Vu du banc
96 pages
Français

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Vu du banc , livre ebook

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Description

Assis sur son banc, il regarde passer les gens, il regarde passer la vie. 17 monologues pour un comédien. Ils peuvent faire l'objet d'un spectacle complet ou être joués à part... Il ne faut pas que le comédien soit trop jeune. Le personnage a un vécu certain. Chacun voit le personnage comme il le sent, naturellement... mais on peut l'imaginer assez massif, portant la barbe (blanche ou grise) et arborant un vieux chapeau disloqué...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 185
EAN13 9782296930186
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vu du banc
Guy Foissy
 
 
Vu du banc
Itinéraire en 17 bancs pour un comédien
 
 
L’Harmattan
 
©L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-10183-8
EAN : 9782296101838
 
Au souvenir de Bruno Balp
Note sur l’auteur
 
 
Après La femme qui dit , recueil de 30 monologues pour comédienne, voici 17 monologues pour un comédien. Toujours dans le même ton d’humour (l’auteur a obtenu le Grand Prix de l’Humour Noir du Spectacle). II écrit pour les comédiennes et les comédiens, qu’il privilégie toujours dans son œuvre. Plus de 80 de ses pièces ont été jouées en France et à l’étranger. Au Japon une compagnie théâtrale dirigée par Masao Tani s’appelle «  Théâtre Guy Foissy  » et ne joue que ses pièces ou presque.
 
Premier banc
(Positions)
 
J'aime les bancs.
On est bien sur un banc.
Seul.
Quand on n'est pas seul ce n'est pas pareil.
C'est quand on est seul qu'on est bien.
On peut s'étaler.
Tendre son ventre,
Écarter les jambes
Sans pudeur.
On peut, avec discrétion, bien sûr, détendre légèrement sa ceinture pour être plus à l'aise. Un cran. Deux crans…
Et même…
Avec discrétion, bien sûr, dégager le haut de sa braguette pour être encore plus à l'aise.
Là on est bien.
Bien sûr, le haut de la braguette dégagé est caché par la boucle de la ceinture détendue, sinon on risque de se retrouver taxé d'impudeur, et vous savez comme moi combien les vieux messieurs sont facilement accusés d'impudeur. Surtout quand passent de jeunes filles ou de jeunes garçons.
Je trouve ça bête.
Si je me livrais à des actes impudiques, je le ferais quand passent de vieilles dames.
Au moins là on rigole.
Il y en a qui regardent en douce, comme si elles ne voyaient rien, qui font demi-tour et repassent pour être certaines d'avoir vu ce qu'elles ont vu.
Il y en a qui s'arrêtent et reluquent sans vergogne, comme si elles découvraient un animal inconnu.
Il y en a qui ont des commentaires insultants.
Mais hélas, il y en a qui poussent des hauts cris, alertent les passants et appellent la police.
Vous imaginez les titres dans les journaux : "un vieillard indigne montre son bazar à de vieilles dames paisibles " ?
Non merci, trop peu pour moi.
Moi, je préfère m'étaler sur mon banc.
C'est la raison pour laquelle, il importe d'y être seul.
Quand on est deux, ce n'est pas la même chose disait une vieille chanson que tout le monde ou presque a oubliée.
À plus forte raison quand on est trois.
Ou quatre.
Quand on est quatre sur le même banc, il vaut mieux s'en aller.
Si on est serré sur son banc comme dans un wagon de métro à six heures du soir, quel intérêt ?
On s'assied au milieu.
Bien au milieu pour décourager toute nouvelle approche.
On étend les bras, d'un côté, de l'autre côté.
Comme ceci.
C'est à moi tout ça !
Tout ce qui va de ce bout du banc à ce bout du banc.
On reste là, satisfait, on a quelque chose à soi.
Même en propriété temporaire et multiple ce banc m'appartient.
Je peux…
Tiens, par exemple, je peux changer de position.
Je m'assieds en biais.
Je pose le coude de mon bras droit sur le dossier du banc, et je pose mon menton dans ma main ouverte.
La même main que le coude posé, naturellement, sinon ça n'aurait aucun sens.
J'ai l'air d'un penseur.
Je suis certain que les passants qui passent, comme font tous les passants, doivent se dire en me voyant : "tiens, voilà un vieux monsieur qui pense"…
Je peux…
Je peux tourner le dos aux passants.
Tourner le dos au monde extérieur.
Rien de plus simple.
Je me tourne, je glisse les jambes sous le dos du banc.
J'appuie mes bras sur le dos du banc.
Et je montre mon dos.
C'est tout.
Les passants qui passent se disent : "tiens, voilà un vieux monsieur qui n'a pas envie d'être regardé"
D'autres peuvent se dire : "tiens voilà un vieux monsieur qui ne veut pas nous regarder".
Ou bien même, pour ceux qui ont moins d'imagination : "tiens voilà un monsieur qui nous tourne le dos".
J'imagine aussi que certains ne se disent rien, ne pensent rien, indifférents au monde extérieur.
Je peux…
Tiens…
Je peux mettre les pieds sur mon banc.
Un pied.
Deux pieds.
Tous les pieds.
Je peux m'y mettre à califourchon.
Comme ceci.
À quatre pattes.
Je peux même aboyer.
Une fois je me suis amusé à aboyer.
J'ai failli être mordu par un chien.
Un petit roquet à sa mémère, affreux, hargneux, très con.
Je peux me mettre debout sur mon banc. Excusez-moi de ne pas le faire, la dernière fois je suis tombé et j'ai failli me casser une jambe.
Ou un bras.
Je ne sais plus.
Fin du fin.
Art de l'art.
Je peux me coucher sur mon banc.
Pas comme un clochard, en chien de fusil par exemple, ou sur le ventre.
Non, comme un poète.
Vous avez déjà vu des poètes étendus sur un banc ?
À moins qu'il ne fasse très froid, ils enlèvent leur veste, et en font un coussin sous leur tête.
Ils ont souvent un papier et un crayon à la main.
Même les gardiens de square, quand il y en a, n'osent pas les déranger…
"Oh, un poète qui rêve", "disparaissons sans bruit"…
Moi, je reste immobile, je déguste le temps.
J'incline mon chapeau sur mes yeux, à cause du soleil, ou simplement la lumière.
C'est comme s'il faisait nuit.
Je sens un petit vent titillant.
Je n'entends que sa chanson dans les feuilles.
Je ferme les yeux.
Je m'endors.
(Il s'endort)
 
Deuxième banc
(Optique)
 
Il est assis. Il porte à ses yeux des petites jumelles de théâtre, tenues par un manche, genre face-à-main… Des gens passent, il les regarde.
 
J'aime regarder les gens qui passent.
(salue un passant)
Bonjour…
Ouais…
Ici, je suis chez moi.
C'est mon banc.
Je l'occupe.
J'ai décidé qu'il m'appartenait.
Bien sûr, quand je ne suis pas là, ça ne me gêne pas que
D’autres que moi s'y assoient.
Mais quand je suis là, c'est à moi.
Si d'autres gens sont là quand j'arrive ?
Oh ce n'est pas difficile de les faire partir !
Sans conflit.
Je n'aime pas les conflits.
Je vais vous faire une confidence : je ne me suis jamais battu de ma vie.
À mon âge…
Je m'assieds à côté d'eux.
Je commence à tousser.
Tousser à fond.
À me racler la gorge.
À cracher.
Vous voulez que je vous montre ?
(Il tousse, racle, crache)
S'il ya des récalcitrants, je me mets à gémir, à pleurnicher :
"mon docteur m'a dit que je n'en avais plus que pour quelques semaines à vivre".
Aucun n'y résiste.
Au revoir…
Tranquille…
La vraie vie.
Tout seul.
Je regarde passer les gens.
Les gens n'aiment pas être regardés.
Ou bien s'en foutent d'être regardés.
De toute manière, ils font comme si personne ne les regardait.
L'important, c'est de les surprendre.
Les étonner.
Si on veut capter leur attention.
Sinon…
Par exemple : avec des jumelles de théâtre.
Regarder les gens qui passent, dans l'allée d'un jardin public, avec des jumelles de théâtre, c'est un spectacle rare.
Attendez…
La petite brune, là.
Adorable.
Ah ! … Si j'avais cent ans de moins ! …
Je plaisante bien sûr.
Il y en a qui pensent que c'est un face-à-main, que je suis myope, que je suis un original etc…etc…
Je ne suis pas un original, je suis fou.
J'aime dire que je suis fou.
Ca me valorise.
Celle-là…
(Il sort de petites jumelles de théâtre)
C'est un peu mieux.
Elles inquiètent par leur discrétion.

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