Les Galons perdus
78 pages
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Les Galons perdus , livre ebook

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Description

Jérôme et Paul sont frères. Ils ont grandi ensemble dans une commune du Limousin, Saint Germain les Belles. Devenus jeunes adultes, Paul, l'ainé, épouse une carrière militaire. Jérôme, qui va commencer des études de médecine, décide de rendre visite à son frère qui se trouve en Orient. Premier voyage pour ce Limousin de souche, découvertes de nouvelles contrées et de nouvelles cultures, rencontres amicales et amoureuses... Mais nous sommes en 1939, la seconde Guerre Mondiale éclate. Les galons perdus, c'est l'histoire du destin opposé de deux frères, qui se termine en Limousin, là où tout a commencé...


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2014
Nombre de lectures 133
EAN13 9782365751872
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Baptiste Renondin



Les Galons perdus


Roman des terroirs de France






À Françoise

« Pour l’honneur donne ta vie. »
Proverbe tcherkesse

« Vers l’Orient compliqué,
je volais avec des idées simples. »
Charles de Gaulle , Mémoires de guerre


Prologue

– Mon lieutenant, mon lieutenant !
J’entends une voix familière, j’ouvre les yeux et aperçois le facteur. C’est un petit bonhomme moustachu, originaire du Limousin, tout comme moi. Il vient parfois me rendre visite, pour partager le plaisir de nous remémorer ensemble notre région.
C’est le pays tout entier que j’aime avec ses pâturages cuits sous le soleil, l’accent amer, sombre, élancé de ses forêts ; les chaumes dorés me rappellent les étés de l’enfance et la joie de glaner. Les collines rangées l’une derrière l’autre se donnent la main en dévalant vers les rivières. Ici on les appelle des monts. Ils battent l’horizon de leur noire marche couverte de châtaigniers qui ont nourri le peuple limousin pendant des siècles.
Le village où je suis né, Saint-Germain-les-Belles, est proche de l’un de ces sommets, le mont Gargan. Le facteur était originaire d’un village semblable, Compreignac, pays de collines et de vallons, d’eaux fraîches où la truite abonde.
Mais ce matin je vois que mon ami le facteur ne vient pas seulement bavarder. Il arbore sa tenue d’uniforme, short kaki et chemise galonnée, et tient à la main quelques missives.
– Mon lieutenant, j’ai deux lettres pour vous en provenance d’Alexandrie.
Je le remercie, feignant de ne pas être surpris du lieu d’expédition.
– Reviens demain, nous boirons l’anisette !
Après son départ, je me passe de l’eau sur le visage et regarde l’heure : il a bien fait de me tirer de ma sieste !
Nous sommes à Beyrouth, le 3 octobre 1941. Ce matin, j’ai commencé mes études de deuxième année de médecine. J’habite seul la maison que Georges m’a prêtée. Située sur la hauteur, elle domine la mer et l’étroite plage de sable rouge qui court jusqu’à Tripoli.
Ses murs de pierres teintés d’ocre et de blanc protègent assez bien de la chaleur, surtout au rez-de-chaussée où j’ai choisi de m’installer. Deux grands piliers encadrent une lourde porte de bois qui donne sur deux pièces assez vastes, blanchies à la chaux et pavées de marbre blanc. Ce ne sont pourtant que d’anciennes écuries dont les fenêtres aux fines arcades ornementales laissent pénétrer une luminosité rayonnante.
Je contemple avec émotion la première lettre d’Alexandrie que j’ai tout à l’heure posée négligemment sur la table pliante qui me sert de bureau.
Avant de l’ouvrir j’en respire le parfum. Malgré le voyage, il demeure léger, délicat, incomparable, le parfum de Myriam.

Mon amour, mon grand amour,
Je pleure, je pleure encore plus que lorsqu’on m’annonça ta mort en héros... Mais cette fois-ci c’est de bonheur que je pleure. Je pleure, je ris, et maman ne sait plus quoi faire, elle me croit devenue folle.
Mais si je suis folle, ce n’est que de toi. Papa est fier de toi, et tous nous attendons ta venue pour Noël. Ce sera le jour de nos fiançailles, n’est-ce pas mon amour ? Je sens déjà tes bras m’entourer et je m’enivre de tes baisers. Je veux devenir la femme d’un héros ; ta femme... ta femme, ta femme, je me plais à dire ces mots et à les répéter, il me tarde tellement de te revoir !
Je t’embrasse et t’aime de tout mon cœur.

Ta Myriam

En lisant sa lettre, je sens un sourire tendre se dessiner sur mes lèvres et, sans réfléchir, c’est sur mon cœur que je viens poser ce doux papier. Comblé, je reste cependant curieux de découvrir l’auteur de la deuxième lettre.
C’est Marc qui m’écrit : mon ami, celui qui m’a reconnu par hasard, quand j’étais dans le coma à l’hôpital de Beyrouth.

Mon cher Jérôme,
Il n’y a qu’à toi que je peux écrire cette lettre. Je pars bientôt au front, quelque part dans le désert de Libye. Ce sera déjà ma troisième campagne, après celles d’Éthiopie et du Levant. J’ai même des galons de sergent-chef cousus sur ma manche, je n’en crois pas mes yeux ! Maintenant il va falloir lutter contre les troupes de Rommel. Ce sera dur, je le sais, et peut-être que je n’en reviendrai pas... Mais toi, tu sais ce que c’est.
C’est pour cette raison que, si je reste sur le champ de bataille, comme l’on dit, je compte sur toi et rien que sur toi, puisque tu fais partie de la famille, désormais... Myriam m’a dit que nous allons fêter vos fiançailles à Noël, quelle joie !
Alors voilà : il s’agit de Martha. Je me souviens que tu avais remarqué notre manège à la cathédrale, le jour de ton arrivée à Alexandrie, en juin 1939. T’en rappelles-tu ? Elle est si belle, m’avais-tu dit. Mais c’est surtout une femme remarquable par sa douceur, son écoute, et son attention portée aux autres. Oui, nous nous aimons... Mais si je ne devais pas revenir, il faut que tu saches : mon frère, David, l’aime en secret. C’est Martha elle-même qui me l’a dit. Alors il faudra que tu ailles parler à mon père, le persuader que Martha a sa place dans la famille... avec David.
Il a beaucoup d’estime pour toi et il t’écoutera.
Voilà, vieux frère, mon dernier souhait.
Tu me verrais habillé en soldat britannique, tu te moquerais bien de moi !
Porte-toi bien.

Ton ami, Marc.


Chapitre 1

Il y a déjà deux ans que j’arrivais à Marseille, le 20 juillet 1939, une première étape vers le Liban inconnu. Pour moi, ce jour-là, déjà l’aventure commence.
Impatient de sentir le large, d’accéder au monde des bateaux, je me dirige vers le vieux port. Et le dépaysement dépasse toutes mes attentes. La mer est bien là avec son scintillement fort sous le soleil, et la foule des passants sur les quais, la profusion des bateaux et embarcations dans le port m’emportent dans une sorte de tourbillon chantant.
Les mâts et les vergues se balancent et carillonnent. Les marins s’interpellent sans que je distingue quelle langue ils parlent. Je comprends que Marseille est un espace cosmopolite où cohabitent, le temps d’une escale ou le temps d’un négoce, toutes sortes de cultures. Je crois deviner des Levantins aux visages ronds, des Turcs aux profils d’aigle, des Arabes à la fière démarche, des hindous basanés… tous se mêlent à la foule marseillaise. Cette dernière est gaie, riante, bavarde, et resplendit comme le soleil qui m’éblouit et me fait plisser les yeux. Mais ce qui m’étonne le plus, c’est son accent. J’entends des bribes de conversation que je ne comprends pas et j’ai l’impression qu’ici on négocie en chantant.
Les étals des poissonniers offrent une profusion de coquillages, oursins, crustacés et des poissons colorés et bardés de nageoires épineuses comme on n’en voit jamais dans les étangs du Limousin.
Plus loin des tréteaux croulent sous des montagnes de tomates, des pyramides de citrons, des chaînes d’aulx et d’oignons, des cagettes de piments verts et rouges et des barils d’olives de toutes sortes, vertes, noires, très grosses ou toutes petites.
Je me sens gorgé d’odeurs, les yeux remplis de soleil, et le ventre un peu creux. Et j’entre m’attabler dans un petit restaurant.
À la table voisine sont assis deux garçons de mon âge. Sans vouloir écouter leur conversation, j’entends qu’ils expriment leur joie de revoir bientôt Alexandrie. Je me demande quel lien les unit car l’un est brun et a le profil aquilin, tandis que l’autre est châtain et a le nez plus large. Le brun a l’air plus solide, et l’autre semble être le plus expansif.

– Dans trois jours, nous serons de retour chez nous, David !
– Si le Champollion part à l’heure demain, mon cher Marc !
Et ils rient tous les deux de bon cœur. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils m’ont vu sourire à cette dernière remarque, mais ils me regardent et me demandent :
– Vous aussi vous embarquez à bord du Champollion demain ?
– Oui. Et j’ajoute, non sans fierté : Je vais à Beyrouth rendre visite à mon frère aîné qui est lieutenant de cavalerie.
– Quel dommage que vous ne débarquiez pas à Alexandrie, c’est la ville la plus cosmopolite et la

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