Guy SABATIER FÉLIX PYAT (1810-1889) Publication du « MÉDECIN DE NÉRON » Drame inédit de 1848
Du même auteur Le Mélodrame de la république sociale et le théâtre de Félix Pyat (2 tomes), LHarmattan, 2009. ! "# !!"!"#$ %& !!"!"#$

C OMMENTAIRES SUR LE TABLEAU DE T HOMAS C OUTURE S ALON DE 1847 Dans LEvénement du mercredi 24 juin 1891 (p.1), sous le titre « Un portrait », le journaliste Philibert Audebrand signale que le tableau du peintre Edmond Chantalat qui représente le vieux Félix Pyat va être placé au Musée Carnavalet avec lassentiment du conseil municipal. Il y demeure encore aujourdhui dans une salle consacrée à la Commune. Évidemment, il constate que, malgré des traits si beaux et si énergiques, ce nest plus léphèbe de 1830 vanté par Jules Sandeau sous le nom de « lAlcibiade II », ni le jeune Romantique immortalisé par une Esquisse dEugène Delacroix devenue introuvable, et il ajoute : « Nous ne revoyons pas, non plus, dans luvre nouvelle, lun des deux philosophes attristés que Thomas Couture a si justement placés, comme son contraste dans LOrgie romaine . Félix Pyat est, en effet, lune de ces figures ». Deux chers amis de Félix Pyat livrent leurs commentaires sur Les Romains de la Décadence (fresque de plus de 35 m 2 ) dans lambiance de lépoque : Ainsi, Auguste Luchet , dans le feuilleton de La Réforme du mardi 27 avril 1847 « À propos du Salon de 1847 », écrit : « Est-ce une pensée semblable à la nôtre qui inspirait ce noble jeune homme, déjà grand lan dernier par une autre page forte et digne, quand il a composé ses Romains de la Décadence , traduction incomplète sans doute, mais puissante encore et valeureuse du vers terrible de Juvénal ? Dans les patriciens et les courtisanes, brutalement sinon audacieusement amoncelés, déshabillés, échevelés, vautrés par M. Couture, faut-il voir déguisés en Romains, dans ce temps où la satire ne passe plus que masquée, les gentilshommes de notre décadence à nous, et les anges déchus que la misère ou la faiblesse leur vend ? Sil en est ainsi,
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honneur lui soit fait, grâces lui soient rendues ! Car à limpression muette, profonde, douloureuse que son immense toile paraît produire sur cette ville, faite de toutes nos villes, qui défile et sarrête incessamment devant elle, on doit croire que sa leçon se fait comprendre, que le jour a percé son allégorie » (p. 2). Par ailleurs, dans ses écrits sur les Salons publiés en 1868, Théophile Thoré a inclus ses remarques sur celui de 1847 : « Avec Juvénal pour texte, naffectons pas, sil vous plaît, une pruderie déplacée. Il sagit de peindre les murs de la décadence romaine et cette orgie furieuse ou morne qui va bientôt sabîmer dans le christianisme () De même, aux deux angles de sa grande épopée, Couture a symbolisé, comme deux vers brûlants de Juvénal, la philosophie et la poésie qui contemplent tristement les excès dun monde condamné. Cette réserve intelligente donne toute satisfaction à la morale, et permet aux plus scrupuleux darrêter le regard sur les derniers romains, ressuscité, dailleurs, depuis le seizième siècle, à la cour des papes et à la cour des rois, sans quaucun Juvénal ait flétri la décadence moderne avec autant de verve que le poète antique () Voici la morale de cette chaleureuse satire : () ce sont les deux nobles figures de philosophes, debout sur la droite, enveloppés de leurs manteaux et regardant avec inquiétude le suicide de la patrie. Le groupe de ces deux hommes, aux têtes pensives, aux belles formes respectées par la débauche, est dessiné dans le plus grand style et peint avec une ampleur et une certitude dignes de Véronèse et des vigoureux artistes de la Renaissance » (p. 425 - 426, 428). Toujours à lépoque, une autre publication intitulée le Magasin Pittoresque , sorte dencyclopédie populaire rédigée depuis sa fondation sous la direction d Edouard Charton , livre ses observations sur limpact du tableau lors du Salon de 1847 :
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« LOrgie romaine , par M. Couture, est le tableau qui, cette année, a le plus vivement excité lattention. Lidée vraie ou fausse dune certaine analogie entre notre époque et celle de la décadence romaine a été, depuis environ un quart de siècle, le thème favori dun grand nombre duvres littéraires. Les générations de 1789 à 1815 sont ordinairement comparées aux vieux romains de la République ; celles qui datent de 1815 et surtout de 1830 sont accusées dincliner à limitation de la Rome impériale. Cette satire de notre temps, dune évidente exagération, paraît avoir cependant assez dapparence de vérité pour que, après avoir inspiré quelques belles pages en prose et en vers, elle ait inspiré la peinture à son tour () La composition de M. Couture, vaste, énergique, montre la jeunesse patricienne du règne de Vitellius, épuisée de veilles et divresse, poursuivant les ombres du plaisir au milieu des amphores et des fleurs, dans latrium dun palais splendide. Les statues de marbre des illustres Romains, leurs aïeux, se dressent autour de ces jeunes insensés comme le spectre du Commandeur au festin de Don Juan. Si la vie de lintelligence nétait pas engourdie dans ces curs blasés, les pâles et sévères figures des héros y éveilleraient le remords. Deux philosophes, immobiles comme les marbres, regardent avec plus de tristesse encore que dindignation cette scène de désordre et davilissement. Ce sont ces deux figures que nous avons seules reproduites. Ni la dimension ni le caractère de notre recueil ne nous permettaient de donner une esquisse de luvre entière. Du reste, cette copie de deux personnages principaux, fidèle et approuvée par le peintre, peut être considérée comme un juste spécimen du style de ce tableau. La vigueur, la hardiesse, la fougue, une rare facilité, sont les qualités incontestables de LOrgie romaine » (p. 196-197). De nos jours, sur la « fiche duvre » des Romains de la Décadence , le Musée dOrsay déclare :
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« Couture lui-même () cite dans le livret du Salon deux vers de la sixième satire de Juvénal, poète romain (v.55 - v.140 ap. J.C) : « Plus cruel que la guerre, le vice sest abattu sur Rome et venge lunivers vaincu ». Le peintre a choisi dillustrer le déclin dune civilisation et il nous montre une fin dorgie, dans la Rome impériale, au petit matin () À droite, deux hommes barbus qui jugent sévèrement les participants de lorgie et qui sont peut-être des philosophes stoïciens ou de futurs chrétiens des catacombes comme le suggérait Louis Veuillot , un critique dalors (ajoutons quil était membre des catholiques conservateurs) () Jacobin, républicain et anticlérical, il (Couture) critiquait déjà dans des uvres anciennes la décadence morale de la France de la monarchie de Juillet, dont la classe au pouvoir avait été discréditée par une série de scandales (affaires Prittchard en 1844 - 45, Teste-Cubières et Choiseul-Praslin en 1847 : Jeune Vénitien après une orgie (1840), LAmour de lOr (1844) () Couture par lintermédiaire dune satire romaine, quil illustre sans éviter le prosaïque (personnages malades ou sembrassant), aborde les problèmes de son temps : ce tableau est ainsi une « allégorie réaliste. Les critiques dart de 1847 ne sy trompaient pas, qui voyaient dans ces romains Les Français de la Décadence ( Arsène Houssaye ) ».
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