L Esprit souterrain
95 pages
Français

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L'Esprit souterrain , livre ebook

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Description

Ce livre regroupe une nouvelle et un court roman de l'auteur, regroupés en deux parties par l'éditeur (Librairie Plon) : «Katia» correspond à «La Logeuse» (1847) et le titre original de «Lisa» est «Le Sous-sol» (1863), ce dernier roman étant également connu sous les titres suivants : «Mémoires écrits dans un souterrain», «Les Carnets du sous-sol», «Manuscrit du souterrain».«Je suis malade... Je suis méchant, très-désagréable.» Ainsi se décrit Ordinov dans ses carnets. Dès son enfance, il n'a pu nouer des relations normales avec ces semblables. On le découvre dans la première partie, vivotant sur un petit héritage et cherchant un nouveau logement. Il erre en ville, tout lui est étranger, bizarre. Rien d'étonnant, il vit retiré, devenu sauvage. Il réussit à sous-louer une chambre à un couple étrange qu'il a croisé dans une église. Ordinov se lie avec la jeune femme... La deuxième partie est constituée du journal d'Ordinov. On le retrouve quelques années plus tard, ayant trouvé un emploi modeste. Il déteste ses collègues de travail. Subissant vexations et humiliations, il se venge sur une jeune prostituée. Cet homme est-il vraiment dénué à ce point d'humanité?Livre d'introspection, ce roman méconnu est une des meilleures oeuvres de Dostoievski.

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 74
EAN13 9782820603067
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Esprit souterrain
F dor Mikha lovitch Dosto evski
1886
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0306-7
Partie 1 KATIA
[Note - Ce livre regroupe une nouvelle et uncourt roman de l’auteur, regroupés en deux parties parl’éditeur : « Katia » correspond à « LaLogeuse » (1847) et le titre original de « Lisa »est « Le Sous-sol » (1863), ce dernier roman étantégalement connu sous les titres suivants : « Mémoiresécrits dans un souterrain », « Les Carnets dusous-sol », « Manuscrit du souterrain ». (Note ducorrecteur – ELG.)]
Chapitre 1

Ordinov se décida enfin à changer de chambre.Sa logeuse, pauvre veuve d’un fonctionnaire d’État, avait été pardes circonstances imprévues contrainte de quitter Pétersbourg pourse retirer au fond de sa province, chez ses parents, avant mêmel’échéance des loyers en cours. Le jeune homme, qui pensaitattendre la fin de son terme, regrettait de quitter si brusquement son vieux coin. Et puis !… il était pauvre, et leslogements coûtent cher. Cependant, dès le lendemain du départ de salogeuse, il prit son chapeau et alla flâner dans les rues, enexaminant les écriteaux qui annoncent les locations, choisissantles maisons les plus délabrées et les plus habitées, – celles où ilpouvait le plus vraisemblablement trouver un propriétaire presqueaussi pauvre que lui-même.
Il cherchait depuis longtemps déjà, tout à sonprojet : mais peu à peu il se sentait envahi par dessensations inconnues. Distraitement d’abord, puis attentivement etenfin avec une extrême curiosité, il se mit à regarder autour delui. La foule, la vie extérieure, le bruit, le mouvement, lavariété des spectacles, toute cette médiocrité des choses de larue, tout ce quotidien de la vie qui fatigue tant lesaffairés de Pétersbourg toujours en quête – si vainement, mais siactivement ! – du repas à conquérir par le travail ouautrement, toute cette banale prose et tout cet ennui évoquaientdans l’esprit d’Ordinov une joie sereine. Ses joues, pâles àl’ordinaire, se coloraient d’une faible rougeur, ses yeuxs’illuminaient d’un soudain espoir ; il respirait avec aviditél’air frais et froid ; il était extraordinairement léger.
Il menait une existence monotone et solitaire.Trois ans auparavant, ayant obtenu un grade universitaire ets’étant ainsi rendu relativement indépendant, il était allé chez uncertain vieillard qu’il ne connaissait encore que de nom. Lesdomestiques en livrée l’avaient longtemps fait attendre avant deconsentir à l’annoncer pour la seconde fois ; enfin il étaitentré dans un salon vaste, obscur et presque sans meubles, telqu’on en trouve encore dans les anciennes maisons du temps deschâteaux. Là, il avait aperçu un personnage tout chamarré dedécorations et la tête couverte de cheveux gris : l’ami et lecollègue du père d’Ordinov et le tuteur de celui-ci. Le vieillardlui remit une somme insignifiante, reliquat d’un héritage vendu auxenchères. Ordinov reçut cette somme avec indifférence, fit sesderniers adieux à son tuteur et sortit. – C’était un soird’automne, morne et triste. Ordinov réfléchissait. Il se sentait lecœur plein d’une désolation sans cause, ses yeux brillaient defièvre, et il avait des frissons sans cesse alternés de chaud et defroid. Il calculait qu’il pourrait, avec cette somme, vivre deux outrois ans, quatre peut-être en faisant la part de la faim… Maisl’heure s’avançait, la pluie tombait ; il loua la premièrechambre venue et en une heure y fut installé. Ce fut pour lui unefaçon d’ermitage : il y vécut dans un isolement absolu. Deuxans après il était devenu tout à fait sauvage.
Il était devenu sauvage sans s’en douter. Ilne se rendait point compte qu’il y eût une autre existence,extérieure, bruyante, mouvementée, toujours renouvelée et qui vousappelle sans cesse et fatalement vous reprend tôt ou tard. Il nepouvait sans doute l’ignorer tout à fait, mais il ne savait riend’elle et ne s’en était jamais soucié. Dès l’enfance il s’étaitfait un vague isolement intérieur : à cette heure, l’isolements’était précisé, défini et fortifié par la plus profonde despassions, celle qui épuise toutes les forces vitales sans laisser àdes êtres comme Ordinov aucune préoccupation de la banalitépratique de l’existence, cette passion entre toutesinassouvible : la science. Elle minait sa jeunesse comme unpoison lent et comme une lente ivresse, détruisait son sommeil, ledégoûtait de la nourriture saine et même de l’air frais qui nepénétrait jamais dans son étroite retraite. Et Ordinov, dans sonexaltation, ne voulait point remarquer tout cela. Jeune, il nerêvait, pour l’instant, nul autre bonheur que celui de contentercette passion qui faisait de lui un enfant pour la conduite de lavie et le rendait incapable de se concilier la sympathie desgens et d’arriver parmi eux à quelque situation. Car lascience, chez les habiles, est un capital ; mais la passiond’Ordinov était une arme qu’il tournait contre lui-même.
C’était, d’ailleurs, plutôt une sorted’enthousiasme hasardeux qu’un dessein raisonné d’apprendre et desavoir. Dès l’enfance il s’était fait une réputation desingularité. Il n’avait pas connu ses parents, son caractèreétrange et « à part » lui attirait du fait de sescamarades de mauvais traitements et des brutalités. Ainsi délaissé,il devint morose, plus « à part » encore et peu à peutout à fait exclusif. C’est dans de telles dispositionsqu’il s’était laissé séduire par sa passion, et il s’y livraitsolitairement, sans ordre ni système arrêté. Ce n’avait étéjusqu’alors que la première fougue et la première fièvre d’unartiste. Mais en lui maintenant se dressait une idée, et il lacontemplait avec amour, toute vague encore et confuse qu’elle fût.Il la voyait peu à peu prendre corps et s’éclairer : il luisemblait que cette apparence implorait une réalisation. Ce désirdévorait l’âme d’Ordinov, mais il ne sentait encore que trop peunettement l’originalité de son idée, sa vérité et sa personnalité.La création se manifestait déjà, elle se limitait et se condensait,mais le terme était encore loin, très-loin peut-être :peut-être ne devait-il jamais venir !…
Et il allait à travers les rues comme unréfractaire, ou plutôt comme un ascète qui aurait brusquementquitté sa muette solitude pour entrer dans une ville agitée etretentissante. Tout était pour lui bizarre et nouveau, et (tant ilétait étranger à ces bruyantes foules, à ce monde en ébullition) ilne pouvait même pas s’étonner de son étonnement. Il ne remarquaitpas davantage sa propre sauvagerie, pris au contraire d’une joie etd’une ivresse comparables à celles d’un affamé qui romprait un longjeûne. – N’était-il pourtant pas bien curieux qu’un changement delogement, un accident si mince, pût émouvoir et troubler unPétersbourgeois, fût-il Ordinov ? – Il est vrai qu’il n’avaitjamais eu l’occasion de sortir pour affaires .
Il se complaisait de plus en plus en saflânerie d’observateur.
Fidèle à ses habitudes d’esprit, il lisaitdans les tableaux qui se déroulaient clairement en lui comme entreles lignes d’un livre. Tout l’intéressait, il ne perdait pas uneimpression. Avec ses yeux intérieurs il examinait les visages despassants, regardait attentivement la physionomie des choses, touten écoutant avec sympathie le langage du peuple, comme s’il eûtcontrôlé les conclusions où l’avaient amené les calmes méditationsde ses nuits solitaires. Souvent quelque futilité l’arrêtait, luisuggérant une idée, et pour la première fois il se dépitait des’être ainsi retranché du monde dans une cellule. Tout ici, en luicomme en dehors de lui, allait plus vite ; son pouls battaitlargement et vivement ; son esprit, qu’avait comprimé lasolitude, aiguisé maintenant, élevé par l’exaltation de l’activité,travaillait avec précision, calme et énergie. Maintenant il auraitvoulu s’introduire dans cette vie qu’il ne connaissait pas encoreou, pour mieux dire, qu’il ne connaissait qu’en artiste. Son cœurbattit involontairement dans une

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