contes rendus végétaux
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Textes courts humour noir jeux de mots base végétale philosophie inquiétante du futur

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Publié le 14 janvier 2012
Nombre de lectures 116
Langue Français

Extrait

Contes rendus végétaux.
(Alain Georgeot.)
Ah ! La main verte…
Les humains utilisent les plantes et les fleurs pour les naissances, les mariages, les maladies et
les enterrements…
Ils les mangent ou les sentent.
Ils les font pousser ou les jettent.
Ils s’en servent pour honorer les sportifs ou pour déclarer leurs besoins sexuels.
C’est dire s’ils les considèrent comme des « vaches-à-lait-fourre-tout » !
Que penser, alors, de l’étant, qui donne autant de sens à la même chose ?…
Il est, tout juste, celui qui exerce un primitivisme résiduel et persistant.
Et que penser, soudain, du végétal, qui, lui, se laisse étiqueter aussi facilement ?…
Rien de bon.
Et je crois que le
« de bon »
est, sincèrement, inutile…
Sommaire :
La révolte des sapins
Saigneur.
« Je crois, au soleil comme la plante y croi(î)t. »
Par certains côtés.
La plante des pieds.
L’inauguration.
Le porteur d’eau.
Le chocolat.
La vie est un sapin de Noël : on te déracine de ton lieu de naissance ; on te transplante dans
une pépinière, avec d’autres, comme toi, mais, en fin de compte, pas comme toi.
Puis, un jour, alors que tu commençais à t’y faire, on te vend, on te transporte, on s’occupe de
toi, on t’encense, on te décore, un instant.
Ca cacherait presque quelque chose…
Aussitôt, tu as vieilli, mais tu resplendis, bien que, finalement, on t’ignore…
Et tu vis mal cette accélération : il fait un peu trop chaud et tu t’étioles.
De toutes façons, même resté vigoureux, bientôt, on te jetterait, de toutes les façons, sur le
trottoir.
Tu rejoins, ainsi, la mortuaire poubelle incinératoire, après un séjour grabataire dans le
caniveau parisien...
Arraché, déplacé, honoré, rejeté : telle est ta destinée !
N’y a-t-il pas lieu de s’en venger ?…
La révolte des sapins.
Les hommes avaient fait vieillir, artificiellement, les sapins, à force de farine ou de coton.
Ils les avaient, ensuite, exclus sur le trottoir.
Les pauvres conifères, gisant, lamentablement, comme des S. D. F., faisaient, là, la manche,
en tendant, en supination, leurs pauvres branches.
Comme c’était, aujourd’hui, dimanche, ils restaient ignorés…
1
Parfois méprisés, ils se faisaient, même, invectiver pour la place qu’ils prenaient.
En outre, ils recevaient, parfois, des coups de pied…
On leur crachait dessus...
Dessus pleuvaient toutes sortes d’objets…
Jusqu’à un mégot embrasé…
Excédé, un premier sapin s’embrasa, lui aussi…
Si près de son voisin, qu’il lui communiqua sa chaleur, ainsi que sa flamme…
Peu après, l’incendie fut gigantesque et crama tout le quartier…
Les dégâts furent importants, mais, compte tenu de la rapidité d’intervention des sapeurs-
pompiers, il n’y eut que peu de victimes…
Seulement des enfants et des viellards.
Et, bien sûr, les résineux calcinés.
Saigneur.
« Seigneur, j’ai travaillé toute ma vie, pour élever mon fils, le nourrir et le protéger…
Et voilà qu’aujourd’hui, il est mort !…
Ressuscite-le, Seigneur, je t’en supplie !…
-Je le ferai, si tu me trouves des graines séchées de coquelicot, dans une « Maison », qui n’ait
jamais connu la mort. »
Dans les maisons neuves, la mère constata qu’il n’y avait jamais eu de graines de coquelicots
séchées.
Dans les maisons anciennes, elle finit, après de longues pérégrinations, par en trouver, qu’un
enfant avait gardées.
Elle revint, alors, pleine d’espoir, vers le Seigneur, mais Celui-ci lui dit :
« J’entendais « Maison », au sens de « Famille »…»
La femme comprit que c’était impossible.
De désespoir, elle accepta.
De fatigue, elle mourut.
Le Saigneur éparpilla au vent les graines de coquelicot séchées.
« Je crois au soleil, comme la plante y croi(î)t. »
Elles croissaient, au milieu de la voie ferrée, entre les cailloux et les rails, en prenant les
chemins des traverses.
« Tu grandis trop !…», dit la cheftaine à celle vêtue de bleu foncé.
Le deuxième jour, un tribunal de congénères l’accusa aussi :
« Tu grandis trop !… »
La sentence tomba, le troisième jour :
« Nous te condamnons à la guillotine !…»
2
Et le train passa, comme chaque jour, en faisant courber les cols des myosotis…
Mais leurs tiges se redressaient, toujours, avec des vacillements de victoire.
Le quatrième jour, pourtant, le vent courba le ne-m’oubliez-pas outremer…
Au bon moment…
Au-dessus du rail…
Et le train le décapita.
Par certains côtés.
D’abord il y a la rivière
Enfin une rivière
Ou peut-être est-ce un canal
Oui ça doit être ça
Un canal
Mais qui ressemble à une rivière
Par certains côté par certains côtés
Et puis il y a une main
Une grosse main
Avec cinq doigts
Environ
Regardez bien la main
Vous là vous ne la voyez pas
Je le vois bien
Regardez-la vous dis-je
Ca y est vous y êtes
Où en étais-je moi
Ah oui la main
La main
En fait ce n’est pas véritablement une main
Ca y ressemble en tout cas
Par certains côtés par certains côtés
Une chose est certaine cependant
C’est qu’elle est au bout d’un bras
Un bras puissant musclé
Avec des veines partout
Ah oui de la vraie veine
Qui sillonne tout le bras
Puis se ramifie se réunit
Tourne en rond comme une nodosité
Et dedans un liquide
Un liquide blanc
Ou peut-être vert
Vert-marron quoi
On ne voit pas bien sous la peau
Disons du sang blanc
Du sang blanc oui mais par certains côtés
Par certains côtés seulement
Et au-dessus du bras
L’épaule
3
Une épaule forte enjolivée
J’aime bien ce mot
Enjolivé
Tellement enjolivée que l’on croirait une roue
Non pas une roue
Une épaule
Non pas une épaule
Je vous ai dit qu’il n’y avait pas d’épaule
Je ne vous l’ai pas dit
Excusez-moi je raconte mal
Mais je vais vous expliquer
Au départ je ne suis pas là pour raconter
Je suis là pour vous montrer
Que c’est ma main
Mon bras mon épaule
Non on a dit qu’il n’y avait pas d’épaule
Vous ne me suivez pas bien
Bon c’est compréhensible puisque je suis immobile
Par certains côtés d’un certain côté
Parce que pour le reste
Je vis je bouge je m’étends je bâille je m’étire
Et je me rendors
Ou pas
C’est comme vous voulez
Si vous voulez quelque chose aujourd’hui
Y en a-t-il qui veulent quelque chose aujourd’hui
Non bien sûr
Ce n’est pas comme moi
Mais je n’arrive pas à l’exprimer
Vous c’est pareil
Moi aussi
Par certains côtés par certains côtés
Et tout ça ça me rend violent
Ah certes
Très violent
Ce n’est pas comme les autres
En rang d’oignons
Oh c’est drôle ce que je viens de dire
En rang d’oignons
Moi je suis violent
Je n’aime pas que l’on me marche sur le pied
Ah ça non
Mais entre ne pas aimer et le dire
Il y a une marge
C’est vrai que je suis dans la marge
On m’y a mis un jour
J’y suis resté
Aujourd’hui je veux toujours y rester
Tant pis il ne fallait pas m’y mettre
J’y suis j’y reste
4
Dans la marge
D’ailleurs
Je compte bien me servir de cet argument pour expliquer
Que je ne suis pas méchant au fond
Qu’au début
Quand il y avait la rivière
Tout au début
Je n’avais jamais eu l’idée
De l’étrangler
Ce bûcheron
Avec ma branche
La plante des pieds.
Il avait commencé par un pied.
Le gauche.
Les fleurs vivaient bien ainsi.
Il n’y avait pas de raison.
Il lui restait deux bacs
« costa brava »
et de la bonne terre de bruyère. C’était facile de
préparer un mélange ad hoc, en remplaçant l’engrais par des vitamines achetées en pharmacie
et en ajoutant les lipides, les protides et les glucides traditionnellement indispensables.
Le pied avait d’abord éprouvé le contact enveloppant de la terre.
Froid.
(C’était une sensation bien différente de celle de la marche sur terre.)
L’habitude s’était, petit à petit,
« accomodée »
à cet élément.
La seule gêne était le déplacement dans l’appartement : avec ce pot, il fallait se traîner comme
un poussah.
Le deuxième jour, il s’était arrosé : une impression de fraîcheur jamais ressentie.
Il s’arroserait tous les jours maintenant.
Il s’était dépoté le cinquième jour.
Pour voir.
Quelle joie !
De minuscules radicelles blanches s’échevelaient, déjà, à son pied.
C’était décidé : il planterait aussi l’autre.
Bon… Fermer la porte à clé ; passer un coup de fil au concierge, pour lui signaler une absence
de quelques mois, et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour l’appartement, qui, du reste,
était en ordre, et que le loyer pourrait continuer à être prélevé sur le compte bancaire : c’était
facile, tout compte fait.
Il avait débranché le téléphone et s’était assuré qu’il n’y aurait pas d’imprévu.
Quelle chance il avait ! La fenêtre de sa cuisine donnait sur une luminosuité de septième
étage, -les avions ne pourraient même pas venir l’y observer-.
En outre, elle était située tout près de l’évier, à sa droite : il pourrait donc s’humidifier, sans
avoir, désormais, à se déplacer.
Il s’était installé obliquement par rapport à la fenêtre, mais, même ainsi, il profiterait de la
lumière et du soleil…
5
Le jour, sa tête suivait résolument le trajet héliaque.
La nuit, il la laissait retomber sur sa poitrine et apprenait à dormir debout.
La vie passait bien ainsi.
Bientôt, des feuilles étaient apparues, sur ses épaules et ses bras.
Il en avait été ravi.
En en brisant une, il avait constaté, avec plaisir, que son sang avait pris la couleur du lait-
fraise.
Plus tard, alors que les premiers bourgeons se révélaient sur son visage, il s’était aperçu qu’il
penchait du côté droit.
Et oui ! Une des jambes avait crû plus vite, du fait de sa plantation antérieure.
Afin de ne pas se trouver hors de portée de son point d’eau, il s’était dandiné, trémoussé
même, pour se replacer dans une position favorable.
Avec ses forces
« hominominéralovégétales »
, il y était parvenu.
En entrant , le concierge dit au serrurier :
« Vous savez, c’est tout à fait bizarre… Quand il y a eu ce petit incendie, dans la cage
d’escalier, tout à l’heure, j’ai cru entendre, alors que j’éteignais, de petits cris aigus, provenant
de cet appartement. Je me suis inquiété et j’ai préféré savoir s’il se passait quelque chose
ici… »
Un renfermé vaquait à l’atmosphère…
Cependant, dans chaque pièce, tout était soigneusement rangé.
Seule, la poussière s’était arrogée des droits et des endroits, qui lui échappaient en temps de
présence humaine.
Le concierge visita aussi la cuisine : près de la fenêtre, il y avait une sorte d’héliotrope
curieux, dont les deux pieds, plantés séparément, se rejoignaient en chapeau chinois, pour se
prolonger vers le haut en jambe d’entonnoir.
La tige en était énorme et semblait d’une redoutable vigueur.
A son flanc droit, pendouillait un
« serpentin-liseron »
.
Au gauche, c’était presque un bras volubile, qui entourait un petit arrosoir, où gouttait l’eau
du robinet.
Quant à la fleur, une espèce de soleil, à mieux dire, avec une grande chevelure blanchâtre,
principalement sur le dessus, elle donnait l’impression d’épier…
A l’intérieur du large périanthe s’accrochait une inflorescence rosée : six corolles, placées en
pentagone.
Quatre d’entre elles formaient les sommets d’un hexagone pour le haut et une le sommet d’un
triangle isocèle, achevant, ainsi, par le bas, le pentagone.
Ces cinq fleurs s’harmonisaient autour d’une sixième centrale.
Le concierge s’écria, devant le serrurier, qui l’avait suivi :
« Originale, cette fleur, ne trouvez-vous pas ?… Pour sûr, elle plairait à ma femme !… »
6
Il ferma bien le robinet, qui gouttait toujours, puis fouilla dans sa poche.
Il en tira un canif et coupa le pied de la plante.
L’inauguration.
On avait demandé à Papy Jean-Jacques de faire le calcul…
Le rond-point faisait exactement 24, 02 mètres de diamètre et il fallait en trouver la surface.
Papy posa :
« 24, 02 x 3,14 sans chaise = … »
,
mais le petit Noham intervint à ce moment-là, pour dire qu’à l’école, hé bé…, il avait appris,
lui, que c’était le rayon qu’il fallait utiliser pour calculer la surface et que la formule, c’était :
« 2 pierres d’eux »
!
On appela alors justement Pierre, le vieux maître d’école…
Il prit la machine à calculer, pour être plus sûr et aller plus vite.
Il tapa dessus, mais avec des doigts de papillon :
« 24, 02 : 2 = 12, 01 x 12, 01 = 144, 24 x encore par 3, 14, ce bon vieux pi = irréfutablement,
452, 91 »
.
Et Pierre ajouta même :
« Mètres carrés »
,
qu’il prononçait plutôt :
« Mètrres carrrés »,
grâce à son accent, rempli de cailloux de Garonne.
Papy soliloqua dans son coin :
« 3, 14 !… 3, 14 !… Avec une 14, on en aurait eu assez de guerres !… »
Mais ça donnait quoi, tout ça, cette surface,
« Quoi ! »
, comme ils parlaient à la télé…
Lucien, le bourgmestre, alors, expliqua :
« Faudrait savoir combien on met de personnes sur 1 mètre carré et, comme ça, on saurait
combien on en met sur 452, 91 !… »
On traça devant la mairie 1 mètre carré et l’on vit qu’à 4, on pouvait largement y tenir debout,
même s’il y en avait un des quatre avec un estomac de type
« cimetière à poulets »
.
Pierre reprit sa calculette et posa :
« 452, 91 x 4 = 1 811, 64. »
7
Et c’était exactement, à 0,64 près, le nombre d’habitants de la commune !…
De toutes façons, on aurait bien une femme enceinte dans les parages et si, d’ici dimanche
prochain, il pouvait y avoir un décès ou une naissance, tout ça finirait bien par se
compenser…
Donc, le dimanche prochain fut choisi pour l’inauguration et ce dimanche prochain, il se
trouvait qu’il était le suivant : ça tombait rudement bien !…
Il fit beau ce jour là.
Les journalistes
« burdigaliens »
ne prétèrent pas attention à cet événement hors du commun
de la commune, qu’avait, pourtant, signalé Céline, la secrétaire de mairie.
Ils ne vinrent donc pas.
Ils ne virent donc pas les 1 811 habitants du village se réunir avec force rires sur les 452, 91
mètres carrés du rond-point.
Ce ne fut que le jeudi suivant que 2 ou 3 d’entre eux se rendirent au rond-point fameux !…
Des automobilistes leur avaient signalé que le rond-point de Quinsac était fleuri avec
luxuriance, que c’en était une merveille !…
De fait, ce rond-point était devenu un magnifique bouquet multicolore, composé de fleurs
étonnantes, car toutes différentes et jamais vues auparavant, pas plus chinois que d’habitude,
au demeurant !…
Et, de plus, le vent, précisément, en soufflant délicatement, faissait bruisser les feuilles des
fleurs, qui, à l’approche des automobiles, se mettaient à chanter :
« Ralentissez… Ralentissez… »
Le porteur d’eau.
Un porteur d’eau avait deux grandes jarres.
Elles étaient suspendues, l’une et l’autre, aux deux extrémités d’une pièce de bois, qui
épousait la forme des épaules du porteur d’eau.
L’une des jarres avait de l’éclat et conservait toute son eau de source jusqu’à la maison.
L’autre jarre était terne et perdait la moitié de sa cargaison en cours de route : elle en était fort
déprimée…
Au bout de deux ans, la jarre abîmée demanda au porteur d’eau de l’excuser de ne pas rendre
le service, qu’il était en droit d’attendre d’elle.
Le porteur d’eau lui répondit alors :
« Regarde plutôt ces fleurs magnifiques, le long du chemin…
Elles sont, toujours, de ton côté et jamais de celui de la jarre parfaite…
Sais-tu pourquoi ?…
J’ai simplement tiré parti de ta déficience : tu perdais de l’eau, soit !…, mais, en même
temps, tu arrosais les fleurs du bord de la route ! »
« Nous avons tous des éclats, des blessures et des défauts…
Nous sommes ainsi, tous, des jarres abîmées…
Augmentés par la vieillesse, le physique ou l’intellect, les défauts, trop grands ou trop petits,
rendent, pourtant, nos vies exaltantes et intéressantes…
8
Il faut donc prendre les défauts tels qu’ils sont et voir ce qu’il y a de bien en eux !…
Flexible, nul ne sera déformé et chacun pourra, également, apprécier les gens différents !…
Sans les gens différents, la vie serait terne… »
Ainsi parla le Sage aux enfants…
Alors, les enfants lui jetèrent des cailloux !…
L’un d’entre eux cassa la jarre parfaite…
Le chocolat.
Cécile m'a offert une boîte de chocolats et voici comment je suis devenu...
Qui de nous deux en aura honte, car ce ne sera pas moi, ça, c’est sûr ?...
Fort de cette épuisante journée, que j’avais passée et où l'on n'avait fait que me casser les
pieds, j'ai ouvert le coffret de chocolats...
Ma main s'y est égarée... à quatre reprises, jugeant que plus serait de l'abus.
Le premier bonbon était, timidement, craquant, avec son éparpillement de noisettes fluettes.
Le second me surprit quelque peu : il semblait contenir du piment, qu'heureusement la
théobromine venait adoucir avec sa douce mine.
Mais quel choc, holà !...
Je ne pouvais rester sur pareille impression, qui aurait pu, longuement, me faire douter de
mon intellection…
En aveugle, je saisis, comme toute poule assermentée, la première queue survenue et, à peine
prise, j'eus la cerise !
Le noyau prenait bien un peu de place au chocolat, mais restait, nonobstant, délicieux à
sucer...
Allons ! Il me fallait terminer en apothéose : je pris, maintenant, celui qui brillait de mauve,
tout revêtu d'écailles luminescentes et fauves...
Y avait-il du pruneau en lui ?...
Je pus le croire, car je sentis des lambeaux de peau s'accrocher aux interstices de certaines de
mes dents, vraies ou factices...
J'en fus presque persuadé, lorsque le goût de l'Armagnac me vint sur les papilles, pareil à un C
cédille...
C'était dit : j'arrêtais...
Pour le soir, seulement...
Et je ne sus comment une orangette vint finir, en ma bouche, son travail, trahissant la
mathématique quaternaire, que je venais d'édicter...
En me lavant les dents, une couple d'heure plus tard, j'avais encore des goûts... et du dégoût à
m'en débarrasser...
Me vint alors l'idée qu'avec personne, je ne devais partager et je m'endormis, tout rasséréné...
Vive le chocolat, criaient mes songes, qui, toujours, me rongent !
Las !
Me voici, aujourd'hui, et ma boîte a bien diminué, hier, juste avant de me coucher...
Mais je dois considérer que la guinette brisée, -faudra-t-il réclamer ?-, va finir ses vieux jours
sous mes dents acérées...
Il faut dire aussi qu’en ce jour, je broierai du noir à moult reprises : trois, je me dois de
9
l'avouer...
Que c'en serait presque nerveux !...
Ca ! J'ai gâché, un peu, ma sensation de ces rondelets en habits de velours, dont les
brillances, avivées par mes crocs tout noircis et baignés de salive féline, illuminait mon jour...
Pour me récompenser d'un tel
"carnage"
abusif, j'ai, finalement, choisi, dans ce qui me restait,
un parallélépipède malté...
Déception !...
Le malt, que j'apprécie, se marie mal au goût ambré du chocolat, à mon sens, lui donnant
presque un ton d'essence, au total !...
J'ai donc, une nouvelle fois, cessé mon addiction, mais espère vivre demain..., pour la
reprendre, mais, cette fois, avec le même égoïsme qu'aujourd'hui....
Et tant pis pour la maréchaussée ou pour quiconque voudrait, en ce temps, m'approcher !
Qui a dit :
"Poil aux pieds !"
?...
Faire souffrir par quelques simples mots est supplice d'esthète.
Je revendique, donc, ce sadisme de bon
"choco-aloi"
, car sentir quelque ami assoiffé de ma
denrée brune, alors que cette dernière lui met l'eau à la bouche, me réjouit mille fois !...
Et, pour enfoncer le clou, j'évoquerai simplement le café mêlé, ce matin, aux deux chocolats,
que je prisai grandement, sans même avoir besoin de tasse à leur consacrer.
Ils sont, encore, tout en douceur et en amertume, en mon palais...
Que ce soit bien dit : aujourd'hui, je n'embrasserai !...
Ma langue est avec moi et je n'ose même pas parler, de peur de gaspiller les résidus gustatifs,
que j'ai pris soin de me réserver.
J'imagine que toute journée de quiconque d'autre en sera, par la privation, davantage gâchée...
Eh bien ! Tant mieux !
Et pas de bises, vous dis-je, pour les raisons que, maintenant, vous savez...
Il me reste, à présent, à attendre un prétexte, car, vous le supposez, la boîte n'est pas tout à fait
finie !...
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