MULTICULTURALISME ET IDENTITÉ EN LITTÉRATURE ET EN ART
464 pages
Français

MULTICULTURALISME ET IDENTITÉ EN LITTÉRATURE ET EN ART , livre ebook

464 pages
Français

Description

Le multiculturalisme est une réalité, une « fatalité » liée au Nouveau Monde : le colonialisme l’a créé en Amérique, en Afrique, dans les espaces du Pacifique. Le multiculturalisme est aussi une conquête, une victoire sur une volonté coloniale d’assimilation ou de développement séparé foncièrement inégalitaire. Mais une société peut-elle vivre démocratiquement en intégrant plusieurs communautés, plusieurs cultures ? La production esthétique est, bien évidemment, le lieu social de ce questionnement. C’est l’objectif de cette étude.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2002
Nombre de lectures 240
EAN13 9782296300224
Langue Français
Poids de l'ouvrage 16 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MULTICULTURALISME ET IDENTITÉ
EN LITTÉRATURE ET EN ART@L'Hannatlan,2002
ISBN: 2-7475-3109-0UNIVERSITÉ DE POLYNÉSIE FRANÇAISE
ASSOCIATION INTERNATIONALE
DE LITTÉRATURE COMPARÉE
MULTICULTURALISME ET IDENTITÉ
EN LITTÉRATURE ET EN ART
Essais réunis par Jean Bessière et Sylvie André
L'Harmattan ItaliaL'Harmattan L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3 Via Bava, 375-7, rue de l'École-Polytechnique
1026 Budapest 10214 Torino75005 Paris
HONGRIE ITALIEFRANCEPRÉFACE
Le multiculturalisme est d'abord une réalité factuelle, une
« fatalité» liée au Nouveau Monde: le colonialisme l'a créé en
Amérique, en Afrique, dans les espaces du Pacifique.
Le est aussi une conquête, puisqu'il est une
victoire sur une volonté coloniale d'assimilation ou de développement
séparé foncièrement inégalitaire.
Dans cet immense Nouveau Monde, il est enfin un questionnement
sociologiquement vital: une société peut-elle vivre démocratiquement
en intégrant plusieurs communautés, plusieurs cultures? Faut-il et, si
oui, comment, au-delà de quêtes individuelles, forger une identité
collective, un substrat idéologique jusqu'ici conçu comme nécessaire à la
vie ensemble?
La production esthétique est, bien évidemment, le lieu social de ce
questionnement. Elle organise la réflexion autour de Figures (des
hommes tels Gau~uin ou Segalen, des types telle détective métis en
Australie ou aux Etats-Unis, des lieux comme les grandes cités
historiques du monde), de Formes (théâtre occidental, roman policier,
roman d'apprentissage, code poétique) ou de Sciences (anthropologie
et ethnologie) : ces Figures, ces Formes, ces sont les
médiateurs culturels d'un dialogue à l'échelle du monde.
Dans la littérature du Nouveau Monde, selon les recherches réunies
ici, le mythe des origines, du retour à l'âge d'or pré-colonial et
monoculturel devient obsolète, sauf peut-être en Nouvelle-Zélande où il
n'est pas vécu comme un mythe, mais comme une réalité historique
dont les traces peuvent permettre une réparation de la spoliation
coloniale grâce à un processus juridique profondément original.
Dans la plupart des autres œuvres analysées, les auteurs naviguent
à l'estime entre deux potentialités aussi insuffisantes l'une que l'autre:
la coexistence séparée et égalitaire des cultures, d'une part, toutes les
formes de néo-cultures par hybridation, par syncrétisme, par mélange,
par transculturalité, d'autre part.
5Par une sorte d'effet-retour, les cultures du Vieux Continent se
découvrent, à leur tour, multiculturelles sous la chape en déshérence
des cultures nationales, sans que l'aiguillon géopolitique de la
construction européenne ou de la globalisation de l'économie libérale
y soit étranger.
Le multiculturalisme n'est donc plus seulement perçu à l'aube du
XXIe siècle comme le résultat d'un traumatisme historique
fondamental, comme le mouvement de colonisation. Il se révèle être une
dimension essentielle de l'histoire des cultures, autrement dit de la
constitution des identités collectives. Celles-ci se nourrissent de rencontres,
fantasmées, niées ou revendiquées, avec d'autres univers culturels,
notamment avec l'Orient (Chine, Japon ou monde musulman) par un
travail permanent sur des invariants partagés (le mythe de la descente
aux Enfers par exemple), par l'usage imposé, refusé ou accepté d'une
langue commune (les francophonies).
Ainsi perçues, les identités collectives devenues ouvertes et
polyphoniques contribuent à alimenter la crise de l'identité individuelle,
caractéristique du siècle finissant. Refermé sur soi et vivant dans le
présent, l'individu contemporain échoue à donner du sens à son
existence.
Il ne peut toutefois éluder l'épaisseur de l'histoire collective, définie
non pas comme résultante idéologique univoque (histoire
institutionnelle), mais comme possibilité de choix et de dépassement. Il est aussi
confronté à l'histoire individuelle comme révélation quotidienne de
«l'Autre de soi ». Le travail de l'artiste est de donner à voir cette
incontournable prise en charge du temps individuel et collectif et de la
diversité culturelle afin de le féconder et d'en accepter le pouvoir de
métamorphose, non pas afin de ressasser les combinaisons connues et
rassurantes.
Enfin la réflexion théorique sur la notion de multiculturalisme
aboutit à ce résultat apparemment paradoxal: maintenir une exigence
d'universalisme et le redéfinir à partir du constat d'une somme
incommensurable et indénombrable de diversités. En effet, désormais,
aucune forme esthétique ne vise plus à présenter une vision totalisante (par
exemple le roman éclaté post-moderne ou les nouvelles formes
auto6biographiques), aucune littérature nationale ne peut plus revendiquer
une unité signifiante, aucune histoire de la littérature ne peut plus
prétendre structurerla temporalité - sinon comme l'histoireen perpétuelle
modification de rencontres de cultures littéraires. Cette exigence de
l'Universel demeure cependant comme un « horizon incomplet» ou
comme le rêve d'une globalité qui reconnaîtrait toutes les diversités.
En envisageant toutes les implications de la notion de
multiculturalisme, les textes présentés dans cet ouvrage permettent de conclure à la
nécessité de redéfinir les catégories fondatrices de la littérature
comparée. Aucun des auteurs ni aucun des artistes cités ne souhaite
renoncer à une volonté d'universalité au cœur de nos diversités, même s'il
éprouve de la difficulté à lui donner un contenu.
Sylvie ANDRÉ
Université de la Polynésie française
Note sur l'édition des contributions: dans l'ensemble des textes,
qu'ils soient rédigés en français ou en anglais, il a été adopté les
conventions typographiques de l'édition française pour ce qui
concerne la ponctuation.
7I
EXPRESSIONS DES IDENTITÉS CULTURELLES
ET ESPACES DU PACIFIQUEShigemi INAGA
Tahiti et la migration des signes
Représentation du paradis terrestre chez Paul Gauguin
et quête de la créolité dans le langage plastique
au tournant des XIXe et XXe siècles
Durant les dix dernières années, Paul Gauguin est devenu l'une des
principales cibles de la critique dite post-colonialel. D'après les
critiques féministes, la vie de Gauguin à Tahiti et aux îles Marquises
constitue la pire forme prise par le fantasme occidental du paradis
terrestre, à l'époque de l'impérialisme, à la fin du XIXe siècle. C'est en
conjugaison avec ce fantasme que le mythe primitiviste de Gauguin se
développa. Ce mythe s'appuie à la fois sur le rêve d'une domination de
la terre inconnue et sur le plaisir sexuel du corps féminin, que Tahiti
procurait en abondance aux colonisateurs. Applaudir Gauguin, en toute
innocence, comme un héros prométhéen, revient à révéler l'envie que
les hommes en Occident ont éprouvée pour un héros créateur qui savait
satisfaire ses fantasmes de domination coloniale. Bref, le mythe de
Gauguin risque de contribuer à faire accepter le colonialisme
occidental sous ses aspects paternaliste et raciste - ce que le féminisme doit
dénoncer à tout prix. L'art de Gauguin doit, en conséquence, être
critiqué dans sa totalité et dénoncé comme une forme d'usurpation
coloniale, tant dans une perspective économique que dans une perspective
morale. Le primitivisme artistique, pratiqué en Occident, doit être
récusé comme une idéologie anti-féministe, etc. Les condamnations
les plus éloquentes de Gauguin sont celles d'Abigail Solomon-Godeau
et de Grisela Pollock2. De. manière péremptoire, elles accusent
Gauguin d'un triple délit.
Premier délit: la prostitution, dont bénéficia Gauguin auprès de
jeunes filles tahitiennes, peut servir de métonymie pour les viols qui
ont été pratiqués par le colonialisme occidental envers ses colonies.
Les historiens de Gauguin ont longtemps fermé les yeux sur ces abus
et ces viols, que l'artiste n'a pas hésité à pratiquer sur les jeunes
IlTahitiennes. Les chercheurs contempo

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