Lettres de Henri Barbusse à sa femme, 1914-1917
109 pages
Français

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Lettres de Henri Barbusse à sa femme, 1914-1917 , livre ebook

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Description

Extrait :

"Chère Fifille, Je viens de passer devant le Conseil de révision qui m'a examiné et jugé bon pour le service. Aussi n'ai-je rien de plus pressé, en sortant de cette cérémonie — je suis resté trois heures debout à attendre ! — que de m'installer au café, place de l'Alma, et à la lueur d'un Dubonnet à l'eau, de mettre la main à la plume pour vous faire assavoir la chose."

Informations

Publié par
Nombre de lectures 34
EAN13 9782335002126
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335002126

 
©Ligaran 2015

Le carnet de notes
Les pages suivantes contiennent le texte intégral du carnet de notes d’Henri Barbusse. Sur ce carnet, formé de cinq feuillets cousus ensemble et qu’il porta sur lui sans cesse, Henri Barbusse notait, au jour le jour, ses déplacements et les faits qui l’avaient le plus frappé. Ces notes rapides de l’écrivain sont doublement précieuses : elles donnent la chronologie exacte d’une période de sa vie de combattant et, dans leur laconisme presque brutal, contiennent maints détails que Barbusse avait cru devoir omettre ou atténuer lorsqu’il écrivait à sa femme.

1 er août 1914. – Tambour Aumont. Mobilisation 4 h. 1/2.
3 août. – Retour à Paris. Recrutement. Engagement.
14 août. – Premier voyage à Melun.
19 août. – Deuxième voyage à Melun.
Jeudi, 10 septembre. – 5 heures, convocation pour Albi. Je pars à 9 heures.
Samedi, 12 septembre. – Arrivée à Albi.
10 octobre. – Hélyonne à Albi. Maison Juéry.
Lundi, 21 décembre. – Départ d’Albi avec le 231 e – 5 h. 3/4 du soir.
Vendredi, 25 décembre. – Arrivée en chemin de fer à Vierzy. Marche (14 kilomètres) de Vierzy à Vauxbuin. – Cantonnement à Vauxbuin.
Mardi, 29 décembre. – Tranchées de Vauxrot (traversée de Soissons).
2 janvier 1915. – Départ des tranchées pour Ploizy (8 kilomètres). – Cantonnement à Ploizy.
7 janvier. – Journées terribles. Départ de Ploizy à 2 heures du matin, cartouches. Cantonnement à la Verrerie de Vauxrot, pendant l’attaque des Marocains et des Chasseurs. Couloirs nus, courants d’air. Froid. Vers 2 heures, départ pour la Carrière. Pluie à la tombée du soir (longs stationnements). Les tranchées prises par les Marocains sont bondées par les autres Compagnies. Nuit terrible dans les champs à côté des tranchées. Boue, fondrières. Stationnement d’une heure au revers d’un talus de terre, de 3 ou 4 heures dans un champ au bord d’une flaque. Fusées éclairantes allemandes. Tout le monde couché. Silence, balles. J’ai dormi un peu, transpercé par le froid. À 11 heures la lune se lève. À 11 h. 1/2, malgré tout on se met en marche. On passe dans des routes qui sont de véritables monceaux de boue. Chacun tombe plusieurs fois. On traverse un boyau pris aux Allemands, boue, jusqu’à mi-mollet. On arrive au bout des tranchées du 204. On dort un peu, malgré le froid, sur un revers de talus – Le mort dans lequel tout le monde s’empêtre…
Samedi, 9 janvier. – Tranchées à la baïonnette. Le matin, le bombardement commence. On cherche des abris.
Lethume blessé à côté de moi. Dumont et moi nous nous appuyons au pied de la tranchée près de l’abri des Chasseurs. Presque plus rien à manger. Je mange un reste de pain et de chocolat. À… heures, le bombardement redouble. À 1 m. 50 de moi, qui me suis un peu déplacé et qui sommeillais, D…, frappé à la tête, le crâne ouvert, râle, pendant que terré, la musette sur la tête, j’attends les coups (je crois qu’il ronfle, en me retournant je le vois étendu, couvert de sang et de terre). G…, bras coupé, crie qu’on lui bande le bras. La rafale redouble. Chaque coup me lance de la terre. À un moment, coup violent au pied. Je me crois blesser. Ce n’est qu’un morceau de madrier détaché par un shrapnel… Je change de place. Je me tapis dans le couloir qui mène à une cabane-abri. Je suis à ciel ouvert. Je mets sur ma tête ma musette ; sur le ventre une autre musette trouvée là, sur mes jambes une couverture roulée. Feu effrayant pendant tout le reste de la journée. Je vois l’éclatement des shrapnels, à droite, à gauche, en avant.
Nous sommes relevés vers 8,9 heures. Cheminement mi-partie dans les boyaux, mi-partie dans les champs, en dehors des tranchées, à cause de l’encombrement produit par la relève. Arrivée à la Grotte. Stationnement, pour attendre que la tranchée soit vide des sections qui y défilent. Fusée éclairante (cette fusée a permis de repérer l’endroit et quelques instants après notre départ, des obus sont tombés là, faisant huit ou dix victimes). Finalement, l’adjudant nous fait partir par la crête, en dehors de la tranchée, pour en finir et rentrer. Balles. Sifflements. Les infirmiers et les morts. Odeur pestilentielle. Enfin, route et carrière. On s’installe pour dormir, harassés. Mais vers 11 heures on vient demander vingt-quatre hommes pour aller porter des fils de fer sur la ligne de feu. J’en suis. On se relève. On va à la Verrerie déposer les couvertures et les musettes, et armés du fusil, avec le chargement de cartouches, on prend, deux à deux, dans l’ombre, des barricades de bois tendues de fils de fer barbelés, les X, et on repart pour la ligne. Sifflements de balles. On arrive à la Grotte. On dépose les X et on revient. Il est 4 h. 1/2 environ. On se réinstalle pour dormir sur la pierre avec une poignée de paille, je n’ai pour oreiller que ma musette. Je dors tout de même comme un plomb jusqu’à 8 heures.
Dimanche, 10 janvier. – Le matin, la moitié de l’escouade se fait porter malade. On apprend que dans la 17 e Compagnie qui a été contre-attaquée, il y a eu plus de vingt morts, cinquante-cinq blessés (environ deux cents hommes hors de combat pour la nuit d’avant-hier et la journée d’hier). On raconte des détails : les blessés collés dans la boue et qu’il faut se mettre à deux pour décoller de la vase des tranchées. Les Allemands ne faisant pas de quartier. Les Allemands ayant essayé de se faire passer pour « la relève de la 19 e et de la 21 e  » afin de rentrer dans nos tranchées.
Aujourd’hui nouvelle attaque des nôtres sur la tranchée de Crouy.
De l’avis général, la journée passée est la plus meurtrière qu’on ait vue depuis le commencement de la guerre, et pourtant le régiment a fait la première partie de la campagne, de la Meuse à la Marne.
Lundi, 11 janvier. – Matinée à la Verrerie. À 4 heures on crie : « Rassemblement ! » On nous réunit dans la cour. Puis on se dirige vers la sortie. On crie : « Par escouade, pas gymnastique. » Nous sommes sur la route de Crouy et elle est repérée. On atteint, sous la pluie d’obus, le château. Halte. On repart en se défilant. Balles et shrapnels. On atteint la rue principale de Crouy. On est pour entrer dans une cave. L’adjudant de Chaunac trouve un autre cantonnement, un peu plus loin. On entre dans la cave déjà occupée par le Génie. À peine y est-on qu’un percutant tombe à la première place qu’on devait occuper. Puis des éclatements prodigieux se produisent à l’endroit où nous sommes terrés : notre premier étage et la maison d’en face sautent. Le soir vient. On s’installe pour dormir. Arrive un ordre du colonel : une corvée pour porter un canon de 80 sur la hauteur. Peu après dans la nuit, toujours sillonnée d’obus et de fusillade, autre ordre du colonel : on demande vingt hommes de corvée pour porter des madriers et des sacs à terre au-delà des tranchées. Toute la section marche. À peine dehors, au milieu d’une flaque noire, où l’on trébuche sur les décombres, un obus, un autre, tombent près de nous. On nous a vus (espionnage ?). On nous vise. Enfin on se charge de poutres et de sacs de toile. On gagne la voie. Il s’agit de grimper sur le talus. Je m’engage le premier dans un boyau et je nage littéralement dans la boue pour gravir le remblai : jusqu’aux coudes et aux genoux je patauge. Nous suivons le chemin de bordure et nous déposons madriers et sacs, à dix mètres du petit poste allemand, au milieu du sifflement des balles. Nous rentrons. – Arrivés à la tranchée française du pont, nous sommes accueillis à bout portant par une décharge des nôtres qui, dans la nuit, nous prenaient pour des Allemands. Je me blesse le pied avec un piquant de fil de fer. Pas atteints. Nous crions et les soldats de la tranchée comprennent leur erreur et nous laissent passer. On rentre au bout d’une heure et demie. Toujours des balles et des obus. On commence à sommeiller. Tout à coup, nouvel ordre : on demande vingt hommes de corvée pour porter des fils de fer et des sacs au même endroit. Même jeu que tout à l’heure. À peine sortis, nous essuyons le feu de plusieurs obus. C’est terrifiant, dans cet

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