Pelaio
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Pelaio , livre ebook

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Description

Extrait : "La céleste Providence qui, dans ses décrets éternels, m'avait sans doute condamné à être marin, me fit naître dans la patrie des Duguay-Trouin et des Surcouf, entre le rocher sur lequel était adossée la cabane de mes parents et le rivage que baigne la rade de Saint-Servan. L'auteur de mes jours, Mathurin Flou, pauvre pêcheur s'il en fut jamais, ne salua pas mon avènement au monde avec ces transports de joie que, depuis Abraham jusqu'à nos jours..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Publié par
Nombre de lectures 75
EAN13 9782335068689
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335068689

 
©Ligaran 2015

CHAPITRE PREMIER Origine du héros de cette histoire – Les Smogleurs
La céleste Providence qui, dans ses décrets éternels, m’avait sans doute condamné à être marin, me fit naître dans la patrie des Duguay-Trouin et des Surcouf, entre le rocher sur lequel était adossée la cabane de mes parents et le rivage que baigne la rade de saint-serran. L’auteur de mes jours, Mathurin Flou, pauvre pêcheur s’il en fut jamais, ne salua pas mon avènement au monde avec ces transports de joie que, depuis Abraham jusqu’à nos jours, font éclater tous les pères, en recevant dans leurs bras le premier gage d’une longue postérité. Le malheureux homme, qui n’avait pour tout bien qu’une partie de la barque dont il était patron et le tiers d’un canot à l’aide duquel il essayait parfois un peu de contrebande sur les côtes d’Angleterre, ne vit pas, sans quelque inquiétude pour son propre avenir, le présage de la fécondité que lui faisait craindre ma mère. Mais, soit que le ciel prit en pitié la misère de Mathurin Flou, ou soit plutôt que la nature eût fait, en me créant, un effort qu’elle ne fut pas tentée de renouveler, je restai l’unique héritier présomptif de la cahutte que nous habitions, et qui, semblable à une grosse chaloupe chavirée la quille en l’air sur le sable, avait été construite des débris abandonnés d’un vieux bateau que le naufrage avait jeté autrefois sur le lieu même de notre domicile.
Le prénom tout hibérique que je reçus sur les fonts baptismaux, fut inspiré à Mathurin Flou par un souvenir de gloire auquel se mêla peut-être bien, dans ce moment, certaine réminiscence de friande cupidité. Ancien marin de l’État, il avait jadis contribué à faire, sur les Espagnols, une capture, dont il avait eu et bu sa petite part. Cette capture qui était un joli brick chargé de vin d’Alicante, s’appelait le Pelaïo , et pour consacrer dans sa famille la mémoire de ce fait d’armes que mentionnaient au reste ses états de services, mon père, au lieu de m’appeler Jacques, Pierre, Jean, Benoit ou Mathurin comme lui et comme tant d’autres, me donna le nom patronimique de la prise qui lui rappelait l’éclat d’un succès et le total tout aussi doux de la somme, qu’en sa qualité de capteur, il avait touchée au bureau des classes de son quartier.
Les pauvres gens se préoccupent bien rarement du sort futur de leurs enfants, quoiqu’ils soient cependant, parmi tous les êtres civilisés, ceux qui devraient songer le plus sérieusement à assurer à leurs rejetons, les moyens de subsister ou de parvenir. Mais, par l’effet d’une contradiction morale qui se retrouve à chaque instant dans les choses les plus ordinaires de la vie, il semblerait que la prévoyance des besoins de ce monde ne regarde exclusivement que les riches, et que les pauvres n’ont autre chose à faire qu’à abandonner à la providence du hasard, le soin de leur avenir ou de leur conservation.
J’avais atteint déjà l’âge de onze ans sans que mes parents eussent encore cherché à deviner le goût que je pourrais avoir pour un métier quelconque, et, par une bizarrerie que l’on remarque assez souvent chez les vieux marins, mon père, qui aurait dû voir avec satisfaction le penchant que je montrais pour son état, s’était obstiné à ne pas permettre que je partageasse avec lui les rudes travaux dans lesquels il allait chercher chaque jour son pain et le nôtre. Voilà, disait-il quelquefois en parlant de mes dispositions maritimes, voilà un enfant qui tourne autour du pot pour arriver à manger à la même gamelle que moi : ça voudrait déjà, je le vois bien, être mousse à la pêche. Mais je lui déclare sec et ferme que s’il s’entête à prendre le scélérat d’état que je fais depuis vingt-cinq ans à la damnation de mon âme, je lui tordrai le cou net comme à un canard.
Cette aversion profonde de maître Mathurin pour la noble profession qu’il avait exercée toute sa vie, prenait surtout sa source dans l’inutilité des efforts qu’il avait faits jusque-là pour élever convenablement sa petite famille en allant chaque matin ou chaque nuit, demander aux flots, aux vents et aux hasards de la contrebande, la subsistance de la journée. Sa haine contre son métier n’était inspirée, comme on le voit, que par un honorable motif ; mais quelque excusable que fût sa colère à peu près continuelle contre les inconvénients de sa position, nous n’en avions pas moins, ma mère et moi, à supporter assez souvent les effets de la maritale et paternelle irritabilité de maître Mathurin.
Ma mère, fort heureusement pour elle et pour moi, avait reçu du ciel une de ces bonnes et belles humeurs conjugales contre lesquelles viennent se briser tous les orages de la vie domestique. Jamais je n’ai vu de femme plus résignée à la misère et plus riante au sein de l’indigence. On aurait dit, à la voir toujours alerte et réjouie, qu’elle se plaisait à braver par stoïcisme toute notre mauvaise fortune et les privations que lui imposait une à une la nécessité. Mon père l’avait trouvée servante d’auberge à Matignon. La grosse et belle fille avait plu au jeune et sauvage matelot. Ces deux pauvres êtres, plutôt faits pour vivre tant bien que mal ensemble, que pour ne plus former qu’une seule et même nature, avaient mis en commun leurs misères et leurs espérances ; et c’est à cette union que je dus, douze ans après l’établissement du nouveau couple sur la grève de Saint-Servan, ce que les gens contents de leur sort continuent, même en parlant des malheureux, à appeler le bienfait de l’existence.
La religion, qui n’est considérée par quelques philosophes que comme un frein aux mauvaises passions du vulgaire, devient quelquefois, pour les âmes simples et fortes, la source des plus nobles et des plus aimables vertus. La confiance un peu aveugle que ma mère avait placée en Dieu, paraissait lui rendre sa résignation toujours facile ; et quand mon père s’emportait le plus violemment contre ce qu’il appelait, dans son langage trivial, la canaillerie du sort, l’enjouement inaltérable que la bonne Jacquette opposait à l’aigreur de ses plaintes, parvenait presque toujours à ramener cette espèce d’esprit malade à des senti mens plus paisibles. Une assez vive teinte de superstition se mêlait, il est vrai, dans l’imagination de Jacquette, à la pieuse soumission dont elle nous donnait l’exemple ; mais la crédulité de cette excellente femme était remplie de tant de bonne foi, que personne au monde n’aurait eu, j’en suis sûr, le courage de condamner chez elle une faiblesse à laquelle elle savait pour ainsi dire donner l’apparence d’une évangélique humilité.
J’ai dit qu’outre les ressources assez bornées que maître Mathurin trouvait dans son métier de pêcheur et dans le peu de pilotage que lui procuraient parfois les navires rencontrés au large, il cherchait à l’occasion, dans la contrebande, les moyens d’augmenter les minces profils de son état de marin. À l’époque dont j’ai à parler, la fraude était encore en assez grand honneur sur les côtes de la Normandie et de la Bretagne. Saint-Malo, situé à quelques lieues des îles anglaises de Jersey et de Guernesey offrait aux smogleurs, tant anglais que français, des avantages que les autres points du littoral ne possédaient pas au même degré. En partant au commencement de la nuit avec beau temps, soit d’une de ces îles ou de la côte de France, les fraudeurs pouvaient aisément débarquer, au lieu de destination, les marchandises dont ils étaient chargés, et revenir avant le jour à l’endroit d’où ils étaient partis avec le soir. Aussi, dans les longues nuits d’hiver, n’était-il pas rare de voir les barques françaises et anglaises s’échappant à la fois, les unes de Saint-Malo et les autres des îles voisines, venir se croiser deux fois dans leur trajet ; les premières pour déposer leur fraude sur le sol de nos voisins, et les autres pour introduire sur nos côtes leurs articles de prohibition. Cet échange incessant de produits frustrés au nez du fisc, et contre lequel les deux gouvernements qui en étaient victimes ne se lassaient pas de protester, ne se faisait pourtant qu’avec l’autorisation et sous les yeux de chacun de ces gouvernements. Et en effet, comme chaque barque française ne partait que chargée de marchandises indigènes dont l’exportation était permise, il était de l’intérêt de la France de favoriser ce débouché, et c’ét

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