L invention du peuple
411 pages
Français

L'invention du peuple , livre ebook

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411 pages
Français

Description

L'invention du peuple est la réédition actualisée et augmentée d'un essai où l'auteur tente d'analyser des pratiques politico-culturelles ayant servi depuis plus de deux siècles en Roumanie à construire une entité sociopolitique moderne : l'Etat-nation du peuple-ethnie. Il s'agit d'une méditation sur l'advenue du moderne en des zones archaïques de l'Europe et sur le rôle ambigu qu'y joua pendant 40 ans le pouvoir communiste pour l'acheminer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2008
Nombre de lectures 140
EAN13 9782296200685
Langue Français
Poids de l'ouvrage 17 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'invention du peuple
Chroniques de Roumanie et d'Europe orientaleCollection « Les pensées libres »
dirigée par Claude KamoouhClaude Kamoouh
L'invention du peuple
Chroniques de Roumanie et d'Europe orientale
Deuxième édition revue,
corrigée et augmentée d'une postface (2007)
L'HarmattanDu même auteur
chez L'Harmattan
L'Europe postcommuniste, Essais sur la globalisation, 2004.
Postcommunisme fin de siècle, Essai sur l'Europe du xx! siècle, 2000.
Vivre et survivre en Roumanie communiste, Rites et discours versifiés
chez les paysans du Maramure~, 1998.
@ L'HARMATTAN, 2008
5-7, rue de l'École-Polytechnique; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion. harmattan@wanadoo.fr
harmattan 1@wanadoo.fr
ISBN: 978-2-296-05859-0
EAN : 9782296058590À nlesfillesMille {lésirs gourds seront-ils
Enfin urIevolonté forte?
Hongrois, Roum.ains, Slaves? Le deuil
Reste le n1êlne deuil toujours.
Endre Ady, Chal1t des jacobins hongrois.
Ce qui finissait, en effet, ce n'était pas tant notre patrie que notre
empire, c'est-à-dire quelque chose de plus grand, de plus étendu, de
plus élevé qu'une patrie pure et simple.
Joseph Roth, La crypte (les Capucins,
La sauvage discorde des nations
Nul écho 11 'en vient jusqu'à moi
Je ne suis d'aucun côté,
Car le droit n'est ni là, ni ici...
Rainer Maria Rilke, ln dubiis.AVANT-PROPOS (1989)
Les chapitres de ce livre se présentent comme autant de chroniques et
d'interprétations possédant chacune leur autonomie, quoiqu'une convergence
théorique et herméneutique les rassemble et leur donne la cohésion justifiant leur
succession en un même ouvrage. Certains textes sont totalement inédits, quand
d'autres ont fait l'objet d'ébauches publiées dans diverses revues françaises ou
étrangères. Si j'ai tenu à les réunir ici, c'est pour montrer le cheminement et les
inflexions d'une réflexion commencée voici plus de dix ans et qui, peu ou prou,
et quels qu'en soient les détours, était dominée par la question du nationalisme,
de ses multiples représentations et figures.
Voici quinze ans, je partis pour la Roulnanie afin d'y entreprendre une
recherche ethnologique SOlnmetoute conventionnelle etj'en rapportai, quelques
années plus tard, quelques articles et un petit livre sur l'herméneutique de la
versification populaire rituelle. C'est d'abord à la lecture d'ouvrages roumains de
folklore et d'ethnographie que je découvris le rôle central du nationalisme,
lequel fondait en partie sa légitimité dans les finalités historiques qu'il
attribuait aux coutumes paysannes archaïques. Plus tard d'autres lectures et des
séminaires ont certes nourri les questions que j'adressais à la singularité du
nationalisme d'Europe orientale, toutefois, ce qui orienta ma démarche de
manière décisive doit beaucoup à des rencontres faites ici et là, entre Danube
et Tisza, mer Noire et Puszta, entre Bucarest et Budapest: rencontres,
conversations, promenades commandées par des affinités électives. Néanmoins je ne
suis pas ingrat et ne saurais manquer de remercier le CNRS et les Académies
roumaine et hongroise pour leurs généreux subsides; grâce à ce pécule, j'ai pu
accomplir l'un de mes rêves d'adolescent: parcourir les campagnes d'Europe
orientale, y regarder vivre les paysans et m'essayer à comprendre leur
longanimité face aux bouleversements politiques, sociaux et économiques les plus
rapides et violents qu'ait connus l'Europe contemporaine.
Avant de partir j'étais naïvement partagé entre deux conceptions
contradictoires et inconciliables, entre le marxisme-léninisme révolutionnaire, ouvriériste
et intellectuel, qui avait nourri ma conscience politique pendant mes dernières
Ilannées de lycée et mes études universitaires, et le doute né d'une lecture des
diverses versions, souvent antinomiques, dénonçant les échecs le plus souvent
sanglants de l'expérience communiste à l'Est. En ce temps, l'intelligentsia
parisienne n'avait pas encore découvert en Soljenitsyne, Pliouchtch ou Goma -
sans omettre le pape polonais - les « stars» du goulag, si bien que le sort des
paysans ukrainiens, biélorussiens, polonais, moldaves ou hongrois (ou celui
des croyants de toute obédience) n'occupait guère les esprits et les âmes en
quête d'audience médiatique et d'actions spectaculairement philanthropiques:
beaucoup n'y entendaient qu'intérêts archaïques et réactionnaires. Pour
l'extrême gauche et la gauche françaises,les « bons paysans» n'avaient le droit
d'être nationalistes qu'à condition d'affirmer leurs convictions révolutionnaires
dans l'exotisme du tiers-monde.
Je le confesse, je n'ai peut-être pas employé l'argent public qui m'était
attribué en respectant les règles du jeu des accords entre mon institution et celles
qui m'accueillaient avec une sollicitude parfois suspecte; et, si j'ai mis à
profit les contraintes, souvent fastidieuses, du travail de terrain, j'appris bien vite
à mes dépens combien était sotte la division de l'ethnologie européenne en
catégories reproduisant des divisions culturelles calquées sur les limites de
souveraineté des États-nations. Ce monde m'offrait d'emblée la richesse et la
complexité d'une juxtaposition d'ethnies, de religions et de langues où
s'interpénétraient traditions et coutulnes, religions et langues, cultures savantes et politiques
venues de divers horizons.
C'est en Transylvanie, immédiatement confronté à sa marqueterie culturelle
et religieuse, que j'ai effectué l'essentiel de mon travail d'et11nologue. Comme
je suis animé en outre d'un esprit curieux et vagabond, il m'arrivait
fréquemment de diriger mon regard, par-delà mes « bons sauvages» roumains, vers leurs
tout aussi « sauvages» voisins ukrainiens, hongrois, saxons, souabes et serbes.
Consacrant une partie de mon temps à compulser les fichiers des instituts de
folklore et des bibliothèques, à y lire les ouvrages mis à l'index dans les «
sections réservées », je découvrais peu à peu qu'il me fallait transgresser les limites
de ma discipline si je voulais mettre à profit le privilège que l'on m'offrait d'y
vivre quotidiennement à l'abri du besoin et sans autre autorité que celle que je
cours de ces lectures que bien des interprétations philo-m'ilnposais. C'est '!U
logiques et ethnologiques (recouvrant aussi des discours communs)
m'apparurent, selon l'auteur (ou l'interlocuteur), ressortir soit au genre apologétique de
la propagande, soit au genre merveilleux ou épique du conte. Dès lors qu'on les
confrontait aux débats portant sur l'identité nationale, ces interprétations
gagnaient une dimension idéologique qui piquait ma curiosité. Ainsi, selon la
nationalité de l'auteur, un même sujet et1mographique donnait lieu à des débats
12qui n'avaient plus qu'un lointain rapport avec la question initialement adressée
à la culture paysanne: qu'il traitât de rites, d'« art » populaire ou d'organisation
sociale, il servait de prétexte à disputer de la légitimité des frontières politiques.
Aussi ai-je souvent outrepassé la spécificité empirique de ma discipline pour
aborder des domaines que la spécialisation mortifère de la recherche en sciences
humaines attribue communément à la science politique, l'histoire littéraire, la
philosophie politique, l'histoire des idées.
Si, en guise d'exorde, j'ai souhaité résumer brièvement le bilan de ces quinze
années au cours desquelles j'ai visité (verbe que je préfère à enquêter, par trop
policier, parce qu'il suggère, à travers le voyage, cette traversée des apparences
chère aux romantiques) les paysages carpatiques pour des périodes s'étendant
parfois à quatorze mois consécutifs, c'est qu'à présent je mesure tout l'intérêt
de ma dette envers les affinités électives et discerne les moments cruciaux de
ces rencontres en des lieux divers: au cours de longues courses en voiture
automobile sur des routes poussiéreuses et défoncées, ou bien à pied, au travers
des alpages, ou encore confortablement assis dans les fauteuils moelleux de

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