La lecture à portée de main
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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 janvier 2008 |
Nombre de lectures | 280 |
EAN13 | 9782296649866 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
LA MORT DANS LE CAFÉ
© L’Harmattan, 2007
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www. librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-04876-8
EAN : 9782296048768
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Henri FROMENT-MEURICE
LA MORT DANS LE CAFÉ
Cométragédie en quinze tableaux
L’Harmattan
Ouvrages du même auteur
Chez le même éditeur :
Journal d’Asie Chine Inde Indochine Japon 1969-1975 (2005)
Chez d’autres éditeurs :
Une Puissance nommée Europe (Julliard 1984)
Une Education Politique (Julliard 1987)
Vu du Quai Memoires 1945-1983 (Fayard 1998)
Les Femmes et Jésus (Le Cerf 2007)
PERSONNAGES
Le premier, puis Lui
Elle
Le second
Le garçon de café
Germaine
La journaliste
Le marin
La romanichelle
Un garçon
L’ange gardien
TABLEAU 1
Terrasse de café sur la place du Trocadéro. Un monsieur d’« un certain âge » est assis seul à une table. Il lit un livre qu’il a posé sur la table. Devant lui une tasse de café. De temps à autre il interrompt sa lecture pour regarder vers le dehors, surtout vers l’allée centrale par où entrent et sortent les clients.
Entre un homme également d’« un certain âge » , qui s’avance lentement, cherchant on ne sait quoi, une table libre, quelqu’un. En l’apercevant le premier a vivement saisi son livre qu’il approche de son visage, comme pour le couvrir. On voit, ou plutôt ceux qui le peuvent, voient le titre : « les Mémoires d’Outre-tombe ». Le client qui vient d’entrer s’approche de l’homme qui lit.
Le second : Cher ami !
Le premier (abaissant son livre) : Ah ! Pardonnez-moi. J’étais plongé dans ma lecture.
Le second (toujours debout) : « Les Mémoires d’Outre-tombe ». Pas du tout funèbre, comme dirait Baudelaire. Ce Chateaubriand a toujours été un aimable plaisantin. Vous êtes seul ?
Le premier : Pour l’instant, oui.
Le second : Permettez-vous alors que, pour l’instant, je m’asseye à votre table ? Il y a bien longtemps que je n’ai eu le plaisir de vous voir et bavarder avec vous en toujours un.
(Un instant passe, comme si le premier réfléchissait. Un instant de trop, peut-être .)
Je sens que je vous gêne.
Le premier : Mais non, mais non. Asseyez-vous donc. Cependant, vous m’excuserez si je devais, peut-être, d’un instant à l’autre, vous prier de me laisser. ( à voix basse, comme pour lui-même) On ne sait jamais…
Le second : Vous attendez quelqu’un ?
Le premier : C’est vrai, j’attends.
Le second ( prenant un air un peu mutin) : Peut-être… quelqu’une ? Don Juan, tel qu’on vous connaît.
Le premier ( souriant) : Plutôt. Dans notre langue, puisque vous et moi parlons la française, elle est plutôt féminine.
Le second : Vous voulez dire que dans d’autres langues elle pourrait être au masculin ?
Le premier : Je ne connais pas toutes les langues. Cela se pourrait, ici ou là.
Le second : Pourrait-elle être au neutre ?
Le premier ( réfléchissant) : Au neutre ? Oui, le neutre pourrait lui convenir.
Le second : Toujours est-il, si je comprends bien, qu’ici, dans ce café, qui donne sur la Place du Trocadéro, en ce 21 octobre 2001, celle que vous attendez est au féminin.
Le premier : Voilà. Vous l’avez dit et, cher ami, bien dit. Puis-je vous offrir une tasse de café ?
Le second : Volontiers, je vous remercie. Vous êtes vraiment trop aimable. C’est moi qui vous aborde, qui viens vous déranger de votre « outre-tombe », et c’est vous qui m’offrez un café. Alors je pousserai l’indiscrétion jusqu’à vous prier de me commander un décaféiné.
Le premier : Le vrai café vous empêcherait-il de dormir ?
Le second : Il est vrai que je dors déjà mal. Inutile d’en rajouter. Mais, permettez-moi, celui que vous buvez est-il vrai ?
Le premier : Tout ce qu’il y a de plus.
Le second : Voici une nouvelle raison de vous admirer. Boire un vrai café à six heures du soir ! En vérité, je vous envie.
( Un garçon passe .)
Le premier : Garçon, un décaféiné pour monsieur. (Il réfléchit un instant.) et un second pour moi.
Le garçon : Décaféiné aussi ?
Le premier : Vous plaisantez aujourd’hui ! Depuis le temps que je viens ici et que souvent vous me servez, vous savez bien que je ne bois que du vrai café.
Le garçon : Ce sera donc le troisième, aujourd’hui.
Le premier : Que ce soit le troisième, le quatrième ou le dixième me paraît être mon affaire. Il ne s’agit pas d’un troisième verre d’absinthe et je ne suis pas mineur.
(Le garçon s’éloigne .)
Le second : Bien dit ! Mais je vous admire de plus en plus. Cette attente vous énerve peut-être ?
Le premier : Pas le moins du monde !
Le second (en riant) : Vous attendez de pied ferme.
Le premier : Ferme, je ne sais. Avec l’âge vous savez… le pied est encore ferme, mais ce qui est au-dessus l’est déjà moins.
Le second : Disons alors, de main ferme.
Le premier (regardant ses mains) : Elles ne m’ont pas encore trahi.
Le second : Je l’ai bien senti, en vous serrant la main. Permettez-moi de vous poser une question indiscrète ? Boit-elle aussi du vrai café ?
Le premier : Qui cela, elle ?
Le second : Celle que vous attendez. La femme…
Le premier : Qui vous a dit que j’attendais une femme ?
Le second : Excusez-moi. J’avais cru que par toutes ces périphrases, par délicatesse, discrétion, vous souhaitiez déguiser la chose, enfin… la personne, du moins jusqu’à ce que, restant là, je la voie venir, en chair et en os.
Le premier : Mais encore une fois, qui vous dit qu’il s’agisse d’une femme, d’une créature…
Le second (l’interrompant vivement) : Ah non ! Pardonnez-moi, mais créature ! Jamais je n’ai songé à cela.
Le premier : Je n’en doute pas.
Le second : Ah ! Très cher, comme j’aime vos énigmes !
( Réfléchissant) Donc… elle est au féminin, du moins dans notre langue française, et elle n’est pas nécessairement une femme.
Le premier : Pas nécessairement ( il insiste sur chaque syllabe).
Le second ( triomphant) : J’ai trouvé ! La nuit ! Vous attendez la nuit. C’est bien cela, n’est-ce pas ? La nuit va bientôt tomber. Dans une heure elle sera là.
Le premier ( pensif) : La nuit ? Oui, elle est aussi la nuit. Mais elle n’est pas que la nuit. Quand je ferme les yeux, je la vois sur un fond de nuit.
Cependant, puisque vous me paraissez apprécier ce petit jeu que vous venez d’inventer et auquel, croyez-moi, je ne vous force nullement, alors que nous pourrions parler de bien d’autres choses et de plus intéressantes que de ce que j’attends, aussi je vous le déclare franchement : ce n’est pas en tant que nuit que je l’attends.
Le second (se frappant le front) : Suis-je bête ? Ce que vous attendez, c’est une lettre, quelqu’un ou quelqu’une qui vienne vous apporter une lettre. Peut-être une missive, toutes deux, dans notre langue sont des substantifs du genre féminin. Me trompé-je ? Me trompé-je encore une fois ?
Le premier : J’aime votre subtilité. Qu’attend-on en effet dans la vie ?… Dans la vie… Une femme ? Bien sûr. Quel est l’homme qui n’attend pas une femme ? Y compris la sienne, je veux dire son épouse. D’autant que les femmes sont toujours en retard, c’est leur manière de se faire désirer. Il est vrai qu’aujourd’hui une femme peut en attendre une autre et possible que le désir aussi soit entre elles.
Une lettre ? J’en reçois tant, et tant d’ennuyeuses, d’inutiles, d’indifférentes, de pernicieuses, tant de lettres auxquelles il faut donner, malgré tout, une réponse, que la chance d’en recevoir une qui procure bonheur, plaisir, se fait rare. Si j’en recevais une de la part de l’objet, ou du sujet, l’un et l’autre en l’occurrence conviennent, de