Bernard
24 pages
Français

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Description

Bernard vient de fêter ses cinquante ans et depuis quelques jours, il est retourné vivre chez ses parents. Rien n’a changé depuis son adolescence, ni la décoration de sa chambre, ni la place de son père dans le divan, pas même l’heure du dîner… Assis au milieu de ses peluches, sa vieille guitare en main, Bernard se demande ce qui lui est arrivé. Comment le vent a pu si mal tourner… Le mois dernier, il avait une femme, une fille, un très bel appartement, un super boulot dans la finance. Il avait même une maîtresse !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mars 2011
Nombre de lectures 37
EAN13 9782918602019
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bernard
David Foenkinos
ISBN 978-2-36315-233-6

Juillet 2010
Storylab Editions
30 rue Lamarck, 75018 Paris
www.storylab.fr
Les ditions StoryLab proposent des fictions et des documents d'actualit lire en moins d'une heure sur smartphones, tablettes et liseuses. Des formats courts et in dits pour un nouveau plaisir de lire.

Table des mati res

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Biographie
Dans la m me collection
Chapitre 1
Je me suis dit : « Les escaliers, il ne te reste plus que les escaliers. Si tu prends l’ascenseur, alors ça voudra dire que tu as vraiment renoncé à tout. »
Depuis un an, ma vie n’avait cessé de déraper. J’avais cinquante ans, et c’était comme si je n’avais plus le droit d’avoir un âge. J’ai monté les marches, une à une, puis deux par deux, pour me prouver qu’il me restait encore de la force. Au deuxième étage, j’ai souri de manière grossière. Il fallait que je m’entraîne, que je décontracte ma mâchoire avant d’entrer chez mes parents. En ouvrant la porte, j’ai lancé un « Bonsoir maman ! », suivi aussitôt d’un « Bonsoir papa ! », mais ces deux bonsoirs restèrent sans réponse. J’ai vu la tête sinistre de mon père (je veux dire : encore plus sinistre que d’ordinaire). Il faisait exactement la même tête qu’il ferait dans dix-sept ans, quand il serait allongé sur son lit de mort.
« Tu as deux minutes de retard ! », beugla-t-il.
C’était donc ça. Comment avais-je fait pour oublier que je vivais chez des talibans de l’exactitude ? Je me suis excusé, en balbutiant deux trois mots, ce qui ne l’empêcha pas de continuer :
« Écoute, si tu veux vivre ici, tu es le bienvenu. Mais tu respectes nos règles. Et le soir, la règle c’est que nous dînons à sept heures.
— Oui, je sais. Excuse-moi.
— Cesse de contrarier ton père. Surtout en ce moment », ajouta ma mère.
J’ai observé un instant leurs visages consternés. N’avaient-ils pas d’autres préoccupations ? Après le dîner, mon père s’asseyait toujours dans son fauteuil pour regarder le journal de 20 heures. Impassible, il contemplait les pires atrocités, se gavait de génocides et de crises sociales. Comment pouvait-il relativiser si peu, me traiter comme un criminel de guerre simplement parce que j’avais deux minutes de retard ?
J’ai préféré annoncer que j’allais dormir. J’avais l’estomac tellement noué. En avançant vers ma chambre, j’ai juste eu le temps d’entendre ma mère qui criait :
« Bernard ! Si tu vas te coucher, n’oublie pas de te brosser les dents ! »
Heureusement qu’elle était là pour penser à mes dents. Moi, je n’avais plus la force de penser. Je me suis allongé sur mon lit. Rien n’avait changé depuis mon enfance. Rien, sauf moi. J’aurais voulu pleurer, mais même les larmes s’étaient échappées de mon corps. Alors, j’ai fermé les yeux.
Chapitre 2
Un an avant

J’ai ouvert les yeux, et ma femme était près de moi. Avec le temps, nous ne partagions plus grand-chose. Pourtant, j’éprouvais une joie immense à me réveiller près d’elle. À observer sa longue chevelure noire étendue sur l’oreiller blanc. D’un point de vue capillaire, je l’aimais comme au premier jour. C’est avec ses cheveux que j’aurais dû vivre. C’est dans ses cheveux que j’aurais pu partir en vacances. Toute cette partie de ma femme n’était pas soumise à la lassitude, résistait ainsi au vestige des jours. Et notre mollesse était parfaitement en accord avec la morosité ambiante. Nous vivions dans un pays en crise, une situation conjugale au bord de la faillite et, au cœur de cette poupée russe du malaise, je sentais bien que je n’étais pas au mieux. Je n’en pouvais plus de vivre dans l’apparence. Ma femme et moi étions deux comédiens qui répétaient à l’infini le même rôle. Tout était toujours écrit d’avance. Le lendemain, c’était mon anniversaire et je pouvais parfaitement dérouler le programme. Elle allait m’offrir une place pour un ballet sans intérêt (je ferais semblant de m’extasier devant un danseur ouzbek anorexique), et ensuite, nous irions dîner dans le restaurant où nous avions nos habitudes. Cette soirée ne comporterait pas la moindre surprise, ma vie était une ligne de métro.

Ma femme s’appelle Nathalie. Il y a dans ce prénom quelque chose de doux certes, mais quelque chose de fini. La période des Nathalie est révolue. Il y a une ambiance fin des années 1970 dans Nathalie. Enfin, c’est juste une pensée en passant. Ma femme me pousse souvent à m’exprimer. Elle est psychanalyste : quand je m’allonge près d’elle sur un lit, je sais qu’elle va davantage tenter de m’analyser que de me sucer. Pourtant, je crois bien qu’elle ne m’a jamais donné une seule fois un bon conseil. Je l’ai vue guérir des cas extrêmes mais elle a toujours été incapable de me dire quelle cravate mettre :
« Ça dépend, c’est avec qui ? Les banquiers suédois ? Si c’est avec les banquiers suédois, évite de mettre du jaune. Remarque je dis ça, mais ils peuvent prendre ça pour un hommage... Le mieux serait quelque chose à mi-chemin entre le orange et le jaune, tu as ça ?

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