La Dame de Saïgon
215 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
215 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L’Indochine est encore française lorsque la petite Marianne débarque avec toute sa famille sur les quais de Saïgon. Venus tenter leur chance dans la colonie française, les Frémont vont à la découverte d’un pays à la fois hostile et attirant. En grandissant, Marianne s’éprend de ce nouveau monde et de sa culture tout autant que du jeune Anh Dung à la beauté énigmatique. Amoureux fous, ils se marient contre l’avis de tous. Au-delà des conventions, leur passion vécue au grand jour sera rattrapée par l’Histoire.


Biographe et journaliste d’architecture et de décoration intérieure, Karine Lebert est une passionnée. Ses héroïnes sont à son image et c’est grâce à l’écriture qu’elle sait redonner aux femmes une place prépondérante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2013
Nombre de lectures 455
EAN13 9782812913501
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Extrait
Première époque
1906-1920


L’arrivée en Indochine, 1906

Marianne avait onze ans quand elle débarqua pour la première fois sur le quai Napoléon, à Saïgon, en Cochinchine française, la partie la plus au sud de l’Indochine, en ce mois de février 1906. À peine avait-elle quitté le bateau que la moiteur de l’air l’assommait. Cela ajouté à l’agitation ambiante, les effluves étranges qui parfumaient l’air lui tournèrent la tête et les sens. Ce fut sa première impression de l’Asie. Elle n’avait jamais quitté la Normandie où elle était née. Abasourdie, presque effrayée, elle serrait très fort la main de son frère mais le regard oblique qu’il lui lança, loin de l’apaiser, l’inquiéta davantage car l’expression d’Étienne disait assez sa stupéfaction mêlée d’effroi. Elle avait toujours considéré son frère aîné comme un héros et elle attachait beaucoup d’importance à son jugement. S’il avait peur, comme elle, c’est que ce pays était dangereux, et peut-être avaient-ils eu tort de venir ? À l’idée de devoir faire le voyage en sens inverse, le cœur lui manqua ; la traversée avait été très éprouvante. À ce moment, leur père fit de grands gestes en direction d’un individu au teint jaune et Marianne comprit que, dans son esprit au moins, il n’était pas question de repartir. Son père était le chef de famille et tout le monde lui obéissait aveuglément. Elle ne savait pas si elle devait s’en réjouir ou le déplorer. La chaleur l’empêchait de réfléchir. Elle considéra d’un regard grave les habitants de cette terre lointaine avec leur carnation sombre et leurs cheveux noirs, et faillit pousser un cri en découvrant leurs dents tout aussi noires, comme rongées par un mal mystérieux. Elle ignorait que le bétel faisait des ravages sur les dentures des Annamites. En fait, elle ignorait à peu près tout de ce pays et c’est pourquoi tout lui inspirait un mélange de curiosité et de crainte, presque d’épouvante car elle pensait, comme sa mère, que rien de bon ne sortirait de cet exil. Bien différent était l’état d’esprit de son père qui semblait ici chez lui. Tous les membres de la famille Frémont suivaient en portant des bagages.

À l’exception du père, ils arboraient cet air hébété qu’on retrouve chez tous les voyageurs malgré eux qui débarquent sur un sol exotique et vaguement menaçant où leur avenir demeure assez flou. Autour d’eux, une foule fluctuante et bruyante de coolies, portefaix et conducteurs de pousse-pousse leur faisait prendre encore plus conscience de leur singularité et de leur désarroi. Quelques figures européennes leur assuraient cependant qu’ils n’étaient pas seuls au monde. En cet instant, Marianne trouvait du réconfort à contempler un visage familier, c’est-à-dire blanc. Ses vêtements trop épais étaient humides. Elle avait l’impression que la chaleur était quelque chose de solide contre lequel elle devait batailler pour espérer avancer un peu. Elle regarda son frère d’un air éploré mais il ne semblait pas se porter mieux.

– Je crois que je vais vomir, dit-elle d’une petite voix.
– Retiens-toi, Marianne. Je ne peux pas bouger avec tous ces gens.
– Il y a tant de monde ! Et puis, ça sent bizarre.
– C’est les épices, déclara son père d’un ton professoral.
Il prit une profonde inspiration comme s’il appréciait cette odeur, alors que Marianne était sur le point de régurgiter son déjeuner sur le dos de l’homme qui la précédait. Elle ferma les yeux et la nausée se dissipa.
– Papa, il faut trouver le père Crépin, intervint Étienne, voyant que leur père allait au hasard, manquant les semer tous.

– Dans cette foule ? C’est impossible !
– Il porte vraisemblablement une soutane, nous devrions le repérer facilement.

Étienne sentait la main de Marianne pétrir la sienne en un geste d’inquiétude. Pauvre petite ! Il espérait de tout son cœur que cette nouvelle vie finirait par lui plaire. Il se mit à scruter la multitude et distingua assez vite la silhouette sombre du prêtre chargé de les accueillir.

– Là, papa, regarde ! Ça va aller maintenant, Marianne.

La fillette sourit courageusement.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents