Personne et Res Publica Volume II
228 pages
Français

Personne et Res Publica Volume II , livre ebook

-

228 pages
Français

Description

Pendant des siècles, les rapports de la sphère politique avec la vie privée ont été régis par des codes de convenance qui assignaient à chacun une place et un rôle. Les instruments juridiques proposés pour définir l'espace public (res publica) dépendent peut-être moins de l'époque que de l'ère géographique. La véritable différence repose sur une manière septentrionale ou une manière méridionale de penser l'espace public : c'est elle qui donnera une définition aux acteurs qui évoluent en son sein : les personnes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2008
Nombre de lectures 128
EAN13 9782296194649
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jacques Bouineau
loyauté fut le clientélisme qui avait été jadis utilisé systématiquement
dans la Rome antique et faisait aussi partie, sous une forme particulière,
2
du système féodal »; lorsqu’il écrit ces mots, Wolfgang Weber décrit le
phénomène évident de tout fonctionnement social et politique, quelle
qu’en soit la forme, et qu’AnthonyBlackrésume ains« Sommei :toute,
lepatronage etle clientélisme continuèrentà jouer, bienqu’àtraversdes
réseauxdifférents, longtempsaprèsle développementdesinstitutions
3
politiquesmodernes».Il importe donc d’observer quelsfurentles
moyens utilisés parlesdifférentesmonarchiesditesabsolues pouren
atténuerleseffets.C’està ce niveau qu’il convientde faire intervenirla
e
notion juridique deres publica.Le même auteurajoute : « DepuisleXIII
siècle, lesAnglais parlaientdecommunitasouuniversitas regni, du
royaume comme d’un corpsconstitué, d’une entité juridique capable
d’actionunitaire etde déterminationpropre.Plusieursnations
4
s’enorgueillissaient publiquementde leursorigines troyennes».

Dansle cas particulierde la France leroi est parvenu, à la faveur
descrisesde la fin duMoyen Age, à faire de lathéorieunepratique, il a
su transformerleregnum francorumenroyaume de France, il a fait
coïncidermouvanceroyale etdomaineroyal, il a établi la France.Après
5
avoir reçu unequalificationthéoriquesouslaplume de Suger,une
ossature dansletestamentde Philippe-Auguste etdanslaspécialisation
desgrands servicesadministratifs sous saintLouis, leroyaumepossède
unterritoire,une nation depuisle conflitavec la couronne d’Angleterre,
un droit, naturellement,qui cimente cetensembleunique en Europlae :
France est uneres publica,a fortioriaprèsPhilippe le Belqui n’est
toujours,rappelons-le,quesuzerainsuprême.

6
Certes, les statuts sontmultiples, leslois privéesinnombrables,
maisleroi en devientleprotectetur ;outcequi n’émanepasde lui fait
bientôtfigure detrouble à l’ordrepublic.Contrairementà laplupartdes
royaumes voisins, oùla monarchie neparvient pasà éradiquerles

2
Idem,p. 235.
3
AnthonyBLACK, « Individus, groupesetEtats.Une approche générale comparée », in
JanetCOLEMAN(dir.),op. cit.,p. 382.
4
Idem,p. 388.
5
Michel BUR,Suger, abbé de Saint-Denis, régentde France, Paris, Perrin, 191,349p.
6
Privatae leges, les privilègesdonc.

Personne etres publicadans les régimes de l’Époque moderne en Europe
groupesdepression concurrents, leroi en France est unpasteur qui guide
sonpeuple.

En Espagne, derrière le mythe de lareconquête
Infidèles, nese dessine enrevanche aucuneunitéréelle,
publica, mêmesi la monarchie cherche às’yimposer.

contre les
aucuneres

Il ne fauten effet pasconfondre, commetropd’historiensle font,
pouvoirhégémonique etabsolutisme.En Espagne, les rois très
catholiques, aunom dumythequ’ilsincarnentdans unpremier temps, les
Habsbourgsaunom de leur propre mythe dans unsecondtemps,
prétendent s’imposer.Il manque,pour que cela constitueunevéritable
res publica, l’adhésion des peuplesà la construction d’ensemble.Dansla
conscience hispanique, lasouverainetésetrouvetoujoursdansles
7
institutions régionales .Etlorsque les rois s’imposentet prétendent
détenir tousles pouvoirsaunom de l’absolutismetelqu’ilpeutexisterde
l’autre côté desPyrénées,personne n’adhère à leurs prétentions.

Au sièclesuivant, lesBourbonsimportentle modèle françaisdans
lapéninsule ibérique.Ilsjettentincontestablementlesbasesd’uneres
publicaespagnole, maiscependant un antagonisme demeure essentiel
entre gouvernementet populations.Peut-on direne :treres publicaet
personnes ?

Il fautmaintenantdéfinirlapersonne.majo« Larité desauteurs
partagent, aumoinsimplicitement, lepointdevueselon lequel
l’absolutisme est« leprincipe leplusopposéquisoità l’individu»parce
qu’ils’estefforcé de faire desindividusdes personnages
interchangeableset parcequeson organisationpolitique et sociale
normalereposait sur un holisme autoritaire.En conséquence, c’estaux
Lumièresetau triomphe ducapitalismequ’on attribue l’institution de la
société moderne individualiste;cequ’on a appelé le despotisme éclairé a

7
Il convientde lire letrèsintéressantarticle de Juan Ignacio GUTIÉRREZNIETOLa, «
idea de libertad en Castilla durante elrenacimiento », in FranciscoDESOLANOyFermin
DELPINO(ed.),Americayla España del siglo XVI, Madrid, CSIC, InstitutGono «zalo
Fernándezde Oviedo », 1983,vol.II,pp.11-26,qui campe la notion de liberté moderne
en l’opposantà la notion médiévale.

Jacques Bouineau
8
pu contribuer,au plus trèsfaiblement, à ceprocessus».L’étude de
9
Wolfgang Weberest trèsmarquéeparl’Allemagne, etil le ditlui-même
– et quelquefoisne le dit pas–, il extrapole laréalité germanique à
10
l’ensemble ducontinent .Certes: «l’humanisme, de façontrès
significative, mettaitenvaleurlasubtilité de la critique historique et
philologique, cequi donnaitdeplusenplusd’importance au pointdevue
11
personnel ducritique »etcertesaussi : « L’importance fondamentale et
normative duchristianisme dansl’individualisation estbien connue :
l’individu sevoitaccorder une grandevaleurentant qu’imago Deiet
danslaperspective de l’eschatologie chrétienne, moralementet
religieusement, l’individuaun engagement,une obligation,une
mobilisation directsdanslavietemporelle envue deson
accomplissementindividuel dansl’au-delà;etdansce contexte, le
comportementà l’égard d’autrui est réglé de façon exigeanteparle
12
commandement: « Tuaimeras tonprochain commetoi-même ».Même
si les théoriciensde l’absolutisme divergent sur plusieurs points, ils se
rapprochent surl’un d’euxauxdiresde Wolfgang Weber: l’idée de
13
pacte,qui induitcelle d’individu .Toujoursd’aprèsle même auteur,
14
l’apparition d’une carrière de «fonctionnaires» «créait une nouvelle
15
période de laviepotentiellementindividualisante, celle de laretraite.
Lavieprofessionnelle etlavieprivéese différenciaientbeaucoup plus
16
clairement».

8
Wolfgang WEBER,op. cit.,p. 219.
9
« Je m’intéresse à lasituation en Europe centrale et plus spécifiquementen Allemagne
parceque, dansce domaine, ellereflète ou regroupetoutesles tendances que l’ontrouve
danslereste de l’Europe », Wolfgang WEBER,op. cit.,p. 220.
10
« La Réforme accéléra la consolidation de l’autoritéséculière.Lesélites souveraines
detoutesconfessions réussirentàrenforcerde manière décisive leurcontrôlesur
l’Eglise;elles tirèrentde grands profitsfinanciersetmatérielsd’expropriations
officiellesouofficieuseset setrouvèrentdésormaisà même d’utiliser plusdirectement
que jamaisl’appareilreligieuxcomme instrumentau service de leursintérêts
politiques»,Idem,p. 228.
11
Idem,p. 224.
12
Idem,p. 225.
13
Idem,p. 241.
14
Il emploie le mot.
15
Qui existepartiellement sousMarie-Thérèse.
16
Idem,p. 243.

12

Personne etres publicadans les régimes de l’Époque moderne en Europe
Nousallons proposer une autre approche.D’aprèsRousseau, le
corpscollectif «prenoit[…] le nom deCité, et prend maintenantcelui de
RépubliqueoudeCorps politique, lequel estappelépar sesmembresEtat
quand il est passif,Souverainquand il estactif,Puissanceen la
17
comparantàses semblablese» ,tl’auteurde l’article note la différence
18
qui nousestcoutumière entrepeuple etcitoyens .Citant toujours
Rousseau, ilrapporte cepassage célèbre duContratsocial: « Onvoit par
cette formuleque l’acte d’associationrenfermeun engagement
réciproque duPublic avec les particuliers, et que chaque individu,
contractant,pourainsi dire, avec lui-même,setrouve engagésous un
doublerapposrt ;avoir, comme membre duSouverain enversles
particuliers, etcomme membre de l’Etatenversle Souverain.Maison ne
peutappliquerici la maxime dudroitcivilque nul n’est tenuaux
engagements prisavec lui-même;carilya bien de la différence entre
19
s’obligerenvers soi, ou

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents