ATTENTAT
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Un silence de mort nous enlace peu à peu, on s’endort ainsi, las, vidés de notre substance.
Du ciel tombe la pluie…
Attentat !

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Publié le 27 mai 2013
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Langue Français

Extrait

ATTENTAT J’écoute et j’écoute une rengaine en fumant ma clope, et j’écris de main lasse. Le temps semble épuisé. Il est immobile devant la porte et attend. J’entends le vent au dehors. Il rentre chez lui làbas au bout du monde. Et il gémit sur la terre entière : il insulte l’humanité.Il rugit comme un hymne sauvage : certains disent qu’ilparodie Wagner. Il diffuse fortissimo une puissante Ode au désespoir. Qui l’entend? Nous sommes seuls tous deux derrière le carreau, épuisés par tant de nuits. Tandis que les bombes claquent un peu partout dans un vacarme assourdissant, tu trembles : Attentat. Tu trembles de froid, de peur ?
Je sors de ma torpeur et te prends dans mes bras. Ce monde est fou, tu as peur, je le sais. Tu murmures : Protègemoi ! Je t’entends. Mon trouble est grand : comment puisje ? Je vois juste tes yeux mouillés : comme ils sont beaux délavés. Une petite rigole au coin de tes yeux laisse une perle cristalline couler. Sur ta joue elle glisse et s’attarde surla lèvre, posée. Ta lèvre frissonne, surprise par cette salinité oblige. Ce n’est pas de douleur mais de rage que je murmure : Quand les hommes cesserontils ? Le mal est partout. Le sang, les larmes…Les meurtriers jubilent, les cadavres pourrissent, les médias se déchainent. Je vois dans ton regard cette lueur féline. Tu examines mon cœur. Tu l’appelles à l’aide, tu le réclames. C’est la fin, oui la fin.
Les prophètes haranguent, les philosophes en mal d’inspirationse jettent par delà les parapets du pont neuf ou vieux : peu leur importe. Je murmure dans le creux de ton oreille : La compassion c’est dépassé, la révolte gronde. Nous devons nous tenir debout. La démocratie est en danger. Nul n’est plus protégé. Onn’est pas seul: tous ceux qui s’aiment font ainsi : devraisje te le dire pour te rassurer ? On a trop voté : on ne se sent plus protégé. La république abdique. Les indignés se rassemblent, avec leurs masques impavides et froids. On n’est pas seul: tous ceux qui s’aiment font comme nous devant leur miroir brisé, face à leur vie menacée. Je te dis : Entrons en résistance ! Ami entendstu le vol lourd des corbeaux dans la plaine….
On n’a plus qu’à espérer de belles choses qu’on gardera pour plus tard. Mais plus tard: quand ? Quand il est minuit à Paris, il y a un attentat à NewYork. On n’est jamais à l’heure.Les trains se croisent. Ils transportent nos sueurs, nos drames nos espérances. Mais les trains déraillent, les chefs de gare sont aux fers : accusés de conspiration. Nous mettons du barbelé autour de nos sentiments : monde indigne, on ne se résout pas à t’aimer.Tant d’indifférence à l’égard des hommes t’ont rendu hideux.Et toi, toi tu te blottis dans mes bras, tu claques des dents. C’est de peur ou de rage? Tu aurais tant aimé embrasser ce monde indigne,te donner à lui, ouvrir ton cœur.Tu te blottis dans mes bras: je t’entends maudire ton créateur. Il est audelà de tout soupçoncroitil ?
Dans ta robe de schizophrène, tu es merveilleusement belle. Tu es un modèle de femme à faire pâlir les astres. Le long cortège des fils de la terre se rassurent de leur peur indigente. Ils la considèrent erronée. Ils sont dignes lorsqu’ils se donnent du courage. Une immense chaine vibrante sillonne le monde la nuit, allumant une petite flamme avec des briquets tenus à bout de bras. L’obscurité tapissée de flammèches dansantes appelle à l’aide au fond de l’univers, depuis cette toute petite planète qui abrite nos vies déjà condamnées. Du courage, il en fauttu sais pour avancer sur cette terre encore fumante de toutes les forfaitures des hommes. Je vois la haine transpercer ton beau regard triste. Je te demande de ne plus penser, tu te fais du mal. Je t’implore.Attends encore un peu, tout va changer ! Demain ! demain ça sera mieux !
Attentat. L’incohérence du quotidien s’affiche,obscène. Monsieur Who assiste impassible à la dérive de ses rêves. Il tempère sa colère. Le football est plus important que tant de misère. Un homme est poignardé dans le métro. Monsieur Whose saisit de l’information, il la digère, résigné.Puis il l’évacue, repuet fier de lui. Je vois la peine s’éprendre de ton visage.Tu sors tes griffes comme une lionne traquée. Tu souffres, et je ne peux rien. Que la résignation est cruelle, lorsqu’on voit les journéess’enfuir vers des lendemains plus terrifiants encore. Ta souffrance tellement pudique éprouve mes nerfs. Moi aussi j’ai envie de hurler.De quel jour nouveau demain sera fait ? Pourquoi éprouventils nos nerfs avec leurs tueries insensées ? Tu saignes des larmes sèches. Elles creusent des sillons sur ton visage fauve.C’est beau et consternant.
Dieu des hommes tu nous as abandonnés. As tu seulement existé un jour ? Permetsmoi de douter. Te souvienstu : Mad Max, le film ? Nous jouerons les figurants bientôt. Mais ça, tu ne le sais pas encore. Armée de tes petits poings, tu les brandis menaçante, tu fais face à ces criminels invisibles, tu les défies, déterminée à en découdre. Attentat. Prise d’otages.Le crime est organisé, les institutions dépassées. L’indifférence est la norme.Ces Messieursveulent qu’on s’agenouille, qu’on s’avilisse.Leurs commanditaires veulent que l’on renie notre histoire. Ils nous veulent pour esclaves. Plaindre les bourreaux : certains savent le faire avec zèle. Nous sommes partagés, divisés. De circonstances atténuantes en pardons, nous nous perdons dans des discours lénifiants. Les
arguments les plus tièdes t’affligent. Comme une bête blessée, tu lèches tes plaies au fond de ta tanière. Combien de sacrifices pour trouver enfin la paix? Ce n’est pas pour aujourd’hui ni pour demain non plus.Combien d’innocents sur l’autel sacrificiel de la haine? Nous contemplerons encore longtemps les bombes éclore sur les détritus de notre civilisation. Nous cueillerons les fleurs du mal avec autant de constance qu’il nousest accordé. Attentat. Ce mot que j’écris de main lasse. J’en prends la mesure et le sonde jusqu’au fond de ses tripes sombres. Maldoror, tu nous asbien eu n’estce pas ? Ce n’était pas une farce mon cher comteDe Lautréamont : tu étais donc visionnaire, et toi Baudelaire, et toi Artaud, et toi encore Céline le mal aimé. Toi Rimbaud, le trublion à belle gueule.
Nul n’a jamais écrit que pour sortir de l’enfer.Désolé mon Dieu, le pardon n’est pas chose humaine. Du ciel tombe la pluie. Ton visage se noie dans le mystère. Il se strie d’une plaie nouvelle appelée : terreur. Comme un cancer, elle te ronge. Ton mal est incurable, je n’y puis rien faire. Je veille sur tes apathies et tes langueurs. Du ciel tombe la pluie, le jour, la nuit. Il se peut que tu sois déjà ailleurs…dans les brumes de sinistres pensées. Un bruit fort, violentse disperse dans l’air.Tu sors de tes songes. Des cris dans la rue, la foule se masse : je te prends dans mes bras et te conjure de ne pas regarder par là. Je tire les rideaux,je t’embrasse en sanglots.Tu pleures, entachée de tristesse. La rue se vide. Seules restent des taches vermeilles sur le pavé luisant.
Un silence de mort nous enlace peu à peu, on s’endort ainsi, las, vidés de notre substance.Du ciel tombe la pluie…Attentat !
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