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LES CONSONNES
DE SEL
Collection Poètes des cinq continents dirigée par Gérard da Silva
Dernières parutions:
68- Babacar SaU, Visages d'homme. 69- Celia Dropkin, Dans Ie vent chaud. 70- Pierre Goldin, H elladiques.
71- Noureddine Aba, Comme un oiseau traqué.
72- Irène Shraer, Ce que raconte le vent. 73- Thierry Divry (1943-1993),La seconde éternité. 74- Shêrko Bekes, Les petits miroirs. 75- Adamou Ide, Sur les terres de silence. 76- Henri BruneI, Les oiseaux pour sourire et rêver. 77- Maxime N'Debeka, Paroles insonores. 78- Krzysztof Jezewski,La musique. 79- Jean-Pierre Biondi, Si je change de nuit. 80- Philippe Caspar, Miserere. 81- Parviz Khazraï, Guitare,fourreau de la dague, suivi de Montagne en mois. 82- Le bout portant de la poésie, discussion et poèmes. (Collectif). 83- Jean Bensimon, L'arbre bonheur. 84- Lena Houari, Poème-fleuve pour noyer le temps présent. 85- Abdelkader Benarab, Les mots. 86- Saggar, Au-delà des mots. 87- Michel Helayel, L'arbre: Son nom (préface de Roger Garaudy). 88- Jean-Paul Gautier, Septfois neufpoèmes. Anthologie personnelle. D'hier à aujourd'hui. 89- André Mathieu, Le nombre d'Orphée. 90- Tarek Essaker, La prairie des inquiétudes. 91- Michel Cassir, Ralenti de l'éclair 92- André Lagrange, L'Épreuve du silence. 93- Michel Wirominski, Tout en chemin. 94- Chantal Danjou, Les consonnes de sel. 95- Pierre Goldin, Helladiques. 96- Kama Kamanda, L'étreinte des mots.
1995 ISBN: 2-7384-3185-2 @ L'Harmattan,
Chantal
DANJOU
LES CONSONNES DE SEL
accompagnées par: "Les mélodies parlées"
Éditions L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris
"A être juge des choses, je préfère être leur amant. " Cocteau
NEIGES
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Don Quichotte se méprit au point de confondre des moulins à vent avec une armée de géants. C'est une donnée quasi historique. Mais pourquoi parlerais-je de méprise à son égard? Car y a-t-il eu erreur de jugement? Pourquoi faut-il toujours se poser en juges ou en garde-fous - des actes et des visions de nos semblables? D'aucuns parleraient de lui comme d'un illuminé. Allons! C'est qu'il a été au-delà de la lumière qui aveugle. La traversée de ce miroir-là - placé face au soleil, ne l'oublions pas - un Sisyphe, un Prométhée et même une Sémélé l'ont effectuée avant lui pour accéder à la connaissance. celle qui ferait cesser les mystères divins (et sans mystère, une croyance est-elle encore possible?) Cependant. s'étant laissés aveugler par la toute puissance divine, les voilà soumis au martyre d'un labeur si astreignant qu'il leur interdit toute pensée. Don Quichotte. lui, a été plus loin encore. Il a traversé l'épreuve sans avoir cédé au désir du dieu, si extérieur à son propre désir, si contraire à sa nature. La réalité est autre que ce moulin conforme à l'esprit rationnel de son constructeur et non au regard poétique du chevalier. Ah quel hologramme voluptueux se dessine alors! C'est cette audace-là qui a sauvé la vie de Don Quichotte, lui épargnant les peines habituelles infligées par les dieux. Voir n'est rien si la perception n'est pas accompagnée d'une volonté de métamorphose. Dire ne suffit plus désormais. Il lui faut prendre le ton du conquérant, joindre le geste à la parole. Le voilà qui galope sur Rossinante, son épée pourfend tout ce qui reste encore de l'ordre ancien des réalités... Il lance son cri poétique, subversif.
-
6
La Gacholle
Les aigrettes
sur les branches faîtières d'un arbre sec
ô les vautours blancs découpés dans l'azur froid qui rendent visibles toutes les transparences la rainette le flamant l'île le cri noué de bleu voilier de laine totem rose brisé par l'eau la scille et l'isabelle qui s'y pose enneigée par cet azur-là
les aigrettes
sur leur gibet
attendent
l'aveu des désirs aussitôt foudroyés par la lumière le sel inaudible du visage
les orkis
duvet presque translucide
recouvrant les branches sèches
crépite le vent des marais
les flammes bleues où les déserts se métamorphosent
tout cet or craquelé à la surface
7
Notre différend à vous et à moi pourrait bien partir de là. «Vous vous écartez de la réalité» - dites-vous. Ce que vous nommez réalité. Ma propre perception n'a pas d'angle de vue parfaitement délimité. Elle se situe (comment dire?) entre désir et découverte. «Entre...» L'espace qui court de l'objet convoité à moi-même, ce n'est rien encore. Il y a surtout le temps qui s'écoule, instants durant lesquels mon regard voyage. Quelque part se rompt, ou se dénoue. En tout cas il y a fêlure. Création d'un événement à la place de ce point fixe, immuable que vous contempLez. J'avance dans la perception émue des choses. jusqu'à soumis, quasi
recevoir la confidence
8
La grande équinoxe
L'équinoxe des champs l'écume sonnante du le hurlement blanc du soleil d'hiver
train
Tout recule sous la chevauchée d'acier l'averse viride des premières tiges le cri transparent des oiseaux
nous allons courir sur la terre et briser sous nos pas sa coquille dont le givre est un fruit laineux au goût de sel nous allons verser dans la gorge des mouettes de terre le corail acide des bourgeons nous allons nager dans le ciel charnu et convoiter l'ascidie! jusqu' à percer son outre d' un œil de lumière
1. Figue des mers (Méditerranée) 9