Avant le but, il restait à couvrir un ou deux kilomètres. Des hélicoptères ronronnaient du côté du P. C. du commandant Le Mire. Tiré de fort loin, un obus, américain ou chinois, explosait de temps à autre, mais à seule fin, pouvait-on croire, de rappeler que des nations étaient en guerre. Pourtant, bien que Chinois et troupes de l'ONU se trouvassent souvent, du fait d'une stratégie audacieuse, en ligne les uns à hauteur des autres, la partie semblait jouée pour la patrouille. Or, soudain, au détour d'un sentier, le caporal qui, flanqué de deux Coréens, ouvrait la marche à une cinquantaine de mètres, s'arrêta net et leva le bras. L'arme à la main, le lieutenant, le sergent, leur troupe accoururent, rejoignirent l'avant-garde. A petite distance, au milieu de rizières abandonnées une ferme se dressait, intacte. Retenant leur souffle, Français, Coréens tendirent l'oreille. Pour ces soldats aux sens affinés par un danger toujours présent, aucun doute : des coups de pioche retentissaient. Exodes, batailles, bombardements avaient vidé la région de ses habitants. Ces travailleurs ne pouvaient donc être des civils et, de toute évidence, ceux qui attaquaient ainsi un sol encore gelé ne s'occupaient pas à y planter des fleurs. Déduction logique : des Chinois, ou des Nord-Coréens s'affairaient par là.