L'Or des basses-cours

Susan Hasche

Description

Goam, l'homo sapiens qui grave dans la glace d'un lac gelé la forme d'un poisson; Hervé Chafouin, le sans domicile fixe qui investit le parvis d'une église; Ernest Robineau, la victime de la maladie d'Alzheimer qui perd son chemin… Ces trois-là ainsi qu'une poignée d'autres n'ont rien en commun et ne se seraient sans doute jamais croisés s'ils n'étaient tout droit sortis de l'imagination en mouvement de Susan Hasche. Ou comment faire de quelques humains trop humains des héros de nouvelles! L'art de la nouvelle est réputé difficile. Le lecteur en doutera peut-être à la lecture de celles-ci tant la plume de Susan Hasche semble écrire d'évidence, créant des univers singuliers et pourtant si réalistes. De petits bijoux de précision, en somme, qui surprennent sans dérouter. Une certitude: il y a de l'or dans ces basses-cours!

Informations

• Publié par: publibook
• Nombre de lectures: 16
• EAN13: 9782748365283
• Langue: Français

Extrait

L’Or des basses-cours

Susan Hasche L’Or des basses-cours

Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : [phone] IDDN.FR.010.0116427.000.R.P.2011.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2011

L’eau-mot Depuis qu’il avait commencé sa longue marche en di- rection de cette étoile si lumineuse qu’elle était devenue sa seule compagne, dormant le jour afin de se laisser guider par elle la nuit, Goam avait rencontré de nombreuses cho- ses très troublantes. Tout d’abord des oiseaux aux trilles étranges, de nouvelles feuilles, oblongues ou effilées, de nouvelles baies tantôt délicieuses, tantôt amères. Il y avait eu aussi ces animaux couverts de longues fourrures, phy- siquement proches de ces mastodontes qu’il connaissait bien : mêmes protubérances nasales leur permettant de happer les feuilles des hautes cimes et de boire goulûment, mêmes défenses, meurtrières lorsqu’elles soulevaient un guerrier inexpérimenté et surtout mêmes masses écrasant le malheureux qui se retrouvait malencontreusement sous la lourde patte. Ces éléphants, il s’en souvenait, il les avait déjà pourchassés avec son clan avant que celui-ci ne fût décimé par cette maladie qui avait consumé tous les mem- bres de son groupe en quelques semaines. Il avait perdu celle qui était devenue sa compagne depuis de nombreuses lunes. Il avait vu son visage s’émacier, ses côtes devenir saillantes et son ventre se vider continûment. Il les avait laissés là, tous, dans cette caverne qui leur servait de re- fuge contre les ombres menaçantes de la nuit. Il était resté seul à épier, la nuit, les yeux brillants et jaunes des fauves qui rôdaient, seul avec sa peur. Alors, il avait saisi son pieu, ses silex et il était parti droit devant lui. Loin de le fatiguer, cette marche sans but le galvanisait. La chaleur torride qui les avait affaiblis, ses compagnons et lui-même, s’était estompée. Il ressentait à présent sur

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tout son corps une fraîcheur bénéfique. Il en frissonnait parfois, tant l’air était piquant au petit matin. Il n’avait rencontré aucun autre clan jusqu’alors et sa curiosité s’exerçait uniquement sur les nouveautés animales et vé- gétales qu’il croisait. Car Goam était curieux, sans doute était-ce pour cela qu’il n’avait pas péri avec les autres ! Lui, il s’en souvenait à présent que sa gorge était si sou- vent sèche, avait découvert une eau pure. La source se situait assez loin de la caverne du clan mais son goût lui était si agréable qu’il n’hésitait pas à faire le trajet. Sur le chemin qui l’emmenait à présent, il n’avait pas rencontré l’équivalent ni surtout cet arrière-goût métallique et pro- fond. Chaque goulée se libérait dans ses veines ; il en ressentait une réelle force jusqu’aux bouts de ses doigts, dans chaque fibre de son corps. Cette eau était magique : elle coulait avec un chant unique, qui le transportait loin des rugissements terribles, loin des feulements féroces ; tout ce qui constituait son univers quotidien. Lorsqu’il venait y boire, il chassait parfois une gazelle venue s’abreuver ; son cerveau obscur se laissait alors envahir par le charme de ce tableau. Son instinct de chasseur s’apaisait, il devenait contemplatif. Tout ce qu’il voyait et entendait le rendait heureux. Maintenant, la source, bien plus que ses compagnons, lui manquait. Sur ce chemin, les points d’eau étaient rares et souvent repoussants. L’eau des mares se confondait avec la vase des berges pour offrir au voyageur un cloa- que ; à la fois piège et poison. Piège à cause des crocodiles qui menaçaient et poison pour son ventre qui criait après qu’il s’était abreuvé, se tordait, ne lui laissant aucun répit. Heureusement avec la fraîcheur, la verdure avait égale- ment reparu. Les herbes brûlées avaient fait place à des paysages ondoyants et riches. L’eau devenait plus abon- dante et plus claire. Il avait même pu suivre un torrent qui cascadait entre d’énormes pierres blanches sur lesquelles il marchait avec aisance tant elles étaient polies. Il recon-

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