nous vivons avec le spectre d’une mutation génétique fatale pour l’espèce humaine. D’où le ton volontiers apocalyptique adopté par le roman français. Si l’on en croit Maurice G. Dantec, « l’Apocalypse est bien notre Époque. Elle s’est forgée au XX e siècle, elle est née d’Auschwitz et de Hiroshima, de Gagarine et de Armstrong [...], elle s’accomplit dans les nouvelles “formes de vie” du clonage et du génodécryptage [...] » 2 . Avec le clonage, l’espèce humaine apparaît aujourd’hui comme la seule espèce ayant organisé les conditions de sa propre disparition. Nous serions, en somme, guettés par le même destin que celui des habitants de l’île de Pâques, condamnés nous aussi à l’extinction. Ce scénario particulièrement anxiogène fournit à Michel Houellebecq l’argument central des Particules élémentaires (1998). Maniant le spectre d’une science coupée de tout contrôle éthique, ce roman exemplifie l’impression de fin de partie qui caractérise la période.
Plus que jamais le scénario de la fin de l’homme hante donc les imaginations, d’autant qu’il bénéficie d’un apport considérable : le calendrier. A la perspective du très mythique An 2000, les chimères millénaristes se sont tout naturellement réveillées, et avec elles quelques-u

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