Les Bourgeois de Garocelle
204 pages
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Les Bourgeois de Garocelle , livre ebook

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Description

Extrait : "En 1846, vers le milieu de la rue Saint-André-des-Arts, une maison bombait au-dessus du trottoir sa façade jaune où se lisait, peinte en lettres dorées de la plus grande dimension, cette enseigne : « Hôtel de la Boule-d'Or. » Cette maison à cinq étages, aux fenêtres rapprochées et garnies uniformément de rideaux rouges, présentait, à son rez-de-chaussée, une boutique où les locataires et quelques pensionnaires venaient prendre leurs repas."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 19
EAN13 9782335102284
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0008€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335102284

 
©Ligaran 2015

À monsieur Alexandre Sosto

PROFESSEUR AU COLLÈGE ROYAL DE RIMINI.

Pont de Beanvoisin, 8 septembre, 1874.
En échange de certain sonnet, qui valait un long poème, et qui m’arriva de Rimini, un jour que je me plais à appeler le plus beau jour de ma vie, je t’envoie, mon cher ami, un gros livre qui te rappellera le beau pays où s’écoulèrent tes premières années. Ce livre n’est pas d’un grand mérite ; il te paraîtra dicté par des sentiments difficiles à définir ; les jugements que j’y porte sur des hommes et sur des choses que tu connais, tu les estimeras sévères, trop sévères peut-être ; et quant au caractère des gens sur le visage desquels j’ai mis un masque, tu croiras aussi que je l’ai un peu exagéré.
Eh bien ! je veux me défendre d’abord de ces critiques que je prévois, par ce motif que, donnât-on au genre humain un pur chef-d’œuvre, le genre humain y trouverait matière à critiques. Or, je suis fort loin de prétendre écrire des chefs-d’œuvre, et je me voue très volontiers au fouet d’Aristarque. Cependant je désirerais n’être censuré que justement, – et l’expérience, hélas ! m’a démontré que l’on critique généralement ce qui est bien, – et qu’on loue assez ordinairement ce qui est mal. Ceci, en littérature seulement, car il m’en coûterait d’entrer dans un développement philosophique, destiné à démontrer qu’on peut dire, à tous les points de vue, ce que je me borne à envisager au seul point de vue littéraire. La seule pensée qui m’ait préoccupé alors que j’écrivais, il y a deux ou trois ans, le Trésor du Commandeur Azupert , était celle de tracer un portrait fidèle d’une petite ville, et de guérir, en en faisant une satire sans fiel, les défauts et les travers de plusieurs habitants d’icelle. Je n’ai point eu et n’aurai jamais l’intention de tourner en ridicule les mœurs de la province. Je trouve, en effet, un trop grand charme à vivre de la vie provinciale, pour la dénigrer, et ce serait jeter une pierre dans mon propre jardin. Mais aussi je t’assure, mon ami, qu’il faut être come torre fermo che mai non crolla , pour résister aux assauts formidables qu’on est obligé de subir, précisément lorsque l’on aime la province, et surtout sa province, et qu’on y veut couler ses jours. À ce propos, j’ai essayé de narrer quelques-unes des péripéties qui menacent, dans ce milieu, l’homme ban, naïf et simple, qui ne peut se faire aimer, et ne veut pas se faire craindre. Dans le domaine des faits, je suis cependant resté toujours au-dessous de la vérité, et n’ai dit que ce qu’il est permis de dire sans médisance.
Il s’en suit donc que si j’ai porté des jugements sévères, ils n’en sont pas moins justes et que personne n’aurait le droit de se plaindre. J’aurais peut-être dû, néanmoins, me rappeler ce proverbe : « Toute vérité n’est pas bonne à dire, » Il se trouve que j’appartiens à cette classe de gens que l’on intimide difficilement.
Enfin, j’ai si peu exagéré le caractère des personnages que je mets en scène, que je les ai laissés tous incomplets. Mes modèles sont pires ou meilleurs. Je n’ai rien copié servilement, j’ai emprunté un trait à celui-ci, un trait à celui-là, un vice à un troisième. Qui sait ? La Mottière n’est peut-être pas un avocat, ni Varçon, médecin ! Il ne manquera pas de gens qui chercheront à deviner le vrai nom de mes marionnettes. Inutile ! elles ne sont plus de chair et d’os, et ce n’est pas mon livre qui leur donnera l’immortalité.
J’ai clone fait comme Cicéron et plaidé pro domo meâ , sans y mettre toute l’ardeur et l’éloquence de l’orateur romain, et ce pour tant de raisons que j’en dispense d’en énoncer une seule. Je présume qu’on ne me demandera pas d’autre explication.
Et toi, cher ami, tu liras avec un affectueux intérêt, je le sais, un récit qui te par fera de notre commune patrie, et que met sous ton égide amicale le constant souvenir et le sincère attachement de

L’AUTEUR.
PREMIÈRE PARTIE Esquisses provinciales
I Treize ans avant notre histoire
En 1846, vers le milieu de la rue Saint-André-des-Arts, une maison bombait au-dessus du trottoir sa façade jaune où se lisait, peinte en lettres dorées de la plus grande dimension, cette enseigne : « Hôtel de la Boule-d’Or. »
Cette maison à cinq étages, aux fenêtres rapprochées et garnies uniformément de rideaux rouges, présentait, à son rez-de-chaussée, une boutique où les locataires et quelques pensionnaires venaient prendre leurs repas. Un couloir longeait l’un des côtés du restaurant et aboutissait à un bureau vitré qu’un guichet mettait en communication avec les gens venant du dehors.
Or, le 4 décembre de cette année-là, M me Césarine Lenoir, une grosse femme dont la peau rouge se bouffissait sur les joues, comptait, vers onze heures du soir, sa recette de la journée.
– Cent-sept et deux, cent-neuf ; et sept, cent-seize ; cent-seize francs, eh ! eh ! ce n’est pas mal. Sans compter ce qu’il y a là-dedans.
Et, ce disant, elle soupesait doucement la tirelire en terre, représentant un diablotin, la bouche horriblement ouverte, et dont le ventre rebondi contenait quantité de sous.
Or, pendant ce temps, un homme, les épaules couvertes d’un épais manteau, une valise à la main, suivait la rue Saint-André des-Arts, en regardant chaque maison à gauche et à droite.
Une lanterne à l’ancienne mode, suspendue au bout d’un long bras de fer vingt fois recourbé, attira ses yeux ; il regarda et lut : « Hôtel de la Boule-d’Or. »
– Oh ! oh ! fit-il à mi-voix en examinant la maison, cela m’irait assez. Cette auberge ne me paraît ni trop laide, ni trop belle, bah ! allons-y !
Et, saisissant la tête de chien en fer qui servait de loquet, il la souleva et la fit retomber de tout son poids.
Au coup qui gronda sous le corridor, M me Césarine bondit sur sa chaise et aussitôt, sans réfléchir, par un premier mouvement instinctif, elle ferma le tiroir de son bureau.
– Caroline ! appela-t-elle, va donc voir qui frappe à cette heure !
La servante prit un bougeoir et courut ouvrir. Aussitôt un homme s’engouffra dans le corridor, et en quelques pas fut auprès de M me Césarine Lenoir qui, les deux coudes sur son bureau, la tête dans les mains et tout le corps comme ramassé contre son tiroir, considérait l’étranger de ses deux grands yeux écarquillés sous des cheveux blond-roux en désordre.
– Madame, dit l’étranger, je désirerais une chambre pour la nuit et peut-être pour quelque temps, si je me plais ici.
Elle fut quelque temps à répondre, tant elle s’absorbait dans la vue de cet homme.
Son visage et toute sa personne accusaient quarante-cinq ou cinquante ans. Son front était grand, plutôt haut que large, ridé, avec une courbure intelligente et tenace, entouré de cheveux noirs où se mêlaient quelques poils gris ; ses yeux vifs ; avec des paupières rougies, éclataient derrière des lunettes, au-dessus de joues couturées de rides, toutes tiraillées par les nerfs. Son nez d’aigle, mince, aux narines brunes et mobiles, ses lèvres fines, son menton saillant sous sa barbe épaisse, annonçaient de l’audace, de la résolution. Une expression d’amertume, de remords, de tristesse, enveloppait, pour ainsi dire, toute sa figure et se retrouvait jusque dans l’affaissement de ses épaules que le rocher de Sisyphe de la vie semblait avoir écrasées.
Toutefois, ce n’était pas cette physionomie singulièrement caractéristique qui fixait l’attention de madame Césarine. Non, c’était le manteau usé qui recouvrait les épaules de l’étranger, son pantalon râpé, sa redingote marquée aux coudes de râpures luisantes. Étonné du long silence que gardait la maîtresse d’hôtel, l’homme allait renouveler sa demande, quand elle lui dit avec hésitation :
– Monsieur, nous avons encore une chambre au deuxième étage ; elle est de cinquante francs par mois : une chambre superbe, sur la rue. Mais je doute qu’elle fasse votre affaire.
– Au contraire ! Justement, c’est ce qu’il me faut. Elle est habitable, n’est-ce pas ? je la désire ainsi. Veuillez m’y faire conduire, car je meurs de sommeil.
– C’est que… balbutia Césarine Lenoir…
Et son regard éloquent fit le tour de l’habit et alla palper les étoffes amincies par l’usure.
– Ah ! ah ! rit en riant l’homme.
Et, achevant la phrase commencée :
– C’est que… je ne paie pas de mine, dit-il d’un ton ironique. Eh bien ! voilà.
Et, d’un air dégagé, il ouvrit sa valise, en retira un portefeuille bondé de billets de banque.
– Voici cent francs, dit-il. Je vous paie deux mois à l’avance. Si je m’en vai

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