Chili
297 pages
Français

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Description

C'est au Chili, dans le désert le plus aride du monde, le désert d'Atacama, que des dizaines de milliers de mineurs ont extrait le nitrate naturel, cet or blanc exporté dans le monde entier à partir de 1830. Mais une fois l'activité jugée peu rentable, les corons ont disparu, laissant désolation et misère. En allant à leur rencontre, l'auteure a voulu leur donner la parole. Témoignages de mineurs, donc mais aussi d'anciens détenus politiques de Chacabuco, coron nitrier abandonné, devenu camp de concentration sous la dictature Pinochet.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2006
Nombre de lectures 112
EAN13 9782336274195
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

9782296018860
Chili
Sur les traces des mineurs de nitrate

Véronique Brunet
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Documents Amériques latines Dedicace PREFACE EN GUISE D’AVERTISSEMENT AU LECTEUR. QUELLE MEMOIRE POUR LE CHILI ? UNE APPROCHE DE LA PAMPA DES RENCONTRES -CLES VOYAGE A L’INTERIEUR DE LA PAMPA NITRIERE ou ETAT DE LIEUX EN PERIL BREVE HISTOIRE DES LIEUX. LA PAROLE AUX TEMOINS DES LIEUX ou LA MEMOIRE DES LIEUX LES CORONS NITRIERS, LIEUX DE MEMOIRE : REFLEXIONS EPILOGUE GLOSSAIRE BIBLIOGRAPHIE
Documents Amériques latines
Collection dirigée par Denis Rolland et Joëlle Chassin
La collection Documents Amériques latines publie témoignages et textes fondamentaux pour comprendre l’Amérique latine d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Déjà parus
PRIETO Mario, Mémoires d’un diplomate... chilien , 2005. ROMERO Flor, Manuel Elkin Patarroyo : un scientifique mondial. Inventeur du vaccin de synthèse de la malaria , 2004.
DEBS Sylvie, Brésil, l’atelier des cinéastes , 2004.
VILLANUEVA Michèle, Le peuple cubain aux prises avec son histoire , 2004.
HOSSARD Nicolas, Alexander von Humboldt & Aimé Bonpland — Correspondance 1805-1858 , 2004.
PACHECO Gabriel, Contes modernes des Indiens huicholes du Mexique , 2004.
ABREU DA SILVEIRA M.C, Les histoires fabuleuses d’un conteur brésilien , 1999.
EBELOT A., La guerre dans la Pampa. Souvenirs et récits de la frontière argentine, 1876-1879 , 1995.
TEITELBOIM V., Neruda, une biographie, 1995.
CONDORI P., Nous, les oubliés de l’Altiplano. Témoignage d’un paysan des Andes boliviennes recueilli par F. Estival. 1995.
ATARD B., Juan Rulfo photographe , 1994.
VIGOR C.A. Parole d’Indien du Guatemala , 1993. WALMIR SILVA G., La plage aux requins, épopée d’un bidonville de Fortaleza (Brésil) racontée par un de ses habitants , 1991.
DURANT-FOREST (de) J., tome 1 : L’histoire de la vallée de Mexico selon Chimalpahin Quauhtlehuanitzin (du XIe au XVIe Siècle), 1987 ; tome 2 : Troisième relation de Chimalpahin Quauhtlehuanitzin , 1988.
Les mots me manquent pour exprimer toute ma gratitude envers tous les proches qui m’ont fait confiance et m’ont soutenue pendant toutes ces années de travail.
A vous mes amis, un immense merci. Puisse cet ouvrage être à la hauteur de votre attente.
Je dédie ces lignes aux pampinos , aux travailleurs du Chili et du monde entier, mes camarades.
Véronique Brunet.
Les traductions de toutes les citations de livres en langue espagnole sont de l’auteure.
PREFACE
Il était une fois, au bout du bout de la terre, une morne immensité coincée entre le plus grand océan et la plus grande cordillère du monde : le désert d’Atacama, au Chili. Ni l’empire incaïque, ni les Conquistadores espagnols à sa suite, n’avaient su trop quoi faire de ce « no man’s land », domaine unique du vent dont les directions changeantes soufflaient tour à tour une odeur d’iode maritime ou celle, pulvérulente, d’une étrange poussière qu’un poète chilien a dénommée « farine de lune ». Cela durait ainsi depuis des millions d’années quand, vers 1830, le capitalisme mondial, dans sa course folle au pillage des ressources naturelles de la planète, découvrit que ce finistère recelait (avec, plus au nord, les gisements de guano du semblable désert côtier péruvien), un produit essentiel à sa révolution agro-industrielle en cours en Europe et en Amérique du Nord : les salpêtres ou nitrates du Chili, susceptibles de servir d’engrais à l’augmentation des rendements agricoles et de matière première pour la fabrication de la nitroglycérine. Commença alors pour ce pays un cycle économique qui dura cent ans (jusqu’à la crise économique mondiale de 1930) pendant lequel 75% du revenu national dépendit de ses exportations de nitrates extraits de cette région la plus aride et la plus inhospitalière de son territoire.

Encore fallait-il pour cela trouver les capitaux et les travailleurs qui n’existaient pas sur place. On les fit donc venir d’ailleurs. Les capitaux — matérialisés par les installations résidentielles, ferroviaires et portuaires : des métropoles financières intéressées à l’affaire. La main d’œuvre : des régions peuplées du Chili (indiennes et métisses) et du reste du monde. Recrutée par des promesses fallacieuses, souvent pré-endettée, cette main d’oeuvre se retrouve ensuite piégée au milieu du désert, dans la totale dépendance des patrons, de leurs administrateurs et du magasin d’alimentation patronal où l’unique monnaie circulante était constituée de « fiches » d’entreprise de cuivre ou de bois. A l’ombre des cheminées de la fabrique, les premiers campements ouvriers ressemblent donc beaucoup plus à des camps de concentration qu’à des villes, et les châtiments corporels (cachot, pilori, fouet) pour faute professionnelle ou « mauvais esprit » n’étaient pas rares. Avec le temps pourtant, les choses changèrent un peu. Ainsi en 1876, là où il n’y avait pas un habitant cinquante ans plus tôt, s’accumulent des dizaines de milliers d’ouvriers du salpêtre de 38 nationalités différentes (des Chiliens bien sûr, mais aussi des Boliviens, des Péruviens, des Européens, des Nord-Américains, des Yougoslaves, des Chinois, des blancs, des indiens, des métis), arrachés à leurs lointaines origines géographiques ou ethniques, isolés du reste du monde, et confrontés aux mêmes conditions inhumaines d’exploitation et de survie.

Des conditions « idéales » en somme pour générer, sinon déjà une « conscience de classe », du moins une identité de classe qui, bien que vécue dans un cadre étroitement local, était d’emblée objectivement multiethnique et internationale, et fondée sur une commune expérience vécue de résistance à des conditions de vie et de travail particulièrement adverses. Le déracinement de la société d’origine, l’inhospitalité de l’environnement — mais aussi la conscience grandissante de leur rôle joué dans l’économie du pays — favorisèrent donc chez ces exilés d’abord des revendications, ensuite des luttes (souvent sanglantes ! ) qui aboutirent à améliorer un peu (si peu !) les conditions de vie et, partant, un réenracinement local. Dès lors, l’arrivée quotidienne du train en gare, le kiosque à musique dominical, les oripeaux du bordel, et même l’infinitude de la pampa désertique sous la lune, devinrent des repères d’identification sur lesquels projeter ses rêves d’une autre vie lors des rares moments de loisir de ces prolétaires qui s’éreintaient le reste du temps à raison de 12 à 14 heures de travail par jour.
Quand donc, au terme d’un remarquable travail de documentation et de terrain accompli dans des conditions financières qui n’ont guère coûté aux institutions de recherche françaises (car financées exclusivement sur ses économies restreintes de professeur du secondaire), Véronique Brunet récupère au cours de ses entrevues la mémoire vivante des derniers de ces empampados (comment traduire : « endésertés » ? ), ce qui ressort d’abord avec le plus de fréquence de leurs témoignages, ce ne sont pas les souvenirs d’un « enfer des damnés de la terre » mais ceux (mythifiés, peut-être) d’un « âge d’or des salitreras » - paradis prolétarien perdu où ce qui primais alors c’était la convivialité et la solidarité des travailleurs et de leurs familles. Témoins de la dernière génération du cycle séculaire des nitrates, ils témoignent (ou rêvent) d’un temps où, malgré la crise mondiale annoncée de leur activité, les acquis arrachés par les générations précédentes aux compagnies exploitantes avaient contribué à un peu moins déshumaniser les conditions de vie et de travail. Il était alors possible d’avoir une vie de famille et, le dimanche, d’échapper pour un temps à l’univers concentrationnaire de l’entreprise — ce qui fait dire à l’un d’entre eux : « Même si on vivait mal, on vivait bien » . Existentiellement sinon théoriquement consciente de son aliénation au service du capital, la mémoire ouvrière exprimée ici se polarise donc d’abord sur ses souvenirs positifs : sur les moments de loisirs et d’une sub-culture de la solidarité qui rendaient la vie malgré tout vivable et rattachait la vie prolétarienne à des valeurs communes au reste de l’humanité. Les moments remémorés sont donc de préférence ceux des emplettes au marché ou dans les boutiques (indépendantes du magasin du patron) de la bourgade animée d’un bal du samedi soir où se faisaient et défaisaient les amours ; des flonflons des pianolas ; pour les croyants, de la messe ou de la fête paroissiale (promesses d’un autre monde, peut-être ?) et même — vrais miracles,

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