Marguerite Duras, une écriture de la réparation
282 pages
Français

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Marguerite Duras, une écriture de la réparation , livre ebook

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Description

Tout entière construite sur le retour en série des mêmes thèmes et motifs, l'oeuvre de Marguerite Duras est souvent associée à l'obsession, une obsession à l'origine de laquelle se trouverait l'angoisse du manque, de la perte et de la déchirure. Loin de considérer la répétition du simple point de vue du blocage, il s'agit alors de voir comment celle-ci devient un moyen, par le jeu de la reprise et des modifications, de transformer des scènes d'amour marquées par l'échec et la frustation en scènes d'amour et d'accomplissement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2007
Nombre de lectures 218
EAN13 9782336254142
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marguerite Duras, une écriture de la réparation

Sylvie Bourgeois
© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296033634
EAN : 9782296033634
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Introduction Chapitre 1. - Le bal et les gisants : une réécriture subversive de topoï littéraires Chapitre 2. - Une lecture psychanalytique des scènes de bal et de gisants Chapitre 3. - Répétition et variation : du blocage douloureux à la réécriture positive Conclusion
Introduction
Si pour Duras « écrire c’est ne pas pouvoir éviter de le faire » 1 , écrire c’est aussi, semble-t-il, ne pas pouvoir éviter de ressasser toujours et encore les mêmes thèmes et les mêmes motifs. C’est ne pas pouvoir éviter de faire revenir les mêmes personnages, de les replacer dans les mêmes situations, de les faire évoluer dans des lieux qui, même les plus étrangers en apparence, se font écho parfois jusqu’à se confondre. Écrire, c’est finalement ne pas pouvoir éviter d’éternellement répéter, réécrire en modifiant, déplaçant, variant sur le déjà écrit. Caractéristiques d’une nouvelle forme de modernité incarnée par le Nouveau Roman, ces processus de répétition et de variation prennent, chez Duras, un caractère symptomatique et obsessionnel qui ne permet pas de limiter leur rôle à la simple mise en œuvre de la fameuse « aventure de l’écriture ». En effet, la reprise et la transformation incessante des mêmes motifs participe ici à la création d’un univers clos et jamais achevé où tout n’est qu’écho, réverbération, rayonnement, où tout se fait recommencement, prolongement, où tout semble finalement s’engendrer et tenir grâce à ce processus sans fin d’écriture et de réécriture.
Trait spécifique de l’œuvre durassienne, cette répétition variée fascine, envoûte, mais aussi intrigue. En effet, au-delà de l’effet hypnotique qu’elle produit, on peut se demander ce qui motive et vers quoi tend ce mouvement inlassable de reprise et de variation des mêmes thèmes, des mêmes images, des mêmes histoires.
Face à une œuvre tout entière construite autour du manque, de la déchirure, de l’oubli, la critique a généralement associé la répétition et la réécriture à la perte (répéter pour faire revenir ce qui a été), au sentiment d’incomplétude (répéter pour combler un manque), au « trauma » insurmontable (on répète ce dont on ne peut se souvenir et qui fait obstacle), à l’indicible (la répétition témoigne de l’absence de mots appropriés pour dire). Si ces interprétations coïncident tout à fait avec ce que fait ressentir l’univers durassien au lecteur, elles semblent cependant pouvoir être nuancées. En effet, considérer la répétition uniquement comme la manifestation d’un blocage, d’une impossibilité infiniment réitérée, d’une recherche destinée à l’échec, c’est ne pas prendre en compte son aspect dynamique et créateur. De même, considérer la réécriture seulement comme le « principe du déploiement et de l’élaboration d’un deuil interminable » 2 , c’est oublier que celle-ci est liée à la révision permanente. C’est oublier que réécrire, c’est souvent vouloir corriger, améliorer.
Considérant ces différents points, une lecture différente de l’œuvre semble devenir possible, une lecture qui montrerait comment Duras réussit à faire d’une répétition et d’une réécriture qui trouvent incontestablement leur origine dans un manque initial, les lieux et les moteurs de ce que l’on pourrait nommer une « écriture de la réparation ».
Si le terme de « réparation » évoque l’action de remettre en bon état, de remédier à une injustice ou à un tort fait à quelqu’un, il évoque également « le mécanisme, décrit par Mélanie Klein, par lequel le sujet cherche à réparer les effets sur son objet d’amour de ses fantasmes destructeurs » 3 . Généralement dirigés vers le corps maternel, ces fantasmes destructeurs (mise en pièce, destruction) cessent avec l’élaboration, suscitée par la culpabilité et l’angoisse, d’autres fantasmes permettant de rétablir son intégrité (rassemblement des fragments épars du corps...). Si le terme de « réparation » ne sera pas ici employé dans son sens strictement psychanalytique, il sera intéressant de garder à l’esprit cette définition possible du mot. Parler de « réparation », et plus précisément d’une « écriture de la réparation », ce sera alors plutôt parler d’une écriture qui aspirerait à une amélioration, notamment à travers le règlement des différents conflits autour desquels se construit l’œuvre. Ce sera également parler d’une écriture qui tendrait non seulement vers un apaisement et une réconciliation avec les figures fantasmatiques obsédantes de l’œuvre, mais aussi vers l’unité et le lien.
Dans cette possible lecture de l’œuvre, la réparation sera alors à rechercher non pas dans l’aboutissement de certains fantasmes d’unité, comme cela a déjà été fait, mais plutôt dans le mouvement incessant de la répétition et de la variation, mouvement particulièrement perceptible dans la récurrence des différents motifs obsessionnels de l’œuvre. Parmi eux, le bal et les gisants 4 apparaissent comme tout à fait privilégiés. Que ce soit dans les livres, les films, les pièces de théâtre, la danse est omniprésente. De même, les personnages, mis à mort, laissés pour morts, ou immobilisés dans des poses mortuaires, reviennent dans nombre d’oeuvres. Plus que de motifs, le bal et les gisants donnent d’ailleurs essentiellement lieu à de véritables « scènes ». Compte tenu de leur répétition selon un modèle toujours retravaillé, compte tenu de leur effet générateur sur l’écriture, ces scènes peuvent tout à fait être qualifiées de « matricielles ».
Images d’Éros et de Thanatos, représentations de l’amour charnel et de la séparation brutale, le bal et les gisants constituent des motifs d’autant plus importants qu’ils renvoient tous deux aux mêmes grands désirs, fantasmes et conflits typiquement durassiens. Non seulement ces deux motifs permettent donc d’aborder l’œuvre dans son ensemble, mais aussi dans ses grands thèmes.
Enfin, le bal et les gisants semblent particulièrement intéressants dans la mesure où ils constituent deux grands topoï littéraires caractéristiques des histoires d’amour, deux grands topoï inlassablement repris, subvertis, et donc réécrits par l’auteur.
Cette lecture de l’œuvre sous le signe de la réparation et de la transfiguration de deux scènes matricielles sera ainsi menée sous trois aspects différents. Tout d’abord, nous nous intéresserons aux différents traitements que Duras réserve, d’oeuvre en œuvre, aux deux topoï en présence et aux stéréotypes qui leur sont généralement associés. Nous entreprendrons ensuite une lecture plus psychanalytique qui s’attachera à analyser l’évolution des fantasmes et des conflits figurés par les deux scènes. Enfin, nous étudierons la répétition à proprement parler en distinguant les différentes formes de répétition auxquelles bals et gisants donnent lieu.
Si ces trois angles d’approche semblent à première vue différents et pouvoir faire l’objet d’études séparées, ils sont en réalité tout à fait solidaires. En effet, en s’intéressant à l’évolution des scènes de bal et de gisants de façon chronologique dans chacun des trois développements, nous pourrons voir en quoi le traitement des fantasmes et de la répétition est étroitement lié au traitement de plus en plus subversif que Duras fait subir aux topoï. Le point de départ de l’étude à partir de la question des topoï nous permettra également d’entreprendre une lecture psychanalytique des scènes qui aura pour objectif non pas d’innover dans le domaine de l’interprétation, mais de mettre en rapport topoï et fantasmes en considérant ces derniers dans leur évolu

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