Ennuyeux et facile
86 pages
Français

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Ennuyeux et facile , livre ebook

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Description

Le troisième carton est presque vide. Dans leur désir, au demeurant compréhensible, d'avoir place nette, aisée à dépoussiérer, les aides ménagères font de terribles empaqueteuses. Celles de notre mère, à mesure que la lucidité la quittait, ont emballé et enfoui dans les placards de l'appartement le bazar qu'elle appelait tantôt ses archives, tantôt ses andouillettes. Pendant que ma soeur Sylviane s'occupe des photos, que nous avons trouvées curieusement réparties dans toutes sortes d'enveloppes usagées, j'inventorie des ballots hétéroclites. Un temps, j'ai pensé associer Léa, l'aînée de mes petites-filles, à notre pieux recensement, mais, outre que son intérêt pour de vieilles paperasses m'a paru incertain, j'ai dû craindre de lui ouvrir trop complaisamment les portes de mes souvenirs. Qu'elles aiment ou non cuisiner, épousseter, faire les courses, coudre, lessiver, tricoter, aspirer, cirer, congeler, repasser, pour la plupart des femmes ces gestes ménagers (que si volontiers, tout en les auréolant d'une humble noblesse, leur abandonnent les hommes) interfèrent avec le reste – le plus intéressant! – de leur vie. Avec le métier qu'elles ont choisi. Avec les enfants qu'elles ont voulus. Avec les rêves qu'elles entretiennent ou refoulent. Avec les amours et les amitiés et toute la gamme des liens noués ou rompus... Ainsi dans ces nouvelles, où ils ne sont que prétexte – plutôt que trame – à broder les accidents de l'existence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 février 2013
Nombre de lectures 12
EAN13 9782342002911
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ennuyeux et facile
Du même auteur Talons de verre, prix Prométhée de la nouvelle 2005 (Éditions du Rocher) Alphabet, poèmes, 2006 (Éditions Aldéran)
Marie-José Bertaux Ennuyeux et facile
Publibook
Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55 IDDN.FR.010.0118174.000.R.P.2012.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2013
La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles Est une œuvre de choix…
Verlaine –Sagesse
Aubergines à la tomate « À tout à l’heure ! » Un bras haut secoué, Gwen a déjà viré de bord et trotte d’un pas élastique vers la sortie du camping, son Thomas aux trousses. « On file à la criée ! Vous verrez ce que… Tu prépares les aubergines avec les tomates, hein ? Tu les fais encore mieux que ta mère ! » Qu’est-ce qu’elle s’imagine ? La criée ! Un marché aux poissons spécial vacanciers, voilà tout, d’où ils rapporte-ront ce que la Méditerranée nourrit de mieux pourvu en écailles et arêtes. Épaule et coude gauche en voie de dé-boîtement sous le poids du cabas dont on vient de lui coller les anses dans la paume, les sourcils mentalement arqués, une moue virtuelle à fleur de bouche, Nine effec-tue à hauteur d’oreille un vague pianotage des doigts de la main droite : réponse qu’elle voudrait narquoise aux gesti-culations de sémaphore déréglé par lesquels Gwen entend communiquer son enthousiasme au reste du monde – et particulièrement à son éteignoir de filleule. Naïve Gwen. Retorse Gwen. Elle fonce dans tous les attrape touristes. Elle vous retourne et vous roule avec autant de prestesse qu’une Bigouden sa crêpe de sarrasin. Et d’abord, elle ne s’appelle pas vraiment Gwen, mais Geneviève, comme tout le monde, et comme Nine, pour l’état civil, est Jeanine. Mais Nine, c’est un balbutiement d’enfance, perpétué par la tendresse ou la nostalgie mater-nelle (et qui l’arrange, elle, à présent : n’insinue-t-il pas le reniement du père infidèle, en l’honneur de qui lui fut im-posée la désuétude de son prénom officiel ?) ; tandis que Gwen… « Elle devait avoir à peu près ton âge, en tout cas on était encore au collège, a raconté à Nine sa mère. Du
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jour au lendemain, elle n’a plus répondu qu’à ce prénom de Gwen. Où elle l’avait pêché, pourquoi elle y tenait, mystère ! Même à moi elle n’a rien voulu expliquer. Elle a mis tout le monde au pas, ses parents, les profs. Moi, n’en parlons pas. Comme deux doigts de la même main… c’est ce qu’on dit d’habitude, et même si on le rabâche un peu trop, c’est bien ça, exactement ça. Je te souhaite une amie pareille. » Tandis qu’elle traîne plus qu’elle ne porte le cabas bourré à éclater jusqu’à l’auvent arrière de la tente, sous lequel s’éparpille le bric-à-brac baptisé cuisine – un camping-gaz, des bassines, une table trop légère pour ne pas branler, de la vaisselle dans une corbeille, des torchons pendus aux tendeurs, Nine rumine sans douceur l’admiration de Marie-Catherine dite – par Gwen – Karine pour sa cousine un peu moins que germaine, qui lui fait office, depuis au moins quatre lustres, d’intime confidente, de cahier de doléances – et Dieu sait si celles-ci ont ten-dance à s’accumuler ! – et de bureau des pleurs, quand ce n’est pas d’assistante sociale ou de directrice de cons-cience. Évidemment, les aubergines sont tout au fond avec les melons. Nine soupire ostensiblement pour elle seule – ça soulage quand même –, empoigne deux bassines, une pour les fruits, une pour les légumes. À peine a-t-elle déversé abricots et brugnons dans la première que Yann surgit de nulle part – de la douche sans doute : ses mèches gouttent encore sur son dos nu –, chipe une nectarine : « Je vais avec les copains ! – Dans le camping, hein ? Sinon Gwen… Et reviens à l’heure ! » Il a tourné les talons avant que sa sœur ait pu renouveler les objurgations invariables : casquette, tee-shirt… Il le fait exprès, et c’est encore sur elle que tombera le sermon. « Tu es l’aînée ! La peau des blonds, c’est fragile… Une insolation s’attrape vite… Je suis responsable de vous, je te rappelle… Ta mère… » Elle n’a surtout pas envie qu’on lui gâche ses vacances,
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