La lecture à portée de main
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Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 octobre 2009 |
Nombre de lectures | 212 |
EAN13 | 9782296239135 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Avant-propos
La conception de ce recueil d’études et de contributions répond à
l’exigence de rendre compte de l’écart, qu’on ne saurait raisonnablement
nier, entre deux approches de la scène théâtrale: celle du domaine très
particulier qu’incarne la critique universitaire et celle des praticiens de
théâtre réfléchissant à leur façon de s’approprier / trahir la matière première
de leur métier.
Rendre compte de cet écart par la production concrète d’analyses de
mises en scène du Festival d’Avignon (édition 2007) et de problèmes
théoriques, d’un côté, et par des professions de foi / témoignages de
comédiens, de l’autre, vise également à accomplir une tâche de description
analytique des enjeux posés et, en dernier lieu, de meilleure compréhension
de ce qui est au centre de toute problématique tournant autour du spectacle
théâtral : le texte.
Mais que faut-il entendre par texte, en l’occurrence?De plus, ne
faudrait-il pasévoquerlaspécificité de ceterme lorsqu’il estlié àune forme
artistique impliquant une notion fortmouvante d’interprétation destinée àun
public?
Si le mot«texte » désigne, en linguistique,un énoncé ou unsystème
énonciatifsusceptible d’êtresoumisà l’analyse et s’il couvre, depuisles
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étudesde Lotman,un champsémantiquetrèslarge , il estindéniablequ’il est
1
Cf. Iouri Lotman,La structure du texte artistique,trad. française, Paris, Gallimard, 1973, p.
407Le: «texte artistique, comme nousavonseula possibilité de levoir, peutêtre envisagé
commeun mécanisme organisé d’une manière particulière, possédantla faculté de contenir
une information d’une concentration exceptionnellementélevée. Si nousconfrontons une
proposition dulangage parlé et un poème,un assemblage de couleurset untableau,une
gamme et une fugue, nousnousconvaincronsfacilement que la différence fondamentale des
secondspar rapportauxpremiers tienten cequ’ils sontcapablesde conteniren eux, de
conserveretdetransmettre cequi pourlespremiers reste horsdeslimitesde leurspossibilités.
Lesconclusions que nousobtenonsconcordentparfaitementavec l’idée fondamentale de la
théorie de l’information,quiserésume dansle fait que levolume de l’information dans un
message doitêtre envisagé comme fonction dunombre desmessagesalternatifspossibles. La
structure du texte artistique estpénétrée par un nombre pratiquementinfini de frontières qui
segmententletexte en fragmentséquivalentsà de nombreuxégardset, parconséquent,
alternatifs».
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Autour du texte théâtral
confronté à une interaction complexe entre l’écrit et l’oral dans tout ce qui a
trait aux différentes étapes de la conception et de la réalisation d’un
spectacle.
Ce qui différencie le texte théâtral, au préalable, des autres formes de
textes est sa destination à être mis en scène. Au fond, sa différence avecun
texte littéraire estliée essentiellementaugenre d’écriture, notammentaux
indications scéniquesoudidascaliesde l’auteur, maiségalementà la fonction
toutà faitparticulière de message indissociable du stade de l’énonciation
devant un public. J’entendsparlà la conception, pour une œuvrethéâtrale,
soitd’uneréalisationscénique entant quereflet, entermesd’action, de
visualisation etdeson, despotentialitéspropresaumanuscrit, etdonc avec
une assezgrande fidélité à ce dernier,soitde la possibilité d’un écart
importantentre letexte etla mise enscène, avecun déséquilibre manifeste
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entre levisuel etletextuel .
Cette distinction étantposée, en cequi concerne la nature et
l’organisation interne d’unteltexte, deuxapproches sontpossibles.
L’une,qui consiste à l’étudierentant que documentabritant un
certain nombre de contenusetdéveloppantde multiplesproblématiques,
relève d’une attitude philologique enverslethéâtrequisetraduitparla
convictionque lesgrandeslignesd’une mise enscène acceptablesontbien
en place dansletexte lui-même.Une attitudequi ne peutêtre justifiéeque
dansle casde formulations textuelles relativementfigées, comme pourles
grandesœuvresdesauteursclassiques, généralementimpriméeset soumises
automatiquementà la grille d’analyse du spectateur /lecteurayantdéjà lu,
dansle passé,telle ou tellestructuretextuelle (les versionsderéférence
d’Hamlet, duCidetc.).
L’autre,touten accordantde l’importance auxdidascalies,se
focalisesurlesouverturespossibles, auniveaud’une mise enscène
interprétantau sensle plus radical du termesa marge de manœuvre par
rapportaux recommandationsde l’auteur. Elles’octroie, de lasorte, le droit
de proposer une lecturetrèslibre detelle ou telle œuvre, en adaptant, par
exemple, lescadres spatio-temporelsà descoordonnéesautres,voire
contemporaines, de la mise enscène proposée.
Mêmesi, en l’étatactuel desétudes théâtrales, la coupure entretexte
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et représentation estdifficilementconcevable ,on ne peutnier que leur
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relation estloin d’être aisée .
2
Voir, pourdes remarques synthétiques surletexte dramatique, Patrice Pavis,Dictionnaire du
théâtre, Paris, Dunod, 1997, pp.353-357.
3
Cf. Patrice Pavis,Vers une théorie de la pratique théâtrale. Voix et images de la scène 3,
Villeneuve-d’Ascq, Presses universitairesduSeptentrion,2000, pp. 443« Q-444 :uantà la
coupure entretexte et représentation […] – neserait-ceque parcequ’elle a été imposée par
l’histoire –, elle estartificielle etméthodologiquementintenable, cequi nousencourage
d’autantplusà établirdespontsentre lesdeux rivesdufleuvethéâtre, notammentà penserle
Avant-propos
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Avantde poursuivre ce court rappel de la problématique, il est temps
d’indiquercequ’on peut raisonnablemententendre par texte dethéâtre.
L’affirmationselon laquelle ilse compose de deuxpartiesen même
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tempsdistinctesetindissociables, le dialogue etlesdidascalies, aune
indiscutable efficacité opérationnelle, mais renvoie néanmoinsàunevision
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«texto-centriste » ,que letravail despraticiensdethéâtre a fait
texte dramatique en fonction deson aspirationthéâtrale, comme latrace d’une pratique
scénique globale danslaquelle ils’intègre,que cesoitdansl’acte individuel de la lecture ou
dans unereprésentation ».
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Cf. Anne Ubersfeld,Lire le théâtre, I, Paris, Belin,2001 (nouvelle éditionrevue deLire le
théâtre, Paris, Éditions sociales, 1977), p. 11 : « Lethéâtre est un artparadoxal. On peutaller
plusloin et y voirl’artmême duparadoxe, à la foisproduction littéraire et représentation
concrète ;à la foiséternel (indéfiniment reproductible et renouvelable) etinstantané (jamais
reproductible comme identique àsoi) : artde lareprésentationqui estd’un jouretjamaisla
même le lendemain ; artà la limite faitpour uneseulereprésentation,unseul aboutissement,
comme levoulaitArtaud. Artdel’aujourd’hui, lareprésentation de demain,quiseveutla
mêmeque celle d’hier,se jouantavec deshommes qui ontchangé devantdes spectateurs
autres ;la mise enscène d’ilyatroisans, eût-elletoutesles qualités, està cette heure aussi
morteque la jumentde Roland. Maisletexte, lui, estaumoins théoriquement, intangible,
éternellementfixé ».
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Ibid., p. 17. Une importante mise aupointestfaite au sujetdu rapportentre dialogue et
didascaliesdanslespages17-18 : « La distinction linguistique fondamentale entre le dialogue
etlesdidascalies touche au sujetde l’énonciation, c’est-à-dire à laquestionqui parle?Dansle
dialogue, c’estcetêtre de papier que nousnommonslepersonnage(distinctde l’auteur);dans
lesdidascalies, c’estl’auteurlui-mêmequi :a)nomme lespersonnages(indiquantà chaque
momentqui parle) etattribue à chacununlieu pour parleret unepartie du discours;b)
indique lesgestesetlesactionsdespersonnages, indépendammentdetoutdiscours.
Distinction fondamentale et qui permetdevoircommentl’auteurne se dit pasau théâtre, mais
écritpour qu’un autreparle àsa place – etnon pas seulement un autre, mais une collection
d’autrespar unesérie d’échangesde la parole. Letexte dethéâtre ne peutjamaisêtre décrypté
commeune confidence, oumême comme l’expresspeion de la «rsonnalitdeé »,s
«sentiments» etdes« problèmes» de l’auteur,touslesaspects subjectifsétantexpressément
renvoyésà d’autresbouches. Premier traitdistinctif dansl’écriture dethéâtrelle ne :’est
jamais subjective, da